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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 29

  • Sans un bruit (John Krasinski)

    Ce qu’il y a de bien avec les films d’horreur, c’est qu’ils révèlent les angoisses cachées d’une société, ils ont toujours quelque chose de pertinent à nous montrer. La société américaine semble travaillée par la catastrophe globale, l’apocalypse et Sans un bruit, un an après It comes at night de Trey Edward Shults, décline à nouveau les thèmes de la survie, de l’autarcie et de la paranoïa. Une famille américaine type, les Abbott, deux parents (Emily Blunt et John Krasinski) et leurs trois enfants, tente de survivre dans un environnement rural menacé par des prédateurs monstrueux. Comme ces créatures repèrent leurs proies au bruit, notamment au son de la voix, il s’agit de ne pas se faire entendre.

    La première demi-heure consistera à suivre leur vie quotidienne, à les voir prendre garde au moindre bruit qu’ils font. C’est une phase d’exposition originale par son silence, assez peu intéressante d’un point de vue psychologique, sans doute davantage sur le plan idéologique. Les choix de personnages sont très classiques, la vision de la famille empreinte de conservatisme. Les Abbot sont unis et bons chrétiens. Evelyn est enceinte et s’occupe des tâches ménagères. Lee travaille et protège son foyer. Pendant qu’elle étend le linge, lui étudie les moyens d’éliminer les sales bêtes. Regan, qui est sourde, a le caractère rebelle d’une préadolescente. Marcus, plus jeune, est le plus vulnérable - en attendant l’arrivée d’un nouvel enfant. Tout cela n’est pas très original et délivrera in fine un message d’une grande banalité : rien de mieux que la famille pour se protéger.

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  • Plaire, aimer et courir vite (Christophe Honoré)

    Le dernier film de Christophe Honoré est clairement autobiographique. Le cinéaste partage de nombreux traits avec le personnage d’Arthur, interprété par Vincent Lacoste. Né et grandi en Bretagne, il a étudié à Rennes. Il a perdu son père à l’adolescence. Il est ouvertement homosexuel. Arthur est un double romancé de Christophe dont le regard sur ses années de jeunesse n’est jamais dépréciatif, tant mieux ! Les situations et les nombreux dialogues sont empreints de nostalgie, de douceur et de bonne humeur. Plaire, aimer et courir vite garde un ton léger de comédie, d’autant plus paradoxal qu'il est hanté par le SIDA.

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  • Ciné-club : C’est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux)

    Le film culte de Rémy Belvaux était dans la sélection Un certain regard à Cannes en 1992. Il y avait suscité des polémiques, à raison. Moi, adolescent peu au courant des festivals, je l’avais découvert dans un cinéma de Strasbourg. Un gars de mon lycée avait insisté pour qu’on le voie en petit groupe. A ce qu’il paraissait, c’était un film « génial ». Je n’ai pas su comment prendre un tel film, je n’avais jamais vu un humour aussi noir à l’écran. C’était très malsain et souvent drôle mais comment rire quand on voit un viol ou un infanticide ?  Si ce film choquant a passé les années avec succès, il le doit entre autres au génie comique de Benoît Poelvoorde, dont c’était le premier grand rôle, à 27 ans.

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  • En guerre (Stéphane Brizé)

    Dans les hautes sphères de l’Etat et de l’économie, on ne parle que de négociation, de dialogue social, de concertation et de partenaires sociaux. Les mots sont méticuleusement choisis. Ils font partie d’une mise en scène dans laquelle chacun, travailleurs d’un côté, patrons de l’autre, doit se retrouver pour discuter. Le titre En guerre pour un film social, c’est un pavé lancé sur la vitrine consensuelle de l’actualité, ça fait des dégâts et des victimes, ça rappelle la réalité. Dans le nouveau film de Stéphane Brizé, récit de la lutte des ouvriers de Perrin Industrie pour sauver leur usine, on verra que les mots ont leur importance. Laurent Amédéo (Vincent Lindon), syndicaliste CGT, les utilise pour galvaniser ses troupes, nommer la réalité du combat et mettre à mal la rhétorique patronale. Il est effectivement en guerre, ce que la mise en scène de Stéphane Brizé ne cessera de montrer en même temps qu’elle interrogera le bien-fondé de cette guerre, en posant la question qui fait mal : à quoi bon lutter quand tout est déjà décidé ?

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  • Everybody knows (Farhadi)

    Tout le monde sait (Everybody knows !) que les films d’Asghar Farhadi sont construits de la même façon. On l’avait déjà vu dans sa période iranienne, avec Une séparation ou A propos d’Elly : la structure narrative se répète, la mécanique est toujours la même ! Une grosse heure d’exposition pour décrire une société plus ou moins unie (couple, famille, amis), une rupture qui crée la confusion puis un écheveau complexes de secrets et de non-dits à démêler pour aboutir à la vérité finale.

    C’est dans le clocher d’une église espagnole que débute Everybody knows. Des plans sur une mécanique horlogère soulignent ce qui intéresse le réalisateur : ces rouages intimes et sociaux qui, dans des situations de drame exacerbé, poussent les humains à agir. Des rouages aux plans des articles de journaux évoquant un kidnapping d’enfant, découpés par un inconnu, on sait qu’un fait divers servira de mèche dramatique. Que ce soit en Iran, en France ou ailleurs, Farhadi est fasciné par la mécanique des motivations humaines.

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  • Mes provinciales (Jean-Paul Civeyrac)

    Après Des filles en noir (2010) et Mon amie Victoria (2014), la lente découverte du cinéma de Jean-Paul Civeyrac continue avec Mes provinciales, tout juste sorti, qui confirme une sensibilité du cinéaste à la jeunesse, à son apprentissage et à l’Art comme chemin existentiel possible pour elle. Tout comme on parle de bildungsroman ou roman d’apprentissage, à l’exemple de L’éducation sentimentale de Flaubert ou de Demian d’Hermann Hesse, on parlerait de film d’apprentissage pour décrire ce qu’il y a d’initiatique dans ce cinéma-là. Étienne (Andranic Manet), jeune homme « monté » à la capitale pour étudier le cinéma, apprend douloureusement de ses échecs amoureux, relationnels et créatifs. Il est parmi tant de jeunes un provincial venu sans les codes parisiens, souffrant surtout de son immaturité et de sa difficulté à se connaître et à connaître les autres. Ce sentiment d’étrangeté et d’incompréhension éprouvé autour de 20 ans, on le découvre aussi chez Victoria, jeune femme noire marginalisée, ou chez les lycéennes violemment romantiques des Filles en noir. C’est avec une douceur pleine d’empathie, comme on filmerait un papillon sortant de sa chrysalide que Jean-Paul Civeyrac décrit la douloureuse construction de jeunes individus.

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