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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 29

  • En guerre (Stéphane Brizé)

    Dans les hautes sphères de l’Etat et de l’économie, on ne parle que de négociation, de dialogue social, de concertation et de partenaires sociaux. Les mots sont méticuleusement choisis. Ils font partie d’une mise en scène dans laquelle chacun, travailleurs d’un côté, patrons de l’autre, doit se retrouver pour discuter. Le titre En guerre pour un film social, c’est un pavé lancé sur la vitrine consensuelle de l’actualité, ça fait des dégâts et des victimes, ça rappelle la réalité. Dans le nouveau film de Stéphane Brizé, récit de la lutte des ouvriers de Perrin Industrie pour sauver leur usine, on verra que les mots ont leur importance. Laurent Amédéo (Vincent Lindon), syndicaliste CGT, les utilise pour galvaniser ses troupes, nommer la réalité du combat et mettre à mal la rhétorique patronale. Il est effectivement en guerre, ce que la mise en scène de Stéphane Brizé ne cessera de montrer en même temps qu’elle interrogera le bien-fondé de cette guerre, en posant la question qui fait mal : à quoi bon lutter quand tout est déjà décidé ?

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  • Everybody knows (Farhadi)

    Tout le monde sait (Everybody knows !) que les films d’Asghar Farhadi sont construits de la même façon. On l’avait déjà vu dans sa période iranienne, avec Une séparation ou A propos d’Elly : la structure narrative se répète, la mécanique est toujours la même ! Une grosse heure d’exposition pour décrire une société plus ou moins unie (couple, famille, amis), une rupture qui crée la confusion puis un écheveau complexes de secrets et de non-dits à démêler pour aboutir à la vérité finale.

    C’est dans le clocher d’une église espagnole que débute Everybody knows. Des plans sur une mécanique horlogère soulignent ce qui intéresse le réalisateur : ces rouages intimes et sociaux qui, dans des situations de drame exacerbé, poussent les humains à agir. Des rouages aux plans des articles de journaux évoquant un kidnapping d’enfant, découpés par un inconnu, on sait qu’un fait divers servira de mèche dramatique. Que ce soit en Iran, en France ou ailleurs, Farhadi est fasciné par la mécanique des motivations humaines.

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  • Mes provinciales (Jean-Paul Civeyrac)

    Après Des filles en noir (2010) et Mon amie Victoria (2014), la lente découverte du cinéma de Jean-Paul Civeyrac continue avec Mes provinciales, tout juste sorti, qui confirme une sensibilité du cinéaste à la jeunesse, à son apprentissage et à l’Art comme chemin existentiel possible pour elle. Tout comme on parle de bildungsroman ou roman d’apprentissage, à l’exemple de L’éducation sentimentale de Flaubert ou de Demian d’Hermann Hesse, on parlerait de film d’apprentissage pour décrire ce qu’il y a d’initiatique dans ce cinéma-là. Étienne (Andranic Manet), jeune homme « monté » à la capitale pour étudier le cinéma, apprend douloureusement de ses échecs amoureux, relationnels et créatifs. Il est parmi tant de jeunes un provincial venu sans les codes parisiens, souffrant surtout de son immaturité et de sa difficulté à se connaître et à connaître les autres. Ce sentiment d’étrangeté et d’incompréhension éprouvé autour de 20 ans, on le découvre aussi chez Victoria, jeune femme noire marginalisée, ou chez les lycéennes violemment romantiques des Filles en noir. C’est avec une douceur pleine d’empathie, comme on filmerait un papillon sortant de sa chrysalide que Jean-Paul Civeyrac décrit la douloureuse construction de jeunes individus.

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  • L’île aux chiens (W. Anderson)

    Il se trouve que le cinéma de Wes Anderson n’est pas apprécié ici. A part La famille Tenenbaum et Fantastic Mr Fox bien aimés à leurs sorties mais pas revus depuis, le reste de la filmographie du texan m’a toujours exaspéré. De Rushmore à The Grand Budapest Hotel en passant par La vie aquatique, ce cinéma de playmobil, dans lequel les humains sont ramenés à quelques tics, repose sur une maniaquerie décorative qui provoque plus de migraine que d’enthousiasme. On y entend de plus cette même rengaine du mâle petit génie incompris par des adultes lobotomisés. L’agacement est d’autant plus aigu que les bons acteurs (Adrian Brody, Bill Murray, Tilda Swinton,…) se bousculent chaque fois pour participer au concours du meilleur automate. On aboutit à la conclusion que tous ces moyens, tous ces effets ne nous disent rien d’intéressant ni d’émouvant et que le « génie » de Wes Anderson est celui d’un vieil enfant égocentrique, sûrement collectionneur de babioles ou de jouets vintage. Ce n’est sans doute pas un hasard si passé bien des déceptions, Fantastic Mr Fox et surtout L’île aux chiens m’ont ravi. Ces deux films sont des animations en stop motion (filmage d’objets réels en 24 images par seconde) et font ressortir quelque chose que les personnages inventés par Wes Anderson n’arrivent pas à produire in vivo : de l’humain !

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  • Ciné-club: Man on the moon (Milos Forman)

    Hommage posthume à un réalisateur difficile à cerner. Cinéaste tchèque passé aux Etats-Unis en 1967, remarqué pour Les amours d’une blonde et Au feu les pompiers ! (pas vus) Réalisateur reconnu de deux énormes succès mérités : Vol au-dessus d’un nid de coucous (1975) et Amadeus (1984) mais cinéaste assez peu prolifique finalement : pas plus de trois films par décennie. Milos Forman est-il un auteur ou un brillant artisan ? Il est difficile de trouver une cohérence thématique flagrante dans sa filmographie. On devine une sensibilité à la contre-culture des années 70 (Taking off, Hair, Vol au-dessus…, Larry Flynt) une fascination aussi pour la liberté, celle des génies, des incompris, des dissidents (Amadeus, Larry Flynt toujours, Man on the moon). Avoir vécu derrière le rideau de fer le prédisposait sans doute à se défier des cadres de pensée rigides et autoritaires, tout en gardant une certaine légèreté de ton. Son œuvre n’a pas la noirceur paranoïaque de nombreuses productions du Nouvel Hollywood et Man on the Moon (1999), son dernier grand film populaire – je n’ai pas vu Les fantômes de Goya – montre un entrain comique communicatif tout en nous livrant une réflexion passionnante sur les notions d’identité et de spectacle.

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  • Ready player one (Spielberg)

    Le Steven Spielberg qui pontifie sur les grandeurs de la démocratie américaine n’est pas trop ma tasse de thé. Ses américains optimistes et fiers de leur « grand » pays m’ennuient. Je baille à chaque fois que j’aperçois les bajoues satisfaites du bon Tom Hanks. Le Pont des espions ou Pentagon papers sont plaisants à voir, bien réalisés mais lisses, consensuels. Ce sont des films qui ne se débattent pas : à part les extrémistes, tout le monde est pour la démocratie, la liberté, l’accès à l’information… et quand on sait que l’Amérique est naturellement bonne, généreuse, il n’y a pas lieu de s’inquiéter.

    Il y a deux Spielberg qui m’intéressent particulièrement : celui des fables sombres comme Minority Report, La guerre des mondes ou A.I. Artificial Intelligence (qui aurait pu être un chef-d’œuvre si sa fin n’était si larmoyante !), celui des films d’aventures virevoltants comme Les aventures de Tintin, les premiers Indiana Jones ou ce Ready player one. Il y en a un adulte, inquiet de l’avenir et du monde qu’on nous prépare, un autre qui nous entraîne dans ses rêves épiques de petit garçon. Dans ces deux registres, le robinet à guimauve est fermé et le réalisateur s’acquitte avec brio des séquences d’action.

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