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Wes Anderson : petit cinéma de marionnettes

L’autre soir, j’ai regardé Moonrise kingdom de Wes Anderson, quelques semaines après avoir vu The Grand Budapest Hotel.

J’ai toujours le même sentiment après chaque film de ce réalisateur. L’esthétique est irréprochable. Photo, musique, décor, costumes, tout cela mérite des louanges. Mais je ressors ennuyé, agacé par tous ces beaux moyens qui n’arrivent pas ou peu à m’émouvoir.

 

Dans Moonrise kingdom comme dans The Grand Budapest Hotel, chaque plan symétrique est comme une entrée dans une maison de poupées. A l’intérieur de ce cadre parfait au point d’être rigide, les acteurs sont mécaniques, mus par des tics, des tocs, des bizarreries. Frances Mc Dormand, Bill Murray et Tilda Swinton jouent, à dessein évidemment, comme des pantins. Le schéma narratif, de film en film, se répète avec un personnage exceptionnel, au sens élitiste, souvent excentrique (M. Gustave dans Budapest, Sam dans Moonrise), souvent fétichiste, confronté à des adultes robotisés qui ne le comprennent pas. Quand en plus, ce personnage masculin est amoureux, le personnage féminin en est réduit au strict minimum. Le cinéma de Wes Anderson, sous ses airs audacieux, m’apparaît souvent factice, coincé. C’est l’œuvre d’un ego considérable, sûr de son univers et de ses bons goûts, mais qui ne semble pas donner beaucoup de place à l’humanité.

Il y a toujours de beaux moments, quand les personnages sortent de leurs corsets et de leurs cadres. Quand Sam embrasse Suzy et que Le temps de l’amour de Françoise Hardy résonne, c’est beau. Quand il lui confectionne des boucles d’oreilles avec des hameçons et qu’elle accepte qu’il perce ses lobes d’oreille, elle saigne et un petit frisson passe. La métaphore est subtilement amenée. On aimerait bien que ce cinéma de brillant marionnettiste coupe ses fils et devienne plus libre, plus spontané, que les personnages gagnent en humanité ce qu’ils perdent en tics. La fantaisie ne se suffit pas à elle-même, il faut plus de lâcher prise, plus de débraillé ! A quoi sert d’engager des comédiens talentueux comme Adrian Brody ou Tilda Swinton si c’est pour leur faire jouer des humains en carton ? On pourrait m’opposer qu’il y a une forme de non-jeu qui les séduit, qu’un Bill Murray, as du flottement, de la présence absente ou de l’absence présente, trouve son acmé dans ce cinéma. D’ailleurs, Bruce Willis s’y essaie avec réussite, lui aussi. C’est vrai mais si tous les comédiens sont entraînés dans ce jeu-là, on finit par ne plus beaucoup s’intéresser à leurs personnages. On s’ennuie comme j’ai pu m’ennuyer devant La vie aquatique, autre fleuron de l’œuvre andersonnienne.

Brisant son cadre, rangeant une partie de ses jouets au grenier, Wes Anderson deviendrait peut-être un très bon cinéaste. Il y aurait un peu plus de chômage dans ses équipes artistiques mais plus de vie sur la pellicule.

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