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vincent lindon

  • Titane (Julia Ducournau)

    Dans son discours de remerciement pour la palme d’or cannoise, Julia Ducournau parle de la chance qu’elle a eue de pouvoir créer le monstre qu’est Titane. Dans mon souvenir, elle répète qu’il n’est pas parfait, que la perfection n’est pas atteignable mais qu’elle y a mis tout son cœur. Je la crois sincère et ayant prévu d’aller au cinéma ce soir-là, je renonce à Benedetta de Verhoeven pour aller découvrir la sensation cannoise toute fraîche. J’avais vu et critiqué Grave qui m’avait « secoué », c’est le terme employé dans l’article mais j’avais pointé déjà quelques limites d’écriture : une difficulté à utiliser le temps et à écrire des personnages intéressants. Titane comporte les mêmes défauts qui cette fois-ci excèdent largement ses qualités et nous font penser que soit cette palme est un coup, soit la sélection de cette année n’était pas suffisamment forte.

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  • En guerre (Stéphane Brizé)

    Dans les hautes sphères de l’Etat et de l’économie, on ne parle que de négociation, de dialogue social, de concertation et de partenaires sociaux. Les mots sont méticuleusement choisis. Ils font partie d’une mise en scène dans laquelle chacun, travailleurs d’un côté, patrons de l’autre, doit se retrouver pour discuter. Le titre En guerre pour un film social, c’est un pavé lancé sur la vitrine consensuelle de l’actualité, ça fait des dégâts et des victimes, ça rappelle la réalité. Dans le nouveau film de Stéphane Brizé, récit de la lutte des ouvriers de Perrin Industrie pour sauver leur usine, on verra que les mots ont leur importance. Laurent Amédéo (Vincent Lindon), syndicaliste CGT, les utilise pour galvaniser ses troupes, nommer la réalité du combat et mettre à mal la rhétorique patronale. Il est effectivement en guerre, ce que la mise en scène de Stéphane Brizé ne cessera de montrer en même temps qu’elle interrogera le bien-fondé de cette guerre, en posant la question qui fait mal : à quoi bon lutter quand tout est déjà décidé ?

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  • La loi du marché: édifiant reportage

    Il a les yeux fatigués, le front ridé, le verbe désabusé. Dès les premières secondes, Vincent Lindon incarne son personnage si bien qu’il ne paraît pas jouer. Il se met en colère contre un conseiller de Pôle emploi : Il vient de gaspiller quatre mois de sa vie de chômeur dans une formation inutile de grutier. Lindon s’énerve  sans en faire trop, il est excellent.

    Même système, mêmes procédés

    Voici pour le seul compliment que j’ai envie de faire à La loi du marché. Tout ce qui suit n’est pratiquement plus que répétition du même système et de procédés de mise en scène. Un plan serré, qui glisse lentement de Thierry (Lindon), point d’ancrage de la caméra, vers un interlocuteur ramené ou pas dans le cadre. Un interlocuteur flou, hors-cadre, comme symbole de la perte de liens que subit le chômeur. Chaque scène est la confrontation de Thierry à une situation insupportable. De multiples transactions en sa défaveur lui sont proposées. Il est question à chaque fois de faire perdre à Thierry le peu qu’il a. Un acheteur insiste pour qu’il brade son mobile-home en dessous des prix du marché. Une conseillère de sa banque lui propose de vendre son appartement et de souscrire à une assurance décès, pour « protéger » ses proches. Toutes ces scènes sont cruelles et tendent à la justesse. Toutefois, mises bout à bout elles ne font pas un film mais un reportage édifiant sur la condition de chômeur prolétaire. Il n’y a pas d’histoire ni de personnage dans la Loi du marché. Chaque humain est ramené à un rôle fonctionnel, y compris la femme et le fils handicapé de Thierry dont on n’apprendra pas beaucoup plus que ce qu’ils sont : la femme et le fils handicapé de Thierry. Il manque au film des moments gratuits, qui soient dépourvues de valeur démonstrative. Des moments qui échappent à la loi du marché et ses insupportables transactions. De la vie, en un mot.

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    Attention moment de vérité !

    En contraignant son film au summum de l’authenticité situationnelle, avec à chaque scène un panneau « attention, moment de vérité ! », Brizé ne fait que souligner l’artifice de sa mise en scène. Il n’a pas cru à la puissance de la fiction et des personnages, il se retrouve donc à débiter tous les attendus d’une rédaction sur la condition de chômeur et sur l’enfer du monde du travail. Thierry face à sa banque. Thierry face au regard culpabilisateur des autres. Thierry face à l’absurdité managériale dans une grande surface. On me rétorquera que Brizé est allé chercher du côté du documentaire. Si c’est le cas, il n’avait pas besoin de Lindon et pouvait la chercher à travers différents portraits de travailleurs précaires. Le documentaire n’empêche d’ailleurs nullement d’écrire des personnages.

    On peut concevoir ce film comme un équivalent du livre Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas. Un de ces livres-reportage sur la condition précaire, qui avait eu beaucoup de succès. Ce genre de production n’a rien d’infamant, au contraire, on peut être troublé, révolté même par le témoignage de la misère qui écrase les individus. La loi du marché se conformant à ce type de document, il est plus du côté de la production journalistique que du cinéma. Pour s’en convaincre, revoir Rosetta des frères Dardenne, un film qui lui prend vraiment aux tripes.