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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 27

  • Quelques chroniques de l’été 2018

    Quand la paresse estivale concentre trois critiques de films en un article… ce n’est pas la température de l’océan atlantique qui a refroidi mon enthousiasme de spectateur, juste le niveau des films vus : de bons moments de cinéma mais pas grandioses. L’énergie manque pour pondre un article par film, la rentrée est dure !

    Under the silver lake de David Robert Mitchell

    Je ne connaissais pas ce réalisateur, n’ayant pas vu It follows, son précédent film, qui a l’air diablement sympathique. Au bout d’une demi-heure d’Under the silver lake, le mot qui me vient à l’esprit est « profusion ». Cette quête d’une blonde disparue (Riley Keough) par un jeune branleur (Andrew Garfield) sur les collines d’Hollywood, est pleine à ras-bord de savants mouvements de caméra, de scènes excentriques et de références cinématographiques. Celles que j’ai vues mais il y en a sans doute d’autres : Body double (De Palma) pour ses multiples filatures voyeuses, Le grand sommeil (Hawks) pour son intrigue de détective embrouillée, un peu The long goodbye (Altman) pour l’ambiance déphasée très 70s, David Lynch pour ses excès de bizarrerie mais sans le côté cauchemardesque d’Inland Empire ou de Mulholland drive. Il y a aussi des références musicales comme Nirvana ou REM – je ne me souvenais plus de l’album Monster ! – et puis des comics. Ajoutons qu’un serial-killer de chiens sévit dans le quartier, une star de TV a disparu et une femme-hibou inspire un fanzine terrifiant à un dessinateur paranoïaque. Ça part dans tous les sens et pas toujours bien !

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  • Dogman (Matteo Garrone)

    De quoi Matteo Garrone est-il le cinéaste ? Si je me fie à mes souvenirs de Gomorra et de Reality – je n’ai pas vu Tale of tales -, je dirais de l’envers misérable de l’Italie, de ce qu’est devenu une partie de ce pays après la prospérité économique. Pourquoi ne le classe-t-on pas parmi les grands réalisateurs contemporains ? Parce que Gomorra vaut surtout pour ses décors glauques de banlieue napolitaine et que Reality épouse la médiocrité de son personnage principal, obsédé par la télé-réalité, sans en faire grand-chose. Dogman part d’un décor sinistre, celui d’une station balnéaire paupérisée, et de personnages sans envergure (un toiletteur pour chien, un caïd, quelques commerçants rackettés par le voyou en question) mais il affiche une soif de cinéma sans commune mesure avec les films précités.

    Il y a un art du plan large dans ce film qui magnifie le décor de béton défraichi. Bien qu’habitée, cette ville ressemble aux villes fantômes du Far West, abandonnées dès lors que le filon de la mine du coin a été épuisé. La référence au western se justifie par l’intrigue. Marcello (Marcello Fonte), le petit toiletteur pour chiens qui arrondit ses fins de mois en dealant un peu de coke, est sous l’emprise de Simo (Edoardo Pesce), minable caïd local qui terrorise les commerçants. Un bandit terrorise les citoyens ordinaires qui se demandent comment s’en débarrasser. On a vu ça dans le western hollywoodien et le spaghetti. Mais il n’y a pas de bounty killer comme Clint Eastwood, juste Marcello, homme ordinaire écrasé par les plans grandioses de la ville en déclin.

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  • Un Couteau dans le cœur (Yann Gonzalez)

    On fait aujourd’hui comme si le giallo, mélange de thriller, d’horreur et d’érotisme popularisé en Italie dans les années 60, avait gagné pour toujours une légitimité publique et critique. On parle d’un cinéma méprisé à l’époque par l’intelligentsia et les écoles de cinéma, un sous-genre de l’horreur. Cela n’empêche de goûter les chefs-d’œuvre de Dario Argento, Mario Bava ou Lucio Fulci. Suspiria, Profondo rosso (Les frissons de l’angoisse) ou L’oiseau au plumage de cristal sont à voir absolument pour se forger une opinion. Mais de par ses outrances baroques et érotiques, le giallo reste en marge, culte pour certains cinéphiles, moins pour d’autres, et c’est sans doute ce qui a intéressé Yann Gonzalez, le réalisateur d’Un couteau dans le cœur. Giallo comme porno, on nous parle finalement de désir, de pulsions morbides et surtout du plaisir de regarder.

    Dans ce film, on ne sait pas trop où on est car le réalisateur ne donne aucun indice spatial. Si les scènes de jour se déroulent dans un cadre champêtre non identifié (parc, forêt) mais très bucolique, les nocturnes s’inscrivent dans un cadre urbain désolé, défoncé. Un Couteau dans le cœur nous entraîne dans des marges urbaines, dans des lieux clandestins où on danse, on baise, on se drogue. On se retrouve sous des ponts, en pleine solitude mais une porte en fer donne accès à une discothèque où on peut faire la fête, qu’on soit black, drag-queen, gay ou lesbienne.

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  • Sicario : La Guerre des cartels (Stefano Sollima)

    Il y a des images qui en disent long sur l’atmosphère idéologique du moment. Le début de Sicario : La Guerre des cartels est remplie de visions paranoïaques d’une Amérique en guerre. Contre la confusion des séquences et des images, Le montage impose la logique implacable de forces hostiles aux Etats-Unis. Le spectateur est poussé à établir un lien entre immigration et terrorisme, à légitimer par contrecoup les représailles américaines. Une traversée de clandestins mexicains vers les Etats-Unis se conclut par un plan provocateur sur des tapis de prière musulmans. Dans un hypermarché, des hommes se font exploser. D’un bond, on passe en Somalie où la puissance impérialiste se venge de ses ennemis. Un homme capturé invoque les règles de droit : les américains ne peuvent pas faire n’importe quoi, ils obéissent à des règles, n’est-ce pas ? On lui fait comprendre qu’aujourd’hui plus qu’avant, l’Amérique fait ce qu’elle veut en dehors de chez elle.

    Autre plan saisissant : un mouvement de caméra descend du mur de la frontière américaine vers une ville américaine propre et tranquille. L’Amérique se protège derrière un mur mais les séquences suivantes démontreront qu’il n’y a pas grand-chose à faire pour stopper le flux des clandestins mexicains. On gagne beaucoup d’argent des deux côtés de la frontière pour acheminer des gens. C’est devenu un business plus rentable que la cocaïne. On peut donc combattre l’immigration comme on combattait autrefois le trafic de drogue, imposer une logique de guerre à des drames humains. Tout ça n’est pas franchement humaniste…

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  • L’insulte (Ziad Doueiri)

    Ziad Doueiri a réalisé la série de politique-fiction Baron noir, diffusée depuis 2016 sur Canal+.  L’insulte, sorti au cinéma en 2017, disponible en DVD depuis le 3 juillet 2018, est le 4ème film du réalisateur libanais. Le rapprochement entre cette production franco-libanaise et Baron noir nous paraît important : L’insulte conjugue avec réussite les qualités d’écriture d’une série à suspense avec la pertinence politico-historique. Le spectateur est à la fois captivé et instruit d’un contexte qu’il ne connaît pas, celui du Liban contemporain.

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  • Sans un bruit (John Krasinski)

    Ce qu’il y a de bien avec les films d’horreur, c’est qu’ils révèlent les angoisses cachées d’une société, ils ont toujours quelque chose de pertinent à nous montrer. La société américaine semble travaillée par la catastrophe globale, l’apocalypse et Sans un bruit, un an après It comes at night de Trey Edward Shults, décline à nouveau les thèmes de la survie, de l’autarcie et de la paranoïa. Une famille américaine type, les Abbott, deux parents (Emily Blunt et John Krasinski) et leurs trois enfants, tente de survivre dans un environnement rural menacé par des prédateurs monstrueux. Comme ces créatures repèrent leurs proies au bruit, notamment au son de la voix, il s’agit de ne pas se faire entendre.

    La première demi-heure consistera à suivre leur vie quotidienne, à les voir prendre garde au moindre bruit qu’ils font. C’est une phase d’exposition originale par son silence, assez peu intéressante d’un point de vue psychologique, sans doute davantage sur le plan idéologique. Les choix de personnages sont très classiques, la vision de la famille empreinte de conservatisme. Les Abbot sont unis et bons chrétiens. Evelyn est enceinte et s’occupe des tâches ménagères. Lee travaille et protège son foyer. Pendant qu’elle étend le linge, lui étudie les moyens d’éliminer les sales bêtes. Regan, qui est sourde, a le caractère rebelle d’une préadolescente. Marcus, plus jeune, est le plus vulnérable - en attendant l’arrivée d’un nouvel enfant. Tout cela n’est pas très original et délivrera in fine un message d’une grande banalité : rien de mieux que la famille pour se protéger.

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