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Les temps ont bien changé depuis 1953. Ce qui se dit des femmes dans la comédie d’Howard Hawks ne peut plus être reproduit aujourd’hui, tant mieux. Lorelei (Marilyn Monroe) et son amie Dorothy (Jane Russell) ont bourlingué depuis leur jeunesse pauvre à Little Rock. Elles nous le chantent dès la première scène, leurs corps sublimés par de somptueuses robes rouges. Des plumes sur la tête, elles sont de chatoyants oiseaux s’égayant dans un décor en technicolor. Oui elles ont profité de leur beauté pour s’en sortir, à l’affût d’hommes riches payant leurs caprices. Lorelei va enfin épouser un milliardaire, le crétinissime Gus Edmond Jr (Tommy Noonan). Partie en croisière vers la France, elle devra ne pas céder à sa faiblesse pour les diamants et leurs propriétaires, alors que le père de son futur époux la fait espionner par un détective (Elliott Reid) qui en pince pour Dorothy !
Voilà un biopic réalisé par le scénariste de Steve Jobs et de The social network. Celui-ci nous raconte comment Molly Bloom (Jessica Chastain), ex-championne de ski, est devenue une organisatrice de pokers clandestins auxquels participaient célébrités, hommes d’affaires et malfrats. Son ascension, sa chute, sa rédemption. Avant d’entrer dans les détails du film, je me pose la question : qu’a fait Molly Bloom d’exceptionnel pour qu’on lui consacre 2H20 de film hollywoodien ? A-t-elle fondé un empire économique ? A-t-elle filouté des millions d’honnêtes citoyens ? Est-elle comme le Jordan Belfort du Loup de Wall Street le symbole d’un système corrompu ? Non, les enjeux de ce grand jeu ne semblent pas se situer dans la condamnation morale ou la critique d’un système. On parle ici d’un parcours personnel exceptionnel.
Mark Zuckerberg a fondé Facebook suite à un échec amoureux. La destinée de Steve Jobs est liée à un traumatisme originel. Ici Molly Bloom, programmée pour être une championne, se réinvente en maîtresse de jeu suite à un accident qui a brisé sa carrière de skieuse. Comment un événement fondateur engendre la réussite fulgurante de personnes intellectuellement brillantes mais solitaires. Comment les capacités stratégiques, doublées d’un sens absolu du contrôle permettent à des outsiders de devenir des winners. Mais la win a un goût amer : Sorkin fait le portrait de gens à la destinée exceptionnelle mais malheureux, sans amis. Bon, d’accord le système scénaristique est connu / rodé mais est-ce que ce sont là des raisons suffisantes pour aller voir Le grand jeu ?
Non, L’échange des princesses n’est pas un dérivé de Secrets d’histoire de Stéphane Bern. Les décors et les costumes sont certes magnifiques, grâce à la photographie de Gilles Porte mais on ne peut pas dire que ce somptueux enrobage exalte les splendeurs perdues de l’Ancien régime, au contraire ! Ici, un épisode historique peu connu révèle les aspects les plus tragiques des pratiques dynastiques, dans l’Europe du XVIIIème siècle. Le film de Marc Dugain est une adaptation du roman éponyme de Chantal Thomas, se déroulant pendant la Régence.
En gage de paix et de concorde entre les royaumes de France et d’Espagne, Philippe d’Orléans (Olivier Gourmet), propose à Philippe V de Bourbon (Lambert Wilson), un échange de deux princesses, qu’il accepte. La petite Marie Anne Victoire de Bourbon, 5 ans, héritière de Philippe V épousera le futur Louis XV, 11 ans. Quant à la fille du Régent, Louise-Elisabeth de Montpensier, elle se mariera au prince des Asturies, Louis 1er, adolescent comme elle. Peu importe que le spectateur retienne les détails des généalogies et des enjeux de géopolitique. L’échange des princesses nous montre avec soin le drame d’enfants écrasés par la volonté des adultes. Leurs sentiments ne comptent pour rien dans les affaires des royaumes.
Palmarès personnel de l’année 2017: Detroit de Kathryn Bigelow ex-aequo avecLe musée des merveilles de Todd Haynes. Detroit est un grand film éprouvant, faisant d’un fait-divers ancien (Algiers Motel, 1967) la métaphore d’une Amérique raciste, impitoyablement liguée contre sa minorité noire. Le musée des merveilles est une vibrante recherche d’identité, le diorama nostalgique et cinéphile d’un cinéaste en état de grâce.
Pour le reste, je suis moins enthousiaste ! Je vais débaptiser d’urgence ce blog pour cinéclubdeblasé.hautetfort.com ou monblogdegrossnob.com. Je ne sais pas ce que j’ai eu en 2017, j’ai eu le coup de mou, le chipotage en bandoulière (même pas capable d’adorer Au revoir là-haut !), l’enthousiasme en berne. Autant j’avais la niaque l’année dernière (Julieta ! Toni Erdmann ! Paterson ! Manchester by the sea !), autant 2017 m’a souvent déçu. Donc en cette année très hétéroclite, pas de palmarès exhaustif mais un bilan en blocs thématiques :
On retiendra qu’en 2017 a été évoqué avec beaucoup de sensibilité le déclin du monde paysan. Grâce à deux films très différents, le spectateur aura ressenti le profond malaise de gens attachés à la terre par tradition familiale. Tandis que Petit paysan d’Hubert Charruel utilisait le registre du thriller réaliste pour nous conter la faillite d’un jeune éleveur, Seule la terre de Francis Lee est une idylle homosexuelle sur fond de paysages rudes et désolés. A la description naturaliste d’un milieu paysan solitaire, Lee associe l’évocation picturale, toute en teintes vert de gris, de paysages magnifiques. Cette terre rude du Yorkshire contraint tellement ses habitants qu’ils n’en voient plus la beauté. Le film débute sur le plan nocturne d’une ferme isolée, suivi d’un plan intérieur sur Johnny Saxby (Josh O’Connor), en train de vomir. C’est de dégoût dont il est question pour ce jeune agriculteur vivant avec son père Martin (Ian Hart) et sa grand-mère Deidre (Gemma Jones). Dégoût d’une vie sans joie, faite de bitures et de coups d’un soir avec de jeunes hommes. La vie de Johnny va changer quand arrive un ouvrier agricole roumain, Gheorghe (Alec Secareanu), venu pour aider pendant la période de l’agnelage (la période de naissance des agneaux).
Et si pour Noël, vous vous offriez l’essentiel de la filmographie d’Alan Clarke. Ah ah ah ! Rien de tel que les foudroyants Scum ou Made in Britain, entre le boudin et la bûche, pour se garantir une atmosphère chaleureuse ! Pour les cinéphiles qui ne le connaissent pas, ça sera une belle découverte que ce réalisateur britannique qui a surtout travaillé pour la télévision, la BBC en l’occurrence. Il a réalisé son premier téléfilm en 1967 mais le coffret Potemkine résume sa période « thatchérienne » : Scum, Made in Britain, The firm et Elephant vont de 1979 à 1989. Sans doute le big bang conservateur et ultra-libéral de l’époque, qui a fait des dégâts sociaux considérables, a-t-il marqué cette œuvre remplie de personnages jeunes, haineux et violents. Un autre réalisateur que Ken Loach a donc porté un œil très critique sur l’époque, en adoptant une écriture cinématographique singulièrement différente.
Alan Clarke est mort en 1990 mais il a laissé un héritage conséquent. Il a fait débuter Tim Roth dans un rôle percutant de skinhead dans Made in Britain et permis à un Gary Oldman d’incarner un terrifiant meneur de hooligans dans The firm. Côté réalisateurs, Gus Van Sant a appelé son célèbre film Elephant comme le dernier de Clarke, son plus radical sorti en 1990 - produit par Danny Boyle ! Au regard des 4 films compilées dans le coffret, on comprendra ce que l’américain doit au britannique en termes de procédés de réalisation. Gerry, Elephant et Last days portent cette influence dans les choix de montage, l’utilisation de la steadycam, l’épure de la narration. Ne pas hésiter donc à écouter les commentaires de la critique et universitaire Andrea Grunert, qui résume les innovations d’un réalisateur principalement télévisuel. Le téléfilm, méprisé en France pour son indigence formelle, était davantage valorisé en Grande-Bretagne. Clarke comme Loach, Frears ou Leigh comptent beaucoup de téléfilms dans leurs œuvres.