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Voilà un film qui ne peut pas faire consensus. A beautiful day (You were never really here) allie sophistication visuelle et sonore, violence barbare et intrigue simplissime. Le scénario de Lynne Ramsay tient sur un ticket de métro : c’est l’histoire de Joe (Joaquin Phoenix), vétéran du Golfe vivant chez sa mère, qui sauve des adolescentes des griffes de pédophiles. Il les sauve à coups de marteau dans la tronche des pervers. Là, il doit ramener Nina (Ekaterina Samsonov), fille fugueuse du sénateur Votto (Alex Manette). Le festival de Cannes a récompensé le scénario, il aurait été plus pertinent de lui donner le prix de la mise en scène.
Le dernier film d’Albert Dupontel soulève les foules enthousiastes. Cela faisait longtemps qu’un film français « commercial » n’avait réconcilié public et critique. Il faut dire que cette adaptation du prix Goncourt 2013 de Pierre Lemaitre est d’une grande ambition formelle. Le travail de la caméra, la photographie, la musique, les décors et costumes ont fait l’objet d’un grand soin. Sa sophistication formelle place le film à plusieurs coudées au-dessus de la production française. Au moins, le spectateur en quête de réel cinéma ne se paie pas un énième téléfilm à la photo moche, reposant seulement sur la performance de ses acteurs.
A la veille de l’armistice qui va mettre fin à la guerre 14-18, Edouard (Nahuel Perez Biscayart) et Albert (Albert Dupontel) échappent de peu à la mort, au cours d’une bataille inutile initiée par l’affreux Capitaine Pradelle (Laurent Lafitte). Hélas pour lui, après avoir sauvé Albert, Edouard se retrouve invalide de guerre, salement amoché. Albert et Edouard doivent survivre dans la France de l’après-guerre. Albert est un brave type, français modeste acceptant des petits boulots pour s’en sortir. Edouard, fils de Péricourt (Niels Arestrup), homme richissime, refuse de retrouver ce père qui lui a toujours dénié sa vocation d’artiste. Albert étant le dernier à avoir connu Edouard, passé pour mort, il est introduit chez les Péricourt. Il accepte de travailler pour le vieil homme qui a pris Pradelle comme gendre. Dans un pays aux mains d’affairistes et de patriotards, les deux rescapés montent une arnaque aux monuments aux morts, façon de régler leurs comptes avec cette France qui les envoyés à la mort.
The square est un carré aux bords lumineux placé devant un musée d’art contemporain de Stockholm. C’est une œuvre conceptuelle se présentant comme espace de générosité et d’altruisme. A l’intérieur, les êtres humains se retrouvent égaux. Christian (Claes Bang), conservateur du musée, se réjouit de questionner la capacité de l’individu occidental à faire preuve de bonté. Mais le film est une critique sociale qui se veut corrosive. Notre bourgeois suédois « éclairé » se retrouve donc face à ses contradictions. Dans la rue, il croit aider une jeune femme agressée mais se fait voler son portefeuille et son téléphone. Il parvient à géo-localiser son téléphone dans un immeuble d’un quartier pauvre de la capitale. Au lieu d’interpeller ses voleurs, il dépose dans toutes les boîtes de l’immeuble une accusation de vol. Cette démarche présentée comme lâche va lui revenir comme un boomerang et le plonger dans le désarroi. Pendant 2H30, Ruben Östlund nous aura dit tout le mal qu’il pense du bobo suédois et de cette société social-démocrate faussement généreuse.
Le jeune Karl Marx de Raoul Peck, j’aurais aimé le porter aux nues. Parce que son film précédent, I am not your negro est un documentaire stimulant sur la question raciale aux Etats-Unis. Parce que l’Ecole du pouvoir, téléfilm sur l’ENA, est remarquable.
Depuis trois films, avec l’aide du scénariste Mark Boal, Kathryn Bigelow est devenue la cinéaste des guerres perdues et des reconstructions difficiles. Les combats que mènent ses personnages sont âpres et désespérés. Inscrits dans la contingence, ils ne donnent le choix que de faire le mieux possible et de survivre. On ne peut pas parler de héros tant ils sont « enfermés » dans des situations. Dans The hurt locker (2008), le sergent William James (Jeremy Renner), coincé dans Bagdad et dans son scaphandre de démineur tente jour après jour d’échapper à la mort. Isolée dans les bunkers de la CIA de Zero Dark Thirty (2013), Maya (Jessica Chastain), porte le fardeau d’une guerre interminable aux terroristes, qui débouchera miraculeusement sur l’élimination de Ben Laden. Quant aux jeunes noirs du Algiers Motel dans Detroit, ils sont les victimes d’un interminable huis-clos mortel qui symbolise l'enfermement dans leur propre pays. On peut parler de cinéma post-héroïque tant Bigelow se refuse à toute célébration de ses « héros ». Ses films sont désenchantés, secs et sans lyrisme. Ses personnages sont des victimes de guerre appelées à surmonter un traumatisme. Larry Cleveland, chanteur meurtri des Dramatics, en est le dernier rejeton, sobrement interprété par Algee Smith.
On souligne à raison la beauté des plans, le filmage rigoureux de Zviaguintsev déjà apprécié dans le Retour ou Leviathan. Il est vrai que son dernier film ne manque pas de minutieux travellings dans des intérieurs ou des paysages de forêt. Mais ce n’est pas la beauté que je retiens de ce film mais plutôt son caractère dur, acerbe, au vitriol. Faute d’amour ou Loveless porte bien son titre. Non seulement ses personnages principaux sont incapables d’amour mais le spectateur lui-même ne peut les aimer. Le jeune Aliocha, 12 ans, est l’enfant d’un couple en voie de divorce. Boris (Aleksey Rozin) et Zhenya (Maryana Spivak) ont refait leur vie et ne pensent plus qu’à liquider les restes de leur mariage. Ils se fichent de ce garçon qui symbolise l’échec de leur vie de couple. Cette violence qu’ils infligent à l’enfant, écoutant leurs disputes, amène le spectateur à s’identifier à la douleur d’Aliocha et à les haïr. Quand Aliocha disparaît, ils font appel à un groupe de recherche pour le retrouver. Mais de cette recherche ne viendra aucune rédemption particulière…