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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 37

  • Visages villages (Agnès Varda et JR)

    Animés d’une sympathie réciproque et d’un désir de travailler ensemble, la cinéaste Agnès Varda et l’artiste visuel JR ont décidé d’arpenter les routes de France. Leur feuille de route est minimale : rencontrer des gens « normaux » (des travailleurs), tirer leur portrait, raconter quelque chose par l’image. L’envie des deux artistes est sympathique, leur amitié sincère et la trame du film est légère. En tout cas, JR et Agnès Varda en artistes malins, nous font penser que tout cela est improvisé, organisé au dernier moment et que les choses s’enchaînent par associations d’idées.

    L’œil et l’imagination

    Sur une musique de M, ils prennent la camionnette photographique de JR, s’arrêtent dans un village donné, rencontrent des gens, ont des idées, les mettent en pratique. A un moment du film, Varda indique que leurs projets visuels n'ont d'autre but que d'apporter du bonheur aux gens. Exemple: ils collent le visage d’une des dernières habitantes d’un coron pour donner une incarnation à ce lieu chargé de l’histoire des mineurs. Ils le font aussi pour rendre hommage à cette dame qui ne veut pas quitter son quartier. Peut-on résumer Visages villages à un enchaînement d’idées visuelles généreuses ? Non, il y a autre chose derrière la démarche sympathique mais un peu superficielle des deux artistes. Ce ne sont pas les sujets qu’ils exploitent qui sont intéressants - en tout cas ils ne les approfondissent pas - mais plutôt ce qu’ils disent d’eux-mêmes. Varda et JR se mettent en scène et nous donnent à voir une démarche artistique fondée sur le regard. Visage villages fonctionne à l’imagination et aux associations d’idées. Une carte postale révèle le passé d’un lieu et donne envie de lui rendre hommage. Dans un village du midi, la photographie d’un couple de paysans du début du siècle débouche sur le portrait géant d’une serveuse. Le port du Havre se transforme en monument visuel à la gloire des dockers. L’œil et l’imagination travaillent ensemble. Varda et JR célèbrent le pouvoir évocateur et émotionnel de l’image. C’est un couple dans lequel la plus âgée transmet quelque chose au plus jeune : l’amour des artistes novateurs (Godard, Cartier-Bresson), le désir constant d’inventer et d’expérimenter.

    Agnès Varda a 88 ans et souffre des yeux qui reçoivent régulièrement des piqûres. Elle a toujours l’esprit vif et JR, jeune homme de 33 ans, est un stimulant à sa créativité. Le photographe à lunettes noires a le côté hype et insouciant de la jeunesse. Avec l’âge, la réalisatrice pense de plus en plus au passé et à la mort. Quand elle évoque son ami Jean-Luc Godard, on perçoit les souvenirs, les regrets, sans doute la nostalgie d’une époque heureuse et créative. Derrière l’apparence légère du documentaire, où toutes les idées ne sont pas grandioses (les cornes de chèvre), il y a une pulsion de vie contrant le travail inexorable du temps. Visages Villages est un modeste objet dans la forme, beaucoup plus profond qu’il n’en a l’air.

  • Loving (Jeff Nichols)

    Loving de Jeff Nichols est un film d’une très belle facture classique. Sa photographie lumineuse magnifie les paysages de Caroline du Nord tout en captant de manière naturaliste un monde rural et populaire en mutation. Son enjeu est simple : Richard (Joel Edgerton) et Mildred (Ruth Negga) vont-ils pouvoir vivre ensemble alors que leur union mixte contrevient aux lois locales contre le métissage ? Le juge de la ville interdit leur cohabitation dans l’Etat de Caroline mais ils peuvent le quitter. Pour fonder leur foyer là où ils sont nés, leur cas sera porté jusqu’à la Cour Suprême des Etats-Unis.

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  • It comes at night (Shults)

    Mais qu’est-ce qui « comes at night » ? Des monstres ? Des zombies ? Des sorcières ? Rien de tout cela. C’est sans doute pour cela qu’It comes at night recueille autant de mauvaises critiques. Cette petite série B efficace et oppressante n’est pas un film d’horreur mais un huis-clos dominé par la paranoïa. Dans ce faux film de genre donc, le terrifiant survient davantage de l’intérieur que de l’extérieur. Ce qui vient la nuit, ce sont surtout les cauchemars, les angoisses, la peur.

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  • Le vénérable W. (Barbet Schroeder)

    En juin 2013, Wirathu, moine bouddhiste très puissant en Birmanie, a fait la couverture du magazine Time en tant que « face of buddhist terror ». D’habitude, terreur et bouddhisme ne sont pas associés mais le vénérable W., comme le titre le documentaire de Barbet Schroeder, est bien l’initiateur de persécutions violentes contre la minorité musulmane des Rohingyas. Il y a un paradoxe saisissant à ce que le porte-parole d’une sagesse et d’un message d’amour soit  la cause d’une haine profonde. Le décalage est si puissant et habilement montré qu’on finit par assimiler ce personnage à Hitler ! Les mécanismes destructeurs du racisme peuvent donc se reproduire dans un pays bercé de culture bouddhiste.

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  • Voyage à travers le cinéma français (Tavernier)

    Bertrand Tavernier n’est pas mon cinéaste préféré mais il est lié à mon passé cinéphile. Voilà un homme qui symbolise l’amour érudit du cinéma. C’était en 2000 ou 2001 et il était venu présenter ça commence aujourd’hui à la cinémathèque royale de Bruxelles. Je me souviens parfaitement de sa grande dégaine, de son strabisme et de sa voix passionnée. Il avait commencé par dire que sa mère était morte ce jour-là puis, comme si sa cinéphilie lui permettait de surpasser de grandes douleurs, il s’était jeté dans la description de films français qui l’avaient marqué. Voyage à travers le cinéma français, documentaire sorti en 2016, est l’aboutissement de sa vie de cinéaste et de cinéphile. Par ses choix bien tranchés, c’est un autoportrait qu’il nous propose pendant 3H12 passionnantes.

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  • L'Amant double (François Ozon)

    Après la pudeur mélancolique de Frantz, l’exhibitionnisme de l’Amant double ! Un vagin en gros plan se convertit en œil : François Ozon examine le corps et la psyché de la femme. Cela commence par l’auscultation gynécologique du corps de Chloé (Marine Vacth) puis sa psychanalyse par Paul Meyer (Jérémie Rénier). Si Chloé a depuis si longtemps des maux de ventre, c’est sans doute psychologique. Elle attend de ses séances avec Paul qu’il identifie son problème et qu’elle se sente mieux. Plus les séances passent, plus elle guérit et s’attache à lui. La psychanalyse fait place à une histoire d’amour. Tout devrait s’améliorer mais elle ressent un vide qui la pousse à reprendre des séances. A l’insu de Paul, elle choisit de les suivre avec son frère jumeau Louis, également psychanalyste, avec qui elle connaît une relation plus perverse. Construit sur le thème fascinant de la gémellité maléfique, Ozon déploie un récit échevelé qui fonctionne à l’outrance.

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