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En juin 2013, Wirathu, moine bouddhiste très puissant en Birmanie, a fait la couverture du magazine Time en tant que « face of buddhist terror ». D’habitude, terreur et bouddhisme ne sont pas associés mais le vénérable W., comme le titre le documentaire de Barbet Schroeder, est bien l’initiateur de persécutions violentes contre la minorité musulmane des Rohingyas. Il y a un paradoxe saisissant à ce que le porte-parole d’une sagesse et d’un message d’amour soit la cause d’une haine profonde. Le décalage est si puissant et habilement montré qu’on finit par assimiler ce personnage à Hitler ! Les mécanismes destructeurs du racisme peuvent donc se reproduire dans un pays bercé de culture bouddhiste.
Bertrand Tavernier n’est pas mon cinéaste préféré mais il est lié à mon passé cinéphile. Voilà un homme qui symbolise l’amour érudit du cinéma. C’était en 2000 ou 2001 et il était venu présenter ça commence aujourd’hui à la cinémathèque royale de Bruxelles. Je me souviens parfaitement de sa grande dégaine, de son strabisme et de sa voix passionnée. Il avait commencé par dire que sa mère était morte ce jour-là puis, comme si sa cinéphilie lui permettait de surpasser de grandes douleurs, il s’était jeté dans la description de films français qui l’avaient marqué. Voyage à travers le cinéma français, documentaire sorti en 2016, est l’aboutissement de sa vie de cinéaste et de cinéphile. Par ses choix bien tranchés, c’est un autoportrait qu’il nous propose pendant 3H12 passionnantes.
Après la pudeur mélancolique de Frantz, l’exhibitionnisme de l’Amant double ! Un vagin en gros plan se convertit en œil : François Ozon examine le corps et la psyché de la femme. Cela commence par l’auscultation gynécologique du corps de Chloé (Marine Vacth) puis sa psychanalyse par Paul Meyer (Jérémie Rénier). Si Chloé a depuis si longtemps des maux de ventre, c’est sans doute psychologique. Elle attend de ses séances avec Paul qu’il identifie son problème et qu’elle se sente mieux. Plus les séances passent, plus elle guérit et s’attache à lui. La psychanalyse fait place à une histoire d’amour. Tout devrait s’améliorer mais elle ressent un vide qui la pousse à reprendre des séances. A l’insu de Paul, elle choisit de les suivre avec son frère jumeau Louis, également psychanalyste, avec qui elle connaît une relation plus perverse. Construit sur le thème fascinant de la gémellité maléfique, Ozon déploie un récit échevelé qui fonctionne à l’outrance.
Une grande série se confond souvent avec un grand récit. Narcos, série Netflix lancée en 2015, en est un bel exemple. Les deux premières saisons décrivent les efforts qu’il a fallu aux autorités colombiennes et aux américains pour neutraliser le criminel le plus riche de la planète, Pablo Escobar. On rappellera que son florissant trafic de cocaïne lui rapportait à son apogée (fin des années 80) des dizaines millions de dollars par jour, de quoi devenir la septième fortune mondiale. Par l’argent qu’il déversait sur la ville, il était idolâtré de Medellin et quasi intouchable dans son pays. Depuis le génial Scarface de De Palma, l’esthétique « narco » est rentrée dans la culture populaire mais c’est en fait une esthétique outrancière, très « nouveau riche » de Miami, que Narcos évite largement. La série est certes violente mais pas excessivement et elle a pour elle des atouts irrésistibles : un récit haletant nourri par l’histoire récente de la Colombie, de multiples personnages longuement caractérisés et une identité latine affirmée par ses acteurs, ses décors et ses musiques. Pour qui a fait un peu d’espagnol, il y a le plaisir de suivre une version originale qui ne soit pas, pour une fois, intégralement yankee. En termes de réalisation, ont été privilégiés des réalisateurs sud-américains expérimentés, à même de donner un ancrage très réaliste à la ville de Medellin tout en respectant certains codes du thriller (nocturnes inquiétants, montage dynamique des poursuites et des fusillades). De bons techniciens, scorsesiens et naturalistes dans la forme.
Cette semaine on peut encore aller voir le beau documentaire qu’est I am not your negro de Raoul Peck. Ce film met en image un texte écrit par l’écrivain noir américain James Baldwin, Remember this house, resté inachevé. Il y a recueilli ses souvenirs de grandes figures de la lutte contre la ségrégation des afro-américains, Malcom X, Martin Luther King, Medgar Evers. Dans ce documentaire, il apparaît comme témoin, victime et critique de l’Amérique raciste, celle qu’il a connue mais qui survit aujourd’hui dans toute sa violence. James Baldwin est mort en 1987, un président noir est apparu, comme certains l’avaient annoncé dans les années 60, mais que ce soit à Ferguson aujourd’hui ou à Watts en 1965, rien n'a changé.
Prometheus était un ratage. Une splendeur visuelle mais un salmigondis de personnages informes. Il y avait bien ce goût prononcé pour l’horreur, cette scène sidérante de césarienne, mais tant d’incohérences narratives et une malheureuse impression d’inachevé. Il est difficile de bâtir une fresque ambitieuse sur un départ aussi raté. Le problème de ce film prequel de la série Alien est dans le décalage entre son ambition mythologique, (expliquer la naissance de l’humanité, celle des Aliens), et son échec narratif total. Il fallait remonter la pente via Alien Covenant pour continuer la série et faire la jointure, après encore deux épisodes, avec le film fondateur qu’est Alien, le 8ème passager. Ne le nions pas : Alien Covenant est une réussite visuelle, un voyage beau et terrifiant sur une planète inconnue. Je n’ai aucun doute sur le savoir-faire de Ridley Scott mais je ne crois toujours pas à son talent de conteur, à sa capacité à bâtir une saga cohérente. Scott est un excellent faiseur et c’est déjà pas mal !