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Hérédité (Ari Aster)

Si on mesure la qualité d’un film d’horreur à la trouille qu’il procure alors Hérédité, premier film de l’américain Ari Aster, n’est pas une grande réussite – on ne sursaute pas beaucoup. En revanche, si on mesure cette qualité au sentiment d’étrangeté, à l’impression d’avoir regardé quelque chose de malsain et d’insolite, Hérédité est louable. A côté du surfait Sans un bruit sorti en même temps, on peut estimer qu’il comptera dans le cinéma d’horreur contemporain. Il débute comme drame familial, lorsque les Graham enterrent Ellen leur grand-mère. On découvre que celle-ci était une femme bizarre, ayant tenu à distance sa fille Annie (Toni Colette) mais s’étant rapproché de sa petite fille Charlie (Milly Shapiro) qui la regrette. Les Graham pourraient faire leur deuil mais ils semblent ne pas en avoir fini avec le fantôme d’Ellen et cette hérédité malsaine qui les poursuit.

Hérédité kubrickienne

L’étrangeté ne va pas de soi, il faut savoir la travailler pour la faire surgir. On louera donc la qualité de mise en scène d’Ari Aster, sa capacité à composer des plans larges inquiétants en utilisant la profondeur des perspectives de la maison des Graham. Annie est une artiste composant des maquettes de scènes domestiques, c’est un travail long, maniaque, qui nécessite un sens aigu du détail. C’est ce que revendique Aster dès l’entame du film, zoomant sur l’intérieur d’un modèle réduit de maison, dans lequel les figurines s’incarnent en Peter (Alex Wolff) et en son père Steve (Gabriel Byrne). Il y a sans doute autre chose que revendique Ari Aster, c’est l’hérédité kubrickienne ! De la grande maison des Graham située au milieu d’une forêt à l’hôtel Overlord de Shining, il n’y a qu’un pas. Tous ces intérieurs et ces plans symétriques enfermant les personnages rappellent fortement le film de 1980. Ils sont pour beaucoup dans l’atmosphère malsaine d’Hérédité.

Entre drame intimiste et horreur

La filiation avec Kubrick se retrouve aussi dans l’impression de ne pas savoir exactement ce qu’on regarde. C’est dû en grande partie aux acteurs choisis, tombés dans un film d’horreur alors qu’ils devaient être dans un drame ou une comédie familiale. On se souvient du pauvre Nicholson, transformé en psychopathe par Kubrick. Hérédité n’est pas un slasher movie aux compositions outrées et caricaturales, c’est un film oscillant entre drame intimiste et horreur. La production a donc engagé Toni Collette et Gabriel Byrne, pas des stars mais des acteurs au répertoire large. Alors que Byrne incarne un type tranquille et cartésien, donc dépassé par les événements, Collette, qui porte le film sur ses épaules joue une femme étrange dont on ne sait si elle est sympathique, bonne ou mauvaise mère, farfelue ou franchement inquiétante. Elle se pose la question de son hérédité troublante qui s’incarne dans la figure de sa fille– Milly Shapiro, disons-le, a un visage laid et inquiétant. A la suite d’une scène horrible, le film se focalise sur le rapport mère-fils et nous perd dans le malaise de Peter. On ne sait alors pas très bien où on va.

Comme Shining, dont on peut préciser qu’Hérédité n’est pas un vulgaire plagiat, le film d’Ari Aster prend son temps, sème des indices, des signes : une inscription murale, un signe récurrent, un livre bizarre dans un carton de souvenirs. Il ne se presse pas, joue la lenteur comme si on était vraiment dans un drame, pour se conclure de manière très spectaculaire. Ne dévoilons rien si ce n’est une seconde influence d’Hérédité, l’Exorciste de William Friedkin, qui se voit davantage dans sa dernière partie.  Le film s’enfonce dans l’horreur en entretenant une esthétique chargée et malsaine, dérivant vers l’occultisme. Mais c’est moins convaincant car Aster n’a pas ce sens du choc et de l’uppercut comme Friedkin. Il est sans doute trop maniaque du détail mais pas aussi sadique que le réalisateur de French Connection. Hérédité joue la terreur pure un peu tard, après avoir laissé son spectateur baigner dans une ambiance très léthargique.

Ari Aster a beaucoup travaillé l’étrangeté, c’est la grande force du film mais sans doute le scénario a-t-il négligé d’approfondir cette hérédité dont tout est la cause, cette figure de grand-mère dont on aurait dû mieux percevoir l’aspect terrifiant. Pour son impressionnant travail esthétique et pour l’interprétation remarquable de Toni Collette, Hérédité fait belle figure parmi les grands souvenirs horrifiques de 2017.

Film disponible en DVD, Blu-Ray et VOD depuis le 15 octobre

Editeur : Metropolitan Filmexport (le site, la page Facebook)

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