John Huston
Sans un bruit (John Krasinski)
Ce qu’il y a de bien avec les films d’horreur, c’est qu’ils révèlent les angoisses cachées d’une société, ils ont toujours quelque chose de pertinent à nous montrer. La société américaine semble travaillée par la catastrophe globale, l’apocalypse et Sans un bruit, un an après It comes at night de Trey Edward Shults, décline à nouveau les thèmes de la survie, de l’autarcie et de la paranoïa. Une famille américaine type, les Abbott, deux parents (Emily Blunt et John Krasinski) et leurs trois enfants, tente de survivre dans un environnement rural menacé par des prédateurs monstrueux. Comme ces créatures repèrent leurs proies au bruit, notamment au son de la voix, il s’agit de ne pas se faire entendre.
La première demi-heure consistera à suivre leur vie quotidienne, à les voir prendre garde au moindre bruit qu’ils font. C’est une phase d’exposition originale par son silence, assez peu intéressante d’un point de vue psychologique, sans doute davantage sur le plan idéologique. Les choix de personnages sont très classiques, la vision de la famille empreinte de conservatisme. Les Abbot sont unis et bons chrétiens. Evelyn est enceinte et s’occupe des tâches ménagères. Lee travaille et protège son foyer. Pendant qu’elle étend le linge, lui étudie les moyens d’éliminer les sales bêtes. Regan, qui est sourde, a le caractère rebelle d’une préadolescente. Marcus, plus jeune, est le plus vulnérable - en attendant l’arrivée d’un nouvel enfant. Tout cela n’est pas très original et délivrera in fine un message d’une grande banalité : rien de mieux que la famille pour se protéger.
Décor édénique
Il est paradoxal de constater que cet état de catastrophe dans lequel ils vivent est idyllique par bien des aspects. Ils occupent une grande ferme où la nourriture (grain, bocaux) ne manque pas. Ils disposent de générateurs pour l’électricité, d’un éclairage abondant et de caméras de vidéo-surveillance pour surveiller la propriété. Les couleurs chaudes de l’été illuminent une jolie vallée couverte de champs de maïs. Les nombreux plans larges et aériens composent un décor édénique. Ils sont isolés et on ne verra pratiquement pas d’autres humains. Ils vivent contraints mais dans le silence de la nature. Qu’il est beau d’habiter une vallée verte et tranquille (le titre en VO est A quiet place, « un endroit paisible »), où la civilisation humaine a dû se retirer, tout en ayant le confort d’un citoyen américain ! A se demander si le survivalisme n’est pas une forme de fantasme pour certains : enfin pouvoir vivre isolé de la société et de ses turpitudes, ne plus compter que sur soi-même mais avec tous les avantages matériels ! En tout cas, ce film est bien dans l’air du temps… très conservateur.
Michael Bay qui produit…
Le scénario sème les éléments qui vont faire basculer l’intrigue dans l’horreur. Comment la famille va-t-elle gérer les vagissements du nouveau-né ? Que va-t-il se passer sur cet escalier en bois menant au sous-sol ? On nous prépare pas mal d’horreurs mais malgré quelques images puissantes et des promesses – un accouchement tout près d’une saloperie aux dents acérées -, le résultat est décevant. Au générique de fin, on découvre que c’est Michael Bay qui produit Sans bruit. Le réalisateur de Transformers, Bad boys ou de l’atroce Pearl Harbor ! C’est sans doute pour cela que le film colle comme un vieux chewing-gum aux valeurs américaines et qu’il se montre si timoré quand il s’agit d’exacerber l’horreur et d’insister sur son idée de départ. Certes, il y a cet accouchement et cette scène dans le silo à grain mais John Krasinski n’est pas Friedkin ni Argento. Il ne pousse pas les feux de l’horreur au-delà du raisonnable.
La bonne idée était bien de ne pas faire de bruit, de transformer le moindre son en menace cauchemardesque. Mais Sans un bruit est un produit grand public qui finit par utiliser les moyens classiques du genre. Il joue sur sa bande-son fracassante pour nous faire sursauter. Il emploie des créatures très laides, hybrides d’aliens et d’insectes sortis de Starship Troopers, pour terrifier à peu de frais. En plus, il nous balance sa guimauve familiale au plus mauvais moment : un dialogue grotesque entre le père et sa fille, en pleine action finale, nous rappelle combien il est important de dire à ses enfants qu’on les aime !
Le plus modeste It comes at night identifiait la terreur au cœur même du foyer américain, et avait un fond de vérité et de simplicité que ne possède pas Sans un bruit, produit finalement dispensable malgré ses excellentes critiques dans la presse française.