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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 22

  • 90’s (Jonah Hill)

    Quand je recherche dans mes souvenirs de cinéma le thème des ados skaters, c’est tout de suite Larry Clark qui vient. Je retiens Gus Van Sant et son Paranoid park (2007), mais c’est l’imaginaire malsain de Kids, Ken Park, Wassup rockers ou The smell of us qui prime. Clark ne cache pas sa fascination pour les adolescents, pour leur violence et leur sexualité présumée débridées. Sur fond de pellicule granuleuse, il caresse leurs corps, les fantasme souvent à la limite du dégoutant. Quand 90s commence, j’ai craint que Jonah Hill ne copie cette esthétique. L’image est pâle et granuleuse, la bande son combine rock et hip hop, le décor est celui des rues de Los Angeles, les « héros » des adolescents skaters désœuvrés… comme dans Kids. Mais le regard de l’acteur-réalisateur Hill, dont c’est le premier film, est dénué d’outrances. Son registre est d’une part nostalgique puisqu’il semble avoir puisé dans ses propres souvenirs d’enfance. Il est d’autre part empreint de tendresse et de pudeur. On dirait même que son expérience d’acteur de comédies adolescentes (SuperGrave, Sans Sarah rien ne va : pas mal malgré les titres idiots) où il jouait souvent le petit gros de service, lui a servi à trouver la bonne écriture pour parler de cet âge ingrat.

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  • El reino (Rodrigo Sorogoyen)

    Ce qu’il y a de commun à beaucoup de films sur la corruption, c’est que plus ils avancent, plus l’étendue de celle-ci se dévoile et plus la quête du présumé héros devient une lutte pour sa propre survie. Au cinéma le « système » a toujours un temps d’avance sur les individus, qu’ils soient eux-mêmes bons ou méchants. Dans Point blank de John Boorman (1967), un tueur à gages interprété par Lee Marvin gravit les échelons d’une société criminelle pour récupérer son argent. Plus il monte, moins il y voit clair. Dans l’excellent Mort d’un pourri de Lautner (1977), le héros joué par Alain Delon cherche les responsables du meurtre de son ami député. Au bout d’une intrigue très sombre et mouvementée se révèle un système de corruption tenant la France giscardienne dans ses mailles d’intérêts. Aucune chance d’y mettre fin : le pur a beau connaître la vérité, il n’a pas le pouvoir d’arrêter la pourriture.

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  • Bohemian rhapsody (Bryan Singer)

    Pour les rock critics, Queen a souvent été un objet de mépris. Ils vendaient des millions de disques mais n’ont pas révolutionné le genre ou inventé un mouvement comme les Beatles, Stones, Led Zeppelin ou Clash. On s’en rend compte en regardant Bohemian rhapsody, ce groupe produisait une musique très divertissante, c’était une machine redoutable pour remplir des stades. Les concernant, ne parlons pas de politique ou de subversion, ce n’était pas dans leur ADN. Le film de Bryan Singer, qui a remporté un succès planétaire en 2018, est conforme à leur image publique. Du fun et rien qui ne dérange ou ne surprenne le spectateur. Il a été produit par Brian May et Roger Taylor, guitariste et batteur du groupe. Ces respectables messieurs n’avaient sans doute pas envie de sortir des sentiers battus. En lisant la presse, on se rend compte aussi que ce film adoubé par le groupe a une fâcheuse tendance à travestir la vérité et les faits, ce qui est plus gênant quand on se penche sur la vie personnelle de Freddie Mercury, leur chanteur.

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  • M (Yolande Zauberman)

    C’est la nuit et l’image granuleuse de la digital video donne le sentiment d’une improvisation. Un homme, Menahem, est filmé en close-up sur une plage déserte. Il livre une confession. Enfant doué chantant dans les synagogues, il a été violé par plusieurs adultes. Il souffre depuis lors et a dû quitter ses parents et sa communauté religieuse. Le documentaire continue à bord d’une voiture. Menahem engage une conversation sur sa sexualité avec un transsexuel. Le filmage en plan serré conjugué aux effets impudiques de la confession oppresse le spectateur. Où Yolande Zauberman veut-elle nous emmener?

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  • Silvio et les autres (Paolo Sorrentino)

    Parmi l'un des films à voir de l'an passé, il y a pourquoi pas le dernier opus du réalisateur d’Il divo et de La grande bellezza. Notons qu’il est sorti en France dans des conditions différentes de l’Italie. Là-bas, il a été programmé en deux films d’1H40 environ alors qu’il a été réduit ici à un unique long métrage de 2H37. On perçoit les effets de ce remontage dans son rythme particulier. La première heure est un étalage tapageur de moments festifs qui fait penser à certains passages du Loup de Wall Street de Scorsese. Puis le film adopte un rythme plus languissant et introspectif. Sorrentino a réalisé une œuvre tout en ruptures de tons, à l’image de sa bande-son éclectique, qui passe du rock 70s de Down in the street des Stooges, au morceau techno Goudron (Yacht) ou au planant It’s happening again d’Agnès Obel. Pour peu que le sujet « Berlusconi » intéresse, on ne s’ennuie pas dans ce film qui saute sans cesse d’un registre à l‘autre : l’allégorique, le satirique, le psychologique.

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  • Grâce à Dieu (François Ozon)

    Qui a reçu un semblant d’éducation chrétienne y reconnaîtra l’importance de la parole, du verbe. L’évangile selon Jean commence par le célèbre : « Au commencement était le verbe », proclamation de la parole divine comme préalable à la création du monde. Les chrétiens, par définition ceux qui ont reçu en témoignage l’existence de Dieu, sont appelés à annoncer la bonne nouvelle, à transmettre la parole divine. L’église catholique revendique cette mission auprès des hommes. Être chrétien et faire partie de l’Eglise, c’est donc passer une forme de pacte de confiance avec le clergé, recevoir la parole, la laisser guider sa conscience, accepter la confession etc. Quand une association appelée « La parole libérée » poursuit le diocèse de Lyon et un de ses représentants, le père Preynat, coupable de pédophilie, c’est que la parole divine, censée être une parole d’amour a été gravement trahie. Le dernier film de François Ozon, on le sait, repose sur des faits avérés. Le père Preynat, le Cardinal Barbarin ainsi que la psychologue de l’Eglise, Régine Maire, sont nommés, alors que les noms de famille des victimes ont été modifiés.

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