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adèle haenel

  • Portrait de la jeune fille en feu (Céline Sciamma)

    Le film commence lorsqu’à son cours de peinture, on demande à Marianne (Noémie Merlant) qui est la jeune femme en feu sur un des tableaux de son atelier. Marianne se souvient alors de son séjour sur une île de Bretagne, en 1770. Héloïse (Adèle Haenel) a été sortie du couvent par sa mère la comtesse (Valeria Golino) pour épouser un riche milanais. Il faut envoyer au futur marié le portrait de sa promise mais celle-ci refuse de se laisser peindre. La comtesse imagine un subterfuge : faire venir Marianne, peintre de son état, et la faire passer pour dame de compagnie auprès de sa fille. Isolées et sans homme autour d’elles, avec Sophie comme servante (Luàna Bajrami), Marianne et Héloïse finissent par s’aimer. Héloïse accepte de poser.

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  • Le daim (Quentin Dupieux)

    Dans Dillinger est mort de Marco Ferreri, la découverte d’un pistolet emballé dans un journal finit par donner des envies de meurtre au personnage de cadre supérieur joué par Michel Piccoli. Dans Breakup – érotisme et ballons rouges (quel titre !), c’est un industriel joué par Marcello Mastroianni qui obsédé par le gonflement de ballons de baudruche perd la tête et se suicide. Il faut redécouvrir l’œuvre de Ferreri après celle de Buñuel. Derrière la façade de normalité et prospérité se cachent la folie, l’aliénation et la barbarie. Quentin Dupieux qui n’a pas inventé l’absurde au cinéma serait un héritier de ce cinéma-là tant son œuvre travaille l’obsession et les situations absurdes. Il l’a dit en interview à Libération : « En fait, Buñuel est tellement fondamental que je trouverais anormal de ne pas passer par lui. » A la vision du Daim et aux souvenirs de Rubber et de Réalité, on devine aussi une forme de discours et d’auto-analyse sur sa propre condition de créateur dans le cinéma.

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  • En liberté ! (Pierre Salvadori)

    On en finit plus de dire du mal des comédies françaises et ceci à juste titre. Poussives, bâclées, mal écrites, pas drôles voire carrément indigentes, de nombreuses horreurs sont produites chaque année et font tout de même le plein de spectateurs. Le genre est à la fois florissant commercialement (Alad’2, Taxi 5, Pattaya) et désastreux d’un point artistique. Ce qu’il y a de moins nul tient de la recette (bons mots, bons comédiens) comme la série La Vérité si je mens ou d’une certaine habileté narrative comme les films de Nakache et Toledano (Le sens de la fête : pas mal).

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  • 120 battements par minute (Campillo)

    Etant né un peu avant que l’épidémie de SIDA ne se fasse dramatiquement connaître et s’étende, j’ai connu Act Up par l’intermédiaire de leurs actions. C’était toujours présenté dans les médias de façon expéditive, sous l’angle choquant, agressif, frontal. C’était de l’activisme minoritaire et ça ne se voulait pas consensuel. Maintenant le sujet, à tort sans doute, n’effraie plus tellement mais le SIDA c’était des contaminations et des morts en courbe exponentielle, c’était une cause nationale et une menace angoissante pour beaucoup. Act Up, qui existe toujours, c’est donc une partie de l’Histoire, qu’on apprécie ou pas leurs méthodes. Le film de Robin Campillo part de ce collectif-là, nous fait voir son fonctionnement, ses actions et ses dissensions pour glisser progressivement vers une histoire plus intime, plus personnelle. Est-ce que le film mérite les éloges qu’il a reçus depuis Cannes ? Je le pense sans restriction.

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  • les combattants: survivre mais à quoi?

     

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    Si je dis que Les combattants, premier film de Thomas Cailley, traite de la jeunesse, on va me lire d’un air un peu las. Que va-t-on encore nous sortir ? Un film naturaliste sur la difficulté du jeune à intégrer le monde du travail ? Un drame sur la jeunesse perdue des quartiers pavillonnaires, entre vacuité, sexe et violence ? Une passion violente sur fond de quête d’identité sexuelle, façon La vie d’Adèle ? Dans l’absolu, tous ces sujets sont légitimes. Simplement, on a envie aussi d’un peu de légèreté et d’originalité et Les combattants y parvient par une aptitude à développer ses personnages sans esprit de sérieux.

    Les épreuves, le rite de passage

    On est sur une côte ensoleillée de l’Ouest de la France. Arnaud (Kevin Azaïs) est un jeune charpentier un peu mou qui au cours d’une tournée de recrutement de l’Armée rencontre Madeleine (Adèle Haenel), une bourgeoise garçon manqué qui se prépare à la survie en milieu hostile. Une relation indéfinissable se noue entre eux pendant un stage commando parachutiste. La relation est d’autant plus floue qu’elle passe par une inversion des rôles : il est aussi doux et indécis qu’elle est brutale et fonceuse. Le jeu physique d’Adèle Haenel est impressionnant. Elle a le verbe sec, un regard à vous envoyer des mandales. En même temps, on devine l’effort qu’elle met à ne pas être prise en défaut, la petite fissure dans l’armure. Que réclame-t-elle pour elle-même et pour sa génération ? Les épreuves, le rite de passage, tout ce qui semble manquer à la jeunesse d’aujourd’hui, engourdie par le chômage et le confort matériel. Dans ce contexte, l’Armée propose ce qui manque le plus aux jeunes : l’aventure, le combat physique, la nature. Sauf que le portrait qui en est fait invalide la transformation du film en initiation guerrière forgeant le caractère et la fraternité.

    Démerde-toi !

    Pris au premier degré, le passage à l’Armée ressemble à une moquerie facile de cette institution - souvent caricaturale. Pourtant, que Madeleine se plaigne du confort des lits ou des repas copieux (steak frites flanby), elle déplore avant tout le dévoiement de l’Armée, sa conversion en une entreprise comme une autre. L’Armée n’est-elle pas le premier recruteur aujourd’hui en France ? Non elle est le deuxième derrière McDonald’s, fait-on remarquer. Convertie au marketing pour rameuter des jeunes, elle ne se distingue pas fondamentalement du roi du fast-food. Dispensant des conseils absurdes ou faisant semblant de transmettre des valeurs, les militaires du film ne sont pas plus intéressants que des formateurs d’entreprise ou que les adultes en général. Il n’y a pas grand-chose à attendre des générations d’avant, qui semblent dire, même quand elles prodiguent des conseils : « démerde-toi ! ». Madeleine l’a mieux compris qu’Arnaud : elle se prépare à survivre tout court, elle ne sait pas à quoi exactement. La société n’attend rien d’elle, elle doit faire avec. Dans cette optique, apprendre la survie est plus intéressant que poursuivre des études de modélisation économique ou que de construire des cabanes à jardin.

    Définition de l’Amour

    Arnaud et Madeleine quittent le stage commando pour organiser leur propre aventure. En une brusque cassure narrative, le film opère son dernier mouvement : une sorte de Deliverance en forêt landaise où nos deux héros peuvent s’aimer et apprendre la vie par eux-mêmes. On sait depuis le début qu’il va se passer quelque chose entre eux. Après tout, ils ont débuté par un corps à corps, perdu par Arnaud. S’il suit Madeleine, n’est-ce pas pour recréer les conditions d’un contact physique avec elle ? Par son écriture, le film arrive à faire perdurer cette tension entre les deux personnages. Certes, Madeleine ne ménage pas Arnaud mais si elle ne le supportait pas, elle lui aurait sûrement mis un coup de boule ! Dépouillé de son ton moqueur, le film vacille et se cherche quelques minutes mais ne se casse pas la figure. Une définition de l’amour se fait jour au milieu de la nature : prendre un chemin de sortie, se débarrasser des tutelles idiotes, affronter des épreuves ensemble, en tirer ses propres conclusions. L’important ici est de trouver un sens à soi, de s’approprier ce qui vous échappe. Le dialogue final sur les causes de l’incendie de forêt en est la traduction : peu importe que l’explication d’Arnaud soit risible (« des incendies éclatent soudain comme ça, quand la forêt s’est développée au maximum »), l’important y compris aux yeux de son frère est qu’il se soit forgé ses propres convictions. Autrement dit, le combattant est passé du statut de con à celui de battant.