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Celle que vous croyez (Safy Nebbou)

Ce n’est pas un hasard si Claire, l’héroïne de Celle que vous croyez, est professeure de littérature. Il est question ici de transformer une vie insatisfaisante en histoire romanesque, de puiser dans un imaginaire riche, celui de la littérature libertine, du romantisme ou de la poésie, afin de vivre sa vie plus intensément et repousser à plus tard la vieillesse et la mort. On est au départ assez surpris voire horripilé par cette histoire. Juliette Binoche incarne avec une étrange passion adolescente le rôle d’une femme de cinquante ans qui pour garder prise sur son amant Ludo (Guillaume Gouix) décide de se créer un faux profil Facebook pour séduire virtuellement le meilleur ami de celui-ci, Alex (François Civil).

Au début, ça paraît grotesque, la transformation de Claire en adolescente transie, accrochée à son smartphone d’autant que de l’autre côté de la toile, Alex se fait un film de la mystérieuse Clara Antunes, personnage virtuel que Claire a créé. Il faut toute la conviction de Juliette Binoche pour ne pas lâcher pendant les premières cinquante minutes. Il y a des choses un peu lourdes dans cette moitié de film, comme cette masturbation en voiture, tellement cliché ! La clé de l’intrigue se situe dans la relation entre Claire et sa thérapeute, le docteur Bormans, joué par Nicole Garcia. Si Claire s’accroche à cette histoire, si elle la vit intensément, c’est sans doute pour combler une souffrance qui ne se dit pas. Certes, elle se sait plus vieille et moins désirable que les jeunes femmes mais il y a une faille en plus que le film dévoilera.

Juliette Binoche

L’intérêt de Celle que vous croyez réside dans l’interprétation de Juliette Binoche. Ceux qui la détestent (j’en connais) ne s’en feront pas une meilleure idée. Ceux qui pensent comme moi qu’elle est une comédienne d’une grande sensibilité, excellant aussi bien dans le comique que le dramatique, apprécieront son travail. Par instant, son visage traduit la désolation et la lassitude de l’âge. A d’autres moments, elle paraît 20 ans de moins et on sait que c’est la passion, celle qui fait rougir de plaisir, qui anime ses traits. Dans ses cours magistraux, Claire cite Marguerite Duras, la marquise de Merteuil et Nora, héroïne d’Une maison de poupée d’Ibsen. Nora, personnage naïf balloté par les hommes, Merteuil l’intrigante des Liaisons dangereuses et Duras… difficile à résumer ! Claire convoque des figures de femmes qui lui ressemblent et résument ses propres contradictions : jeune d’esprit, romantique, passionnée, sensuelle, manipulatrice (Facebook !), affabulatrice. Elle est tout ça à la fois et surtout elle mène le jeu face à des hommes plus jeunes qu’elle. La conviction que met Binoche à endosser le rôle tient d’une forme de revendication existentielle pour les femmes mûres. Pouvoir coucher avec des hommes jeunes, danser comme une adolescente, injecter dans sa vie affective une bonne dose de jeu et d’intrigue, ne pas se conduire comme une mère « normale » avec ses enfants, pourquoi se priver ? A l’intérieur du film Claire construit son histoire comme un roman à clef. Celle que vous croyez joue avec les codes du thriller, tel les films les plus aimés du public. Au spectateur, placé au même niveau que la thérapeute, de trouver les raisons de Claire qui seront dévoilées à la fin.

Passons à ce qui limite fortement l’intérêt de ce film. La photographie de Gilles Porte (Raoul Ruiz), la musique d’Ibrahim Maalouf, les vues sur le nouveau quartier de la BnF et ses grandes tours qui brillent dans la nuit, c’est beau mais ça donne un aspect raffiné et trop artificiel. Quand on sort de Paris, on a le droit à une virée à vélos au bord de falaises, en plan aérien comme dans une publicité pour Engie. Le scénario affichant déjà son caractère fantasmatique et cousu de fils blancs, la mise en scène figée dans des poses trop sophistiquées mine la puissance du propos. Évidemment l’image bleutée et l’abondance d’écrans, de vitres, nous renvoient au virtuel des réseaux sociaux mais c’est tellement bateau et puis ça dessert l’histoire de Claire, femme revendiquant un désir débordant de vie et d’amour. Alors qu’il parle de choses viscérales et qu’il met son héroïne en danger de ridicule, Celle que vous croyez est un trop bel objet, lisse et glacé, pas à la hauteur de son actrice. A découvrir pourquoi pas, parmi tout le cinéma de l'année 2019.

En DVD, Blu-Ray et VOD le 2 juillet, édité par Diaphana Edition Video (site et page Facebook)

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