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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 49

  • les combattants: survivre mais à quoi?

     

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    Si je dis que Les combattants, premier film de Thomas Cailley, traite de la jeunesse, on va me lire d’un air un peu las. Que va-t-on encore nous sortir ? Un film naturaliste sur la difficulté du jeune à intégrer le monde du travail ? Un drame sur la jeunesse perdue des quartiers pavillonnaires, entre vacuité, sexe et violence ? Une passion violente sur fond de quête d’identité sexuelle, façon La vie d’Adèle ? Dans l’absolu, tous ces sujets sont légitimes. Simplement, on a envie aussi d’un peu de légèreté et d’originalité et Les combattants y parvient par une aptitude à développer ses personnages sans esprit de sérieux.

    Les épreuves, le rite de passage

    On est sur une côte ensoleillée de l’Ouest de la France. Arnaud (Kevin Azaïs) est un jeune charpentier un peu mou qui au cours d’une tournée de recrutement de l’Armée rencontre Madeleine (Adèle Haenel), une bourgeoise garçon manqué qui se prépare à la survie en milieu hostile. Une relation indéfinissable se noue entre eux pendant un stage commando parachutiste. La relation est d’autant plus floue qu’elle passe par une inversion des rôles : il est aussi doux et indécis qu’elle est brutale et fonceuse. Le jeu physique d’Adèle Haenel est impressionnant. Elle a le verbe sec, un regard à vous envoyer des mandales. En même temps, on devine l’effort qu’elle met à ne pas être prise en défaut, la petite fissure dans l’armure. Que réclame-t-elle pour elle-même et pour sa génération ? Les épreuves, le rite de passage, tout ce qui semble manquer à la jeunesse d’aujourd’hui, engourdie par le chômage et le confort matériel. Dans ce contexte, l’Armée propose ce qui manque le plus aux jeunes : l’aventure, le combat physique, la nature. Sauf que le portrait qui en est fait invalide la transformation du film en initiation guerrière forgeant le caractère et la fraternité.

    Démerde-toi !

    Pris au premier degré, le passage à l’Armée ressemble à une moquerie facile de cette institution - souvent caricaturale. Pourtant, que Madeleine se plaigne du confort des lits ou des repas copieux (steak frites flanby), elle déplore avant tout le dévoiement de l’Armée, sa conversion en une entreprise comme une autre. L’Armée n’est-elle pas le premier recruteur aujourd’hui en France ? Non elle est le deuxième derrière McDonald’s, fait-on remarquer. Convertie au marketing pour rameuter des jeunes, elle ne se distingue pas fondamentalement du roi du fast-food. Dispensant des conseils absurdes ou faisant semblant de transmettre des valeurs, les militaires du film ne sont pas plus intéressants que des formateurs d’entreprise ou que les adultes en général. Il n’y a pas grand-chose à attendre des générations d’avant, qui semblent dire, même quand elles prodiguent des conseils : « démerde-toi ! ». Madeleine l’a mieux compris qu’Arnaud : elle se prépare à survivre tout court, elle ne sait pas à quoi exactement. La société n’attend rien d’elle, elle doit faire avec. Dans cette optique, apprendre la survie est plus intéressant que poursuivre des études de modélisation économique ou que de construire des cabanes à jardin.

    Définition de l’Amour

    Arnaud et Madeleine quittent le stage commando pour organiser leur propre aventure. En une brusque cassure narrative, le film opère son dernier mouvement : une sorte de Deliverance en forêt landaise où nos deux héros peuvent s’aimer et apprendre la vie par eux-mêmes. On sait depuis le début qu’il va se passer quelque chose entre eux. Après tout, ils ont débuté par un corps à corps, perdu par Arnaud. S’il suit Madeleine, n’est-ce pas pour recréer les conditions d’un contact physique avec elle ? Par son écriture, le film arrive à faire perdurer cette tension entre les deux personnages. Certes, Madeleine ne ménage pas Arnaud mais si elle ne le supportait pas, elle lui aurait sûrement mis un coup de boule ! Dépouillé de son ton moqueur, le film vacille et se cherche quelques minutes mais ne se casse pas la figure. Une définition de l’amour se fait jour au milieu de la nature : prendre un chemin de sortie, se débarrasser des tutelles idiotes, affronter des épreuves ensemble, en tirer ses propres conclusions. L’important ici est de trouver un sens à soi, de s’approprier ce qui vous échappe. Le dialogue final sur les causes de l’incendie de forêt en est la traduction : peu importe que l’explication d’Arnaud soit risible (« des incendies éclatent soudain comme ça, quand la forêt s’est développée au maximum »), l’important y compris aux yeux de son frère est qu’il se soit forgé ses propres convictions. Autrement dit, le combattant est passé du statut de con à celui de battant.

  • Under the skin, entre Lynch et la mutante

    Un film qui s’appelle Under the skin (Sous la peau) devait forcément toucher aux sens du spectateur. C’est en effet ce qu’a réalisé Jonathan Glazer : un film d’atmosphère, de sensations,  de paysages où tout passe par l’œil pour irriguer les nerfs du spectateur et pour lui procurer des visions.

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  • Ma vidéothèque idéale: Fat city, ode aux perdants

    S’il fallait citer un hommage cinématographique aux perdants, ce serait Fat city (1972) de John Huston. Encore un film de cette époque qui parle de petits, de paumés et qui le fait très bien. Un film d’autant plus touchant à voir que c’est un film de boxe. Le film de boxe, c’est souvent l’histoire d’une ascension, from rags to riches, comme disent les américains. Tel Rocky Balboa ou Miky Ward (the fighter), ils n’ont rien ou plutôt ils ont tout contre eux : le sort qui s’acharne, la pauvreté, les mauvaises fréquentations etc. Mais à la fin il y a l’ultime combat, le triomphe, débouchant sur le rêve américain : amour, richesse, gloire. De fait, les films de boxe racontent toujours des victoires sur la fatalité.

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  • Wes Anderson : petit cinéma de marionnettes

    L’autre soir, j’ai regardé Moonrise kingdom de Wes Anderson, quelques semaines après avoir vu The Grand Budapest Hotel.

    J’ai toujours le même sentiment après chaque film de ce réalisateur. L’esthétique est irréprochable. Photo, musique, décor, costumes, tout cela mérite des louanges. Mais je ressors ennuyé, agacé par tous ces beaux moyens qui n’arrivent pas ou peu à m’émouvoir.

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  • Ma vidéothèque idéale: Les choses de la vie de Claude Sautet

    J’ai vu Les choses de la vie (1970) de Claude Sautet une première fois au détour d’une fin de soirée, sur France 2. Il a suffi de 5 minutes pour que je sois intrigué et que je décide de le regarder jusqu’au bout. C’est un très beau film des années 70, construit en flash-backs à partir d’un accident de voiture. L’un des premiers plans est celui d’un pneu, détaché d’une voiture accidentée. Séquence suivante : un couple est alité. La femme, Hélène, est nue et découverte. C’est Romy Schneider, au faîte de sa beauté, amoureusement allongée à côté de Michel Piccoli. Ils ont fait l’amour. Le film alterne entre deux reconstitutions de la vie de Pierre Bérard: celle de son accident de voiture, brutale, découpée au ralenti, celle de son existence passée, flottant entre incertitudes et moments heureux.

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  • Ma vidéothèque idéale: Cinq pièces faciles (Bob Rafelson)

    Cinq pièces faciles (Five easy pieces) de Bob Rafelson fait partie des films qui m’ont donné envie d’ouvrir ce blog. Il tient sa place dans un modeste panthéon de films américains qui m’ont passionné et que je revois avec plaisir de temps en temps. Ils s’appellent Bienvenue Mr Chance (Ashby), Fat city (Huston), Conversation secrète (Coppola), L’épouvantail (Shatzberg), Papermoon, La dernière séance (Bogdanovich), Le lauréat (Nichols) etc. Chacun m’est précieux, intime, jubilatoire et j’en évoquerai quelques-uns dans une série d’articles appelés « ma vidéothèque idéale » que je commence aujourd’hui. Cinq pièces faciles date de 1970, dernière époque avant les années 80 où le cinéma américain grand public est humain. Loin des transformers, des pirates des caraïbes, des super héros, il s’adresse à des adultes comme à des adultes, ne rechignant pas à se placer sur un plan politique, social ou métaphysique ; il reste néanmoins américain au sens où il demeure divertissant et classique dans ses schémas narratifs. Son originalité est de convoquer des héros ambigus, indécis, indéterminés, perdus, angoissés. Il se raconte à travers des ouvriers, des paumés, des fous, des petits, des oubliés, des pauvres filles. Il est touchant et grave.

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