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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 52

  • Drive (Winding Refn): le style fait tout

    Drive de Nicolas Winding Refn est la preuve qu’il n’y a pas de bon polar sans style. C’est même le style qui fait tout. Donnez au réalisateur danois le script d’un Julie Lescaut et il en fera cette chose lumineuse et irréelle qu’est Drive. Car l’histoire est banale pour un film noir. Celle d’un type qui en voulant protéger une jeune femme et son fils se retrouve entortillé dans une sale affaire, une affaire de mafieux.

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  • Chronique de fin d'été: The murderer, Mes meilleures amies

    Ce qu’il y a de bien avec les disputes conjugales, la seule chose de bien en ce qui me concerne, est qu’elles m’autorisent des sorties (des fuites ?) dans les salles obscures pour voir des films qu’en temps normal je ne verrais pas. Je ne vais pas dire que je les provoque ces disputes, par passion du cinéma, non, mais quand l’ambiance se fait pesante comme une atmosphère précédant l’orage, rien de tel qu’un film pour se sentir plus léger. Encore faut-il que ce soit un bon film ! L’été est la période idéale pour voir ces films un peu insolites, un peu « seconds couteaux », qui se glissent dans la programmation, tels des esquifs coque contre coque avec les gros yachts du cinéma ricain. L’été est même une période un peu bizarre où les sens des critiques cinémas semblent éblouis par trop de soleil et où, justement le moindre film original au point de ne pas ressembler à Green Lantern peut être compté comme un chef d’œuvre ou un film « formidable ». The murderer et Mes meilleures amies semblent avoir été de cette catégorie-là.

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    The murderer (The yellow sea) de Hong-jin Na est un film fascinant malgré son dénouement gore. Cette histoire d’un joseonjok, immigré sinocoréen envoyé clandestinement en Corée du Sud par un truand local pour exécuter un homme, est une réussite dans ses deux premiers tiers. Tout part d’une contrée inhospitalière, d’un confin entre Corée du Nord, Russie et Chine, la préfecture chinoise autonome de Yanbian. A un taxi endetté dont la femme immigrée en Corée du Sud ne donne plus de nouvelles, un caïd local propose de partir à Séoul pour exécuter un homme d’affaires. N’ayant rien à perdre sauf l’occasion de gagner un peu d’argent et de revoir son épouse, il accepte. Mais le contrat ne se passe pas comme prévu et le pauvre immigré doit pour survivre devenir plus violent encore que les barons mafieux qui le poursuivent. The murderer, c’est du pur film noir où s’entrelacent misère et criminalité. Les hommes y sont réduits à l’état de chiens affamés qui se mordent. Hong-jin Na, qui a réalisé le palpitant The chaser (2009), est un filmeur habile et percutant. Il sait créer une atmosphère grisâtre, il sait accélérer le tempo, il sait mettre un peu d’humanité là où il faut. La recherche désespérée de l’épouse immigrée à Séoul contrebalance la violence des réglements de compte. La violence elle-même, quand elle ne sombre pas dans le gore grand guignol agit comme pure métaphore de l’instinct de survie qui anime l’homme traqué. L’instinct de survie se fait ici course effreinée, électrisante pour le spectateur, et trouve son apogée dans une intense séquence de poursuite sur le port de Busan. Hélas, le réalisateur n’a pas été avare d’hémoglobine. C’est d’ailleurs la grosse limite du film, cette violence carnale qui fait rire au début mais finit par saturer le film, l’étouffer à force de surenchères. Le sang poisse le scénario de la dernière partie et le film patauge dans l’hémoglobine. Les grosses giclées de sang me paraissent une concession commerciale plutôt malvenue à un public censé vouloir de la tripaille et des combats à la hachette. Plus de sécheresse et d’ellipses pour conclure auraient probablement fait de The murderer un chef d’œuvre du genre. Cela semble un défaut consubstantiel au cinéma commercial coréen : toujours en rajouter, choquer au maximum, atteindre le grotesque. The murderer est néanmoins un très bon film. Produit par la Fox, il ressemble pour Hong-jin Na à un marchepied idéal vers Hollywood. Espérons que les américains ne castreront pas le fringant sud-coréen et ne transformeront pas ses impitoyables films noirs en action movies ramollis du cerveau.

    Autre film, Mes meilleures amies (bridesmaids) de Paul Feig est décrit par le Monde comme « une extraordinaire réussite ». N’allons pas jusques là. C’est une production Judd Apatow donc un film bordé et assez prévisible, alternant avec habileté le grotesque et une face plus sensible. Je n’ai rien contre Apatow dont Step brothers (2008) et Superbad (2009) ont ravi nombre de mes soirées DVD. Seulement ces histoires d’adulescents qui n’en finissent pas de vouloir rester jeunes avant de vieillir deviennent lassantes. Ici, c’est Annie (la talentueuse Kirsten Wiig), qui à l’occasion du mariage de sa meilleure amie Lillian (Maya Rudolph), pète les plombs car Lillian lui a préféré une amie de fraîche date, agaçante à force d’être parfaite, Helen (Rose Byrne), pour l’organisation de sa noce. Le scénario se plaît à enfoncer Annie jusqu’à ce qu’elle se rende compte combien sa vie est lamentable et qu’elle décide de se reprendre en main. Il y a des scènes très réussies, notamment celle où les deux rivales se disputent le micro pour lancer les cérémonies de mariage. Malheureusement, Paul Feig a du mal à mettre du rythme dans sa comédie et certaines séquences sont étirées, que ce soit l’essayage de la robe de mariée ou le vol vers Vegas. La scatologie, déclinée au cours du fameux essayage, a de mon point de vue beaucoup de mal à se marier à l’univers féminin, en tout cas sous cette forme comico-gastrique. A ce titre, le personnage de Megan (Melissa Mc Carthy), geek au féminin qui incarne cette inclination du film vers le mauvais goût, m’a paru particulièrement lourd. C’est un personnage artificiel, trop caricatural pour être attachant. Que dire enfin de la morale du film si ce n’est qu’elle est convenue, bien qu’elle participe de l'originalité des productions Apatow. Après avoir provoqué des catastrophes, Annie retrouve l’amour, accepte enfin que sa meilleure amie se marie. Elle le fait toutefois sans renoncer à elle-même puisqu’elle reprend la pâtisserie, sa vocation abandonnée. Les productions Apatow déclinent toujours cette rentrée dans le rang, cette renonciation à l’adolescence qu’on opère en préservant le petit grain d’originalité qu’on a en soi. Ce qui en fait son charme fragile, c’est bien cette capacité à vouloir concilier chez ses héros originalité et conformisme. C’est d’ailleurs à se demander si ce genre de schéma narratif ne mériterait pas un jour de sortir du registre la comédie régressive, de creuser davantage ses personnages aussi, pour aller vers un registre plus doux amer, plus adulte, à la Woody Allen. On peut toujours rêver !

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    Si on peut se passer d’aller voir Mes meilleures amies, the Murderer mérite quant à lui une bonne séance de rattrapage, fâcherie ou pas avec sa moitié !

  • Une séparation, une classe contre l'autre

    Une séparation attaque immédiatement son sujet, par la tentative de divorce devant le juge d’un couple de la bourgeoisie iranienne. La caméra épouse le regard du magistrat sur Nader (Peyman Moaadi) et Simin (Leila Hatami), scrutateur et en léger surplomb. Elle souhaite partir à l’étranger avec leur fille Termeh (Sarina Farhadi), lui désire rester en Iran pour s’occuper de son père atteint de la maladie d’Alzheimer. Il désapprouve la volonté de séparation de son épouse. Le juge, autrement dit la société lui donne raison et ne voit pas matière à divorce, la femme resterait que les problèmes soulevés se dissiperaient. Ce regard tiers sur un drame familial est fondamental pour comprendre le cinéma d’Asghar Farhadi. Tout au long du film, le réalisateur donnera l’impression de planter sa caméra au milieu des disputes et d’attendre que ses acteurs, tous excellents, fassent jouer la colère et la frustration. Or, dans chaque scène, il y a comme un élément extérieur qui s’invite, un surmoi qui plane sur les motivations des personnages et les empêche d’agir librement. Surmoi religieux bien sûr, regard de l’autre, peur pour sa famille biaiseront constamment le rapport des personnages à la vérité et alimenteront la tension dramatique.

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  • La conquête de Xavier Durringer, entre guignols et vaudeville

    Autant la conquête de Xavier Durringer est un film amusant à voir, autant sa proposition de mise en scène est faible et son propos assez étriqué. Le film est résumable ainsi : c’est l’histoire d’un homme politique, Nicolas Sarkozy, qui, en conquérant la présidence de la République Française en 2007, perd sa femme. La conquête conjugue donc la chronique d’une ascension politique et une histoire de couple qui tourne au vinaigre. Sur les deux tableaux, le film n’est pas particulièrement percutant même s’il réussit à divertir.

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  • The Parallax view: l'oeil des assassins

    The Parallax view (A cause d’un assassinat - 1974) de Alan J. Pakula débute par l’assassinat du Sénateur Caroll. Une belle séquence, lumineuse et savamment étirée, qui voit la victime arriver sur un char de défilé, au milieu de majorettes. La mise en scène très cinéma du réel ressemble à celle de the Candidate (Votez McKay – 1972) de Michael Richie, dans la confusion et l’ambiance bonne enfant d’une campagne électorale, au milieu des supporters, des journalistes et des conseillers.

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  • Onibaba, au trou les samouraïs

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    Ce qui frappe dès les premières images d’Onibaba – les tueuses (1964) - de Kaneto Shindo, pépite cinématographique éditée en DVD par Wild Side, c’est la beauté de sa cinématographie. C’est une beauté de nature en mouvement, chaude, lumineuse et enveloppante. Dès l’ouverture du film, le décor sauvage des marais et la musique tonitruante se mêlent, s’enlacent, tourbillonnent autour d’humains qui se meuvent difficilement, sans dire un mot. Les roseaux de bambou crépitent, ondulent à la lumière du soleil, imprégnant toute image d’un lumineux éclat de vie. Onibaba est comme une estampe en mouvement, où chaque frémissement est capté par l’œil et l’oreille du spectateur. C’est également une beauté de contrastes créée par le directeur de la photographie, Kiyomi Kuroda, dont le blanc lumineux du jour et de la lune et le noir des intérieurs et des nocturnes rehaussent la cruauté et l’érotisme de l’histoire.

    La nature mouvante est l’intense manifestation de la vie en tant de guerre et de désolation. Nous sommes au XIVème siècle et le Japon se déchire dans des rivalités entre grands seigneurs. C’est un temps de malheur pour deux paysannes, une femme et sa belle-fille (Nobuko Otowa, Jitsuko Yoshimura) qui, pour survivre et ne pas crever de faim, assassinent les guerriers perdus dans les marais. Elles échangent ensuite chez un marchand leurs armes et armures contre des sacs de céréales. Les cadavres sont jetés dans un trou, bouche béante comme un anus caché par les roseaux, qui à tout instant peut absorber les vivants imprudents. Voici qu’arrive Hachi (Kei Sato) qui a survécu à la guerre. Il était avec le mari de la jeune femme qui, lui, a péri. Hachi a besoin d’une femme et la toute jeune veuve ne dit pas non. Elle le rejoint le soir, au grand dam de sa belle-mère. Car si la jeune femme persiste dans son désir et s’installe avec Hachi, la vieille perdra son gagne-pain et mourra de faim. L’arrivée d’un étrange samouraï au visage caché d’un masque de démon va lui permettre de troubler la parade amoureuse d’Hachi et de sa belle-fille. Comme dans tout beau conte populaire et moral, le masque de démon se retournera contre celle qui en abuse (n’en dévoilons pas plus).

    C’est parce qu’il figure une époque où toutes les valeurs sont inversées qu’Onibaba s’autorise une mise en scène si audacieuse et sans tabou des passions humaines. Nous sommes bien dans un temps de survie où toute croyance est devenue caduque. Japon ou pas, la guerre a bouleversé les hiérarchies sociales. Au trou les seigneurs, les samouraïs et leur soi-disant code d’honneur ! On ne sait pas pourquoi il y a la guerre, pourquoi ils se battent. On se fiche de Bouddha et des démons. On survit. Les humains sont réduits à leurs appétits et toute occasion de les satisfaire est bonne à saisir. La nudité des deux héroïnes est montrée sans pudeur et la lumière zébrant l’intérieur de leur cabane magnifie la chair jeune tandis qu’elle rend plus crue celle de la vieille femme. De même, si elle s’avère répétitive, l’évocation des courses nocturnes de l’amante a quelque chose d’irrésistiblement troublant. Elle court éperdument dans les roseaux, sur un fond sonore de roucoulements, amusante façon de mettre en scène un désir exacerbé par les frustrations. Le jeu des trois acteurs principaux, très expressionniste, s’accorde à cette atmosphère mêlant érotisme et violence. Avec ses regards lubriques et ses roulements de langue, Kei Sato (Hachi) joue parfaitement le mâle en rut face à Jitsuko Yoshimura dont le visage poupin a du mal à dissimuler les troubles qui la tiraillent. Mais c’est probablement le jeu de Nobuko Otowa qui s’intègre le mieux à l’ambiance de ce film déroutant. L’actrice compose une vieille femme désespérée, au comble de la frustration sexuelle et dans les dernières séquences du film, au comble de la terreur.

    Avec sa peinture cruelle d’un monde bouleversé et son utilisation très libre de la nudité, Onibaba est bien de son époque, les années 60, mais il est intemporel comme le sont les contes. Il rappelle un autre film contemporain, autre merveille du cinéma nippon, la femme des dunes d’Hiroshi Teshigahara. Encore une histoire troublante, dans la quelle un homme se promenant dans un désert de dunes se retrouve piégé dans un trou en compagnie d’une femme et finit par nouer avec elle une relation d’amour et de domination. Cette capacité du cinéma japonais à tisser d’étranges motifs d’érotisme et de violence pour raconter d’une façon délicieusement paroxystique des histoires universelles me fascinera toujours.