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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 48

  • Timbuktu (Abderrahmane Sissako)

    Timbuktu d'Abderrahmane Sissako est l’histoire d’une rencontre entre une ville historique de l’Islam (Tombouctou) et une mouvance fanatique de cette religion, le djihadisme. C’est un film que je craignais manichéen mais qui s’avère d’une douceur et d’une beauté peu communes pour un sujet aussi brûlant.

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  • Wadjda

    Wadjda (2012), film saoudien de Haifaa al-Mansour. Vu un soir en VOD. Une rareté qu’un film produit et réalisé dans ce pays où les salles de cinéma sont interdites. Une rareté qu’un regard sur cette société emprisonnée dans sa pratique rigoriste de l’Islam. Néanmoins, le film vaut plus qu’un objet de curiosité. Il est simple et émouvant. Wadjda (Wadjda Mohammed), 12 ans, rêve d’avoir un vélo comme Abdallah et comme les garçons qu’elle croise dans la rue. Mais elle n’a pas assez d’argent pour s’en acheter un et on lui déconseille d’en faire : quand on est une fille, on ne monte pas à vélo, c’est indigne.

    Dépendance et subordination

    Les interdictions prescrites aux jeunes filles les préparent à la dépendance et à la subordination. Chaque matin, la mère de Wadjda est obligée pour aller au travail de prendre une navette conduite par un homme. Elle est soumise au bon vouloir d’un chauffeur immigré, lui-même subalterne dans la société, ce qui est vécu comme une humiliation quotidienne. Mais le rabaissement de la femme se double aussi d’un cloisonnement organisé. Wadjda peut encore se promener dans la rue toute seule et visage découvert. Mais sa mère et toutes les femmes en général doivent rester à l’abri des regards masculins. Tout est organisé par les femmes elles-mêmes pour que leur corps, tête ou mains comprises ne soient visibles par les hommes. Leur cloisonnement est minutieusement réglé, elles n’existent en tant que personnes de chair, avec un visage, qu’à l’intérieur du foyer familial. La séparation entre hommes et femmes apparaît comme un principe social structurant en Arabie Saoudite, fort et intériorisé. C’est le rôle de l’institution scolaire que de transmettre la séparation et la bonne morale aux filles. Mais l’histoire de la récitation coranique dans laquelle s’engage Wadjda révèle la vanité de cette entreprise de perfectionnement moral des filles. Elles auront beau être exemplaires, elles n’obtiendront rien. C’est un moyen de les soumettre.

    On remarquera que même à l’intérieur du foyer l’homme semble toujours lointain et séparé. On retrouve le père de Wadjda au détour d’une scène, derrière une porte mais jamais là, qui exerce un pouvoir à la fois diffus et omniprésent. L’homme est un privilégié qui a le droit au mouvement (la voiture, le vélo, l’extérieur), à la politique (le meeting électoral), à l’arbre généalogique et au choix polygame ! Placées dans une situation de soumission, les femmes ne peuvent orienter leur vie qu’en fonction de l’homme. Essayer de ne pas lui déplaire, d’être dans ses bonnes grâces, sans espoir d’un choix autonome. C’est le destin de la mère de Wadjda qui y semble résignée.

    A partir du système

    Il n’y a aucun éclat ni violence dans Wadjda ; le ton feutré a sans doute permis qu’il existe et puisse être promu en dehors du royaume. Parlant à partir du système, le film ne peut l'attaquer frontalement. Le scénario utilise donc Wadjda pour montrer qu’une fille fait aussi bien qu’un homme.  Tout est dit de manière douce, subtile, comme pour murmurer aux hommes saoudiens ce qu’ils savent très bien mais qu’ils ont peur d’entendre. La jeune fille se montre suffisamment maligne et obstinée pour rassembler l’argent nécessaire à acheter son vélo.

     

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    Triste tableau de la condition féminine mais espoir incarné par Wadjda. Tout au long du film, on se dit que cette société ne mérite pas une jeune fille comme elle. Seul sans doute Abdallah qui est amoureux d’elle le comprend et plus tard, en tant qu’homme pourra changer les choses. Peut-être le film sonne-t-il un peu résigné mais peut-il invoquer autre chose que l’espoir dans les générations futures?

  • Four lions: nous sommes quatre crétins !

    Que voilà un film bien insolite et actuel, qui est sorti sans trop de fracas en 2010. Les quatre lions du titre sont quatre apprentis djihadistes : Omar, Faisal, Waj, Barry rejoints par Hassan, qui ratent tout ce qu’ils entreprennent. Réalisé par l’anglais Christopher Morris, ce film est une comédie, oui une comédie sur des apprentis terroristes. A l’heure de l’EI et des meurtres sanglants diffusés sur l’internet, on a d’abord du mal à accepter ce postulat mais Four lions a suffisamment d’arguments pour convaincre le spectateur.

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  • les combattants: survivre mais à quoi?

     

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    Si je dis que Les combattants, premier film de Thomas Cailley, traite de la jeunesse, on va me lire d’un air un peu las. Que va-t-on encore nous sortir ? Un film naturaliste sur la difficulté du jeune à intégrer le monde du travail ? Un drame sur la jeunesse perdue des quartiers pavillonnaires, entre vacuité, sexe et violence ? Une passion violente sur fond de quête d’identité sexuelle, façon La vie d’Adèle ? Dans l’absolu, tous ces sujets sont légitimes. Simplement, on a envie aussi d’un peu de légèreté et d’originalité et Les combattants y parvient par une aptitude à développer ses personnages sans esprit de sérieux.

    Les épreuves, le rite de passage

    On est sur une côte ensoleillée de l’Ouest de la France. Arnaud (Kevin Azaïs) est un jeune charpentier un peu mou qui au cours d’une tournée de recrutement de l’Armée rencontre Madeleine (Adèle Haenel), une bourgeoise garçon manqué qui se prépare à la survie en milieu hostile. Une relation indéfinissable se noue entre eux pendant un stage commando parachutiste. La relation est d’autant plus floue qu’elle passe par une inversion des rôles : il est aussi doux et indécis qu’elle est brutale et fonceuse. Le jeu physique d’Adèle Haenel est impressionnant. Elle a le verbe sec, un regard à vous envoyer des mandales. En même temps, on devine l’effort qu’elle met à ne pas être prise en défaut, la petite fissure dans l’armure. Que réclame-t-elle pour elle-même et pour sa génération ? Les épreuves, le rite de passage, tout ce qui semble manquer à la jeunesse d’aujourd’hui, engourdie par le chômage et le confort matériel. Dans ce contexte, l’Armée propose ce qui manque le plus aux jeunes : l’aventure, le combat physique, la nature. Sauf que le portrait qui en est fait invalide la transformation du film en initiation guerrière forgeant le caractère et la fraternité.

    Démerde-toi !

    Pris au premier degré, le passage à l’Armée ressemble à une moquerie facile de cette institution - souvent caricaturale. Pourtant, que Madeleine se plaigne du confort des lits ou des repas copieux (steak frites flanby), elle déplore avant tout le dévoiement de l’Armée, sa conversion en une entreprise comme une autre. L’Armée n’est-elle pas le premier recruteur aujourd’hui en France ? Non elle est le deuxième derrière McDonald’s, fait-on remarquer. Convertie au marketing pour rameuter des jeunes, elle ne se distingue pas fondamentalement du roi du fast-food. Dispensant des conseils absurdes ou faisant semblant de transmettre des valeurs, les militaires du film ne sont pas plus intéressants que des formateurs d’entreprise ou que les adultes en général. Il n’y a pas grand-chose à attendre des générations d’avant, qui semblent dire, même quand elles prodiguent des conseils : « démerde-toi ! ». Madeleine l’a mieux compris qu’Arnaud : elle se prépare à survivre tout court, elle ne sait pas à quoi exactement. La société n’attend rien d’elle, elle doit faire avec. Dans cette optique, apprendre la survie est plus intéressant que poursuivre des études de modélisation économique ou que de construire des cabanes à jardin.

    Définition de l’Amour

    Arnaud et Madeleine quittent le stage commando pour organiser leur propre aventure. En une brusque cassure narrative, le film opère son dernier mouvement : une sorte de Deliverance en forêt landaise où nos deux héros peuvent s’aimer et apprendre la vie par eux-mêmes. On sait depuis le début qu’il va se passer quelque chose entre eux. Après tout, ils ont débuté par un corps à corps, perdu par Arnaud. S’il suit Madeleine, n’est-ce pas pour recréer les conditions d’un contact physique avec elle ? Par son écriture, le film arrive à faire perdurer cette tension entre les deux personnages. Certes, Madeleine ne ménage pas Arnaud mais si elle ne le supportait pas, elle lui aurait sûrement mis un coup de boule ! Dépouillé de son ton moqueur, le film vacille et se cherche quelques minutes mais ne se casse pas la figure. Une définition de l’amour se fait jour au milieu de la nature : prendre un chemin de sortie, se débarrasser des tutelles idiotes, affronter des épreuves ensemble, en tirer ses propres conclusions. L’important ici est de trouver un sens à soi, de s’approprier ce qui vous échappe. Le dialogue final sur les causes de l’incendie de forêt en est la traduction : peu importe que l’explication d’Arnaud soit risible (« des incendies éclatent soudain comme ça, quand la forêt s’est développée au maximum »), l’important y compris aux yeux de son frère est qu’il se soit forgé ses propres convictions. Autrement dit, le combattant est passé du statut de con à celui de battant.

  • Under the skin, entre Lynch et la mutante

    Un film qui s’appelle Under the skin (Sous la peau) devait forcément toucher aux sens du spectateur. C’est en effet ce qu’a réalisé Jonathan Glazer : un film d’atmosphère, de sensations,  de paysages où tout passe par l’œil pour irriguer les nerfs du spectateur et pour lui procurer des visions.

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  • Ma vidéothèque idéale: Fat city, ode aux perdants

    S’il fallait citer un hommage cinématographique aux perdants, ce serait Fat city (1972) de John Huston. Encore un film de cette époque qui parle de petits, de paumés et qui le fait très bien. Un film d’autant plus touchant à voir que c’est un film de boxe. Le film de boxe, c’est souvent l’histoire d’une ascension, from rags to riches, comme disent les américains. Tel Rocky Balboa ou Miky Ward (the fighter), ils n’ont rien ou plutôt ils ont tout contre eux : le sort qui s’acharne, la pauvreté, les mauvaises fréquentations etc. Mais à la fin il y a l’ultime combat, le triomphe, débouchant sur le rêve américain : amour, richesse, gloire. De fait, les films de boxe racontent toujours des victoires sur la fatalité.

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