Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

liberace

  • Ma vie avec la bataille de Blue Jasmine

    Deux comédies dramatiques m’ont fait retrouver de l’enthousiasme en ce beau mois de septembre 2013 : Ma vie avec Liberace et La bataille de Solferino. Une troisième m’a franchement déçu : Blue Jasmine de Woody Allen, qui bénéficie d’un enthousiasme de la presse assez étrange.

    liberace.jpg

     

    Ma vie avec Liberace de Soderbergh est un film assez trompeur. Nous sommes en 1977. Un peu du I feel love de Donna Summer résonne dans un bar gay et nous présageons d’un biopic flamboyant et hédoniste. Le personnage réel dont il est question, Liberace, est une star américaine qui n’a pas son équivalent ici. C’était un pianiste qui adaptait la musique classique au kitsch de Las Vegas. C’était une idole pour vieilles dames. Et un homosexuel qui n’assumait pas ses penchants, faisant condamner les journalistes indiscrets. Passé donc la très belle scène où Scott (Matt Damon) découvre Liberace (Michael Douglas) sur scène, toute la dramaturgie est repoussée en coulisses. Ce qu’on voit dans le privé ne peut être montré en public. La flamboyance et le rêve incarnés dans le show se dérobent très vite au profit d’une histoire beaucoup moins glamour, celle d’une idylle entre l’artiste et de son jeune amant, pleine de cruauté et de désespoir. Ma vie avec Liberace est un film trompeur car pour un biopic sur un homme de music hall, c’est un film dénué de spectacle et d’ampleur romanesque. Le scénario est linéaire, il serait même plat s’il ne racontait sur un ton très léger de véritables horreurs, le tout dans un décor comique à force d’être kitsch. Adepte du bistouri pour effacer des rides qui lui rappellent son père, Liberace oblige son amant à se faire le même visage que lui. Soulagé, Liberace parle de liberté à la sortie de l’enterrement de sa mère. L’artiste est dépeint comme un manipulateur qui n’offre rien qu’il ne reprenne quand il en a envie. Superbement joué par Michael Douglas, il offre le portrait d’un homme égoïste, dénué d’amour pour autrui. Peut-il en être autrement d’une folle qui ne s’accepte pas ? La haine de soi et la frénésie narcissique de plaisirs irriguent ce personnage qu’on ne peut pas tout à fait détester. Face à Douglas, Matt Damon livre une prestation supérieure à celle de son partenaire car plus subtile. Lui doit incarner toutes les facettes de l’amour et pour cela accepter toutes les métamorphoses. Il est tour à tour tendre plouc en quête d’amour, éphèbe énamouré et défiguré, amant délaissé et junkie, homme en reconstruction pendant les années sida. Le film a quelques longueurs mais il faut saluer la puissance d’incarnation de ses deux comédiens. Avec Liberace, Soderbergh a réussi le même pari qu’avec le Che : nous vendre comme un film à spectacle un film intimiste où tout est niché dans les détails.

    La bataille de Solferino de Justine Triet est une bien belle surprise. L’esprit du film est empreint d’humour et d’une fraîcheur de ton vivifiante. Le jour de l’élection de François Hollande, Vincent (Vincent Macaigne) tente de voir ses deux petites filles que son ex-compagne, Laetitia (Laetitia Dosch), reporter i-Télé envoyée rue de Solferino, a laissé à un baby-sitter largué. Effrayée par les accès de violence de Vincent, Laetitia demande au baby-sitter d’emmener les enfants rue de Solferino, afin de les protéger de Vincent. Vincent les rejoint, angoissé par la foule qui gonfle dans l’attente des résultats et la tension enfle. Laetitia interviewe les militants des deux camps, chauffés à blanc par la campagne électorale. La petite histoire rejoint la grande Histoire. Dans le cadre réel et bien vivant de la rue de Solferino, la réalisatrice a eu la bonne idée de mettre en scène une double bataille entre deux camps qui ne peuvent plus se parler. La métaphore des ex séparés qui sont comme deux camps politiques irréconciliables fonctionne très bien mais le film donne plus que ça. Entre les deux confrontations, c’est la moins artificielle qui nous émeut. Qu’est-ce qu’une élection présidentielle sinon un moment médiatique artificiel, gonflé de son importance ? Qu’est-ce que ça vaut à côté du déchirement d’un couple autour des enfants ? Pendant que les militants des deux camps alignent les énormités et singent, pour ceux du PS, une euphorie qu’on trouvera ridicule a posteriori, un homme et une femme tentent de protéger leurs enfants, de rester des parents et de communiquer. On ne saura pas si les scènes sont intégralement écrites ou si la réalisatrice a laissé un cadre très libre et propice à l’improvisation. On découvre un film qui respire la spontanéité, le vivant, l’humain, la drôlerie. On a parlé de film foutraque dans la presse. Caricature ! La bataille de Solferino laisse simplement les comédiens jouer pleinement ce truc bancal qu’on appelle la vie. On s’effraye des disputes entre Laetitia et Vincent puis on rit à voir ce dernier déambuler avec son « avocat », Arthur, un pote qui veut rendre service. Quand Laetitia reproche à son compagnon d’être un artiste raté pendant qu’elle, journaliste TV, fait un métier utile parce qu’elle prescrit l’opinion des gens, on voit où penche la réalisatrice, du côté de Vincent, pour le spontané, contre le formaté. Pendant que certains prétendent « changer la vie », d’autres se battent pour ne pas la subir complètement. Echoués dans un restaurant chinois, Vincent et Arthur peuvent vider quelques verres tout en se vannant, les élections sont déjà loin. 

    la-bataille-de-solferino,M124998.jpg

     

    La surprise et la spontanéité trouvées dans La bataille de Solferino sont absentes de Blue Jasmine, la nouvelle livraison annuelle de Woody Allen, la vache sacrée de la critique française. Je vais d’abord répéter ce que tout le monde sait : Cate Blanchett est une excellente actrice. Son interprétation angoissée de Jasmine French, femme née pour vivre riche, le démontre. Elle joue brillamment une Zelda Fitzgerald au temps de la finance débridée. Hélas, le scénario de Blue Jasmine est d’une construction très manichéenne, lestée de clichés balourds. Après avoir été mariée avec un simili-Madoff qui s’est suicidé, Jasmine French, part de New York pour retrouver à San Francisco sa sœur, Ginger (Sally Hawkins), adoptée comme elle, une prolétaire un peu idiote qui ne s’entiche que de « losers ». Tandis que Ginger sort avec des prolétaires, Jasmine, après avoir repoussé les minables qui ne lui plaisent pas, rencontre un homme riche promis à une brillante carrière politique. Elle va vraisemblablement retrouver la vie upperclass et douillette qui lui plaît tant. Dans ce scénario qui tourne en rond, les personnages n’évoluent pas d’un iota, comme si leur existence était déterminée par les gènes de la richesse ou de la pauvreté. Allen s’oblige parfois, pour sortir de cet enfermement et prendre un peu de hauteur morale, à quelques coups de théâtre peu inspirés. Il ressort de ce film deux portraits de femmes peu attachantes. Le spectateur est comme cette vieille dame que Jasmine colle tout au long de son New York – San Franscisco, il se demande, amusé et agacé à la fois, comment en finir avec cette bavarde égocentrique. Pour son retour en Amérique après l’Europe, on ne comprend pas bien ce que Woody Allen veut nous dire de son pays et s’il veut nous dire quoi que ce soit. Il renvoie dos à dos riches et pauvres, hommes et femmes, Côte Est et Côte Ouest, dans un film misanthrope, tantôt agréable, tantôt ennuyeux.