Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

It comes at night (Shults)

Mais qu’est-ce qui « comes at night » ? Des monstres ? Des zombies ? Des sorcières ? Rien de tout cela. C’est sans doute pour cela qu’It comes at night recueille autant de mauvaises critiques. Cette petite série B efficace et oppressante n’est pas un film d’horreur mais un huis-clos dominé par la paranoïa. Dans ce faux film de genre donc, le terrifiant survient davantage de l’intérieur que de l’extérieur. Ce qui vient la nuit, ce sont surtout les cauchemars, les angoisses, la peur.

Nous sommes dans un monde post-apocalyptique, dévasté par une pandémie. Paul (Joel Edgerton) vit en autarcie avec Sarah (Carmen Ejogo) et son fils Travis (Kelvin Harrison Jr) dans une grande demeure isolée au milieu de la forêt. L’extérieur est hostile et pour s’en protéger, tous les accès ont été condamnés sauf une porte rouge fermée la nuit. Les contacts doivent être minimaux pour éviter une contamination synonyme de mort certaine. Arrive Will (Christopher Abbott), un homme qui cherche des provisions pour sa femme Kim (Riley Keough) et son jeune fils Andrew. Paul accepte de les accueillir dans sa maison. Les deux familles cohabitent pacifiquement bien qu’un sentiment de menace reste latent. Comment faire confiance à des étrangers qui tôt ou tard peuvent se retourner contre vous ?

Le triomphe de la mort

Sur la forme, le film de Trey Edward Shults revêt tous les habits de la fiction terrifiante. Les cadres sont serrés et étouffants. Les scènes nocturnes filmées à la lumière naturelle sont pesantes. L’angoisse des personnages est exacerbée par la musique et par des visions de cauchemar ou d’enfer. Quand Travis avance vers la porte rouge sont insérées des gros plans du tableau le Triomphe de la mort de Pierre Bruegel qui décore le couloir. Ce tableau très proche esthétiquement de ceux de Bosch figure une humanité dévastée par les tueries, hantée par la grande Peste et les catastrophes, condamnée de fait à la mort. Surtout, le réalisateur s’applique à préserver le mystère de ce que voient ses personnages. Le spectateur capte à peine ou dans un flash ce qu’ils aperçoivent. Il n’est pas tant question de faire sursauter que de partager l’état mental de ces isolés. It comes at night se regarde comme une métaphore d’angoisses très présentes dans la fiction (et la psyché ?) américaine : sentiment de damnation et de catastrophe méritée, désir d’isolement, obsession de la violence pour s’en sortir. Le noyau des survivants est constitué d’un blanc, d’une noire et de son fils, sorte de micro échantillon de l’Amérique. Le monde d’après la catastrophe est celui anticipé par les survivalistes. Dès lors qu’ils se sont préparés à leur survie, tout individu extérieur devient une menace car les ressources (eau, nourriture) sont rares. Il est intéressant de constater qu’au premier incident entre les deux familles qui avaient pourtant retrouvé un semblant de bonheur, la première recommandation de Paul est de se séparer quelques temps plutôt que de coopérer. Il le dit: mieux vaut garder ses distances avec ceux qui ne sont pas de la famille. Paul craint l’arrivée de la maladie mais tout humain, même sain, demeure une menace. Métaphore des USA au temps de Trump ? Il n’est pas innocent qu’un tel film arrive aujourd’hui où c’est America first, d’abord sa famille, sa communauté, son pays. Le monde extérieur, menaçant, doit être tenu à distance.

En utilisant les codes esthétiques du film d’horreur, Shults a produit un film sec et intense. Pas une révolution mais un instantané moderne de peurs archaïques, l’équivalent cinématographique de ce Triomphe de la mort évoqué plus haut. En écoutant uniquement sa peur et en se réfugiant dans la violence, l’homme se condamne à une mort accélérée.

Les commentaires sont fermés.