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Loving (Jeff Nichols)

Loving de Jeff Nichols est un film d’une très belle facture classique. Sa photographie lumineuse magnifie les paysages de Caroline du Nord tout en captant de manière naturaliste un monde rural et populaire en mutation. Son enjeu est simple : Richard (Joel Edgerton) et Mildred (Ruth Negga) vont-ils pouvoir vivre ensemble alors que leur union mixte contrevient aux lois locales contre le métissage ? Le juge de la ville interdit leur cohabitation dans l’Etat de Caroline mais ils peuvent le quitter. Pour fonder leur foyer là où ils sont nés, leur cas sera porté jusqu’à la Cour Suprême des Etats-Unis.

Classique et audacieux

Construit chronologiquement, Loving est classique dans sa structure mais il est audacieux dans ses choix scénaristiques. Dès son entame, il nous montre des images de noirs et de blancs qui se côtoient et sympathisent. Le racisme reste présent dans les regards mais plutôt que de reproduire les images habituelles de ségrégation et de lynchages, Nichols représente une forme d’Eden rural où l’amour et l’humanité peuvent l’emporter sur le rejet. Richard et Mildred composent un couple aimant, démontrant avec bon sens que leur union ne fait de mal à personne. A contrario, les lois défendues par les notables (le juge, le policier) portent atteinte au bon équilibre du monde. Des constructions juridiques absurdes contrecarrent le bonheur des gens. Elles sont d’autant plus injustes qu’elles s’appuient sur un mépris de classe virulent. Le policier feint de pardonner Richard qui ne peut connaître les lois : et pour cause, il vient d’un quartier où les gens sont pauvres, mélangés (sous-entendu : dégénérés). La vision rousseauiste des Loving perdure dans tout le film. Le couple Richard-Mildred est un foyer de bonté que la société des hommes s’échine à défaire. Le combat juridique pour les droits civils les dépasse. Le scénario de Nichols laisse cette lutte dans les coulisses, il n’en fait pas le fil principal de son film. Nous savons que ce combat va être remporté mais à travers les yeux de Richard surtout, tout cela existe dans un autre monde que le sien. Ce sont des choses compliquées qui comptent certes mais pas autant que l’amour qu’il porte à son épouse.

Le monde change

Surprise : Loving n’appartient pas au registre dénonciateur du film dossier. Je me souviens de Mississipi Burning d’Alan Parker, film efficace qui postulait une lutte manichéenne entre racistes et progressistes. A travers les arrestations et les jugements de Richard et de Mildred, le film de Nichols met en scène l’injustice et donne une voix aux racistes, ce juge et ce policier qui défendent la séparation absolue entre les races. Mais petit-à-petit, ces personnages d’un ancien monde disparaissent. Le juge est résumé à une lettre ridicule comparant blancs et noirs à des espèces d’oiseaux. Le policier demeure une menace mais il est effacé de la deuxième partie du film. Richard se demande qui parmi ses collègues lui en veut. Peut-être disparaissent-ils parce que le monde change. Il n’est de toute façon pas nécessaire d’incarner le racisme car il s’est ancré dans l’esprit des gens. La loi ségrégationniste surplombe les individus qui savent tous que le mariage interracial est prohibé. La mère de Richard le lui dit : elle aime bien Mildred mais elle lui avait dit de ne pas se marier. Richard et Mildred ont de toute façon décidé qu’ils vivraient comme ils le veulent, malgré tout.

Nichols substitue à un film édifiant contre la ségrégation la lutte intime d’une famille pour se protéger. Le couple est uni mais il est cerné de dangers. Se réfugier en ville, hors de Caroline, c’est échapper à une loi infâme mais c’est aussi mettre son couple à l’épreuve. Élever ses enfants dans un environnement hostile, devoir vivre dans un appartement sans espace, s’éloigner des siens… Tous les facteurs sont là pour faire éclater le couple. A la campagne, chez eux, ils sont plus heureux mais suspendus à une arrestation - cf. cette scène où Richard prend peur en voyant une voiture arriver chez eux à toute vitesse.  Le quotidien est fait de menaces constantes à parer.

Jusqu’au bout le réalisateur de Take Shelter et de Mud nous montrera une famille ployant mais restant soudée. Loving est un très beau film, pudique et touchant, confirmant la richesse de l’œuvre de Jeff Nichols.

Sortie DVD 20/06/2017

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