Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Black panther (Ryan Coogler)

Je dois à la franchise Marvel l’un de mes pires moments de cinéma récent. On y va pour faire plaisir à quelqu’un, ne pas toujours imposer ses (bons) goûts et on s’en mord les doigts. Age of Ultron, mon dieu ! Un gloubiboulga ultra-numérisé, saturé de dialogues abscons, une véritable horreur qui m’a vacciné pour longtemps contre les films de super-héros. A côté, l’affreuse série des Transformers, c’est fin comme du Claude Sautet ! A chaque fois que passe un Iron man ou un Thor à la TV, c’est devenu un réflexe pavlovien, je zappe. Pas facile, surtout quand un petit garçon rôde, avide de ce genre de films… à huit ans, j’avais bien adoré Rocky IV, ça peut s’arranger avec les années !

Black panther sur ce blog, après ce que je viens de dire (Marvel, le numérique etc.), il faut assumer. Après tout, le plaisir de cinéma peut passer par ce type de film, d’autant que celui de Ryan Coogler, réalisateur de Creed, n’est pas dénué de fond. De nombreux articles soulignent son contenu politique et la révolution qu’il opère dans les représentations mythologiques. Inutile de pouffer : ce film est un divertissement classique et efficace et oui il est rempli d’éléments intéressants sur les plans politiques et culturels.

 

Après la mort de son père, T’Challa (Chadwick Boseman) devient monarque du royaume africain du Wakanda. Il endosse alors le costume de Black Panther, super héros protecteur de son pays. Le Wakanda est pour le continent exceptionnellement riche grâce à un minerai, le vibranium, tiré d’une météorite. Le vibranium produit une avance technologique considérable, au service des populations locales et de la paix. A dessein c’est un trésor dissimulé à la cupidité des puissances extérieures. Mais cette richesse trop bien cachée attire la convoitise du trafiquant Klaue (Andy Serkis) et de Killmonger (Michael B. Jordan), un tueur afro-américain aux origines mystérieuses. Dans la lutte qui va opposer Black Panther à Killmonger pour contrôler le Wakanda s’affronteront deux visions du monde. T’Challa veut préserver son pays de toute volonté de conquête extérieure mais utiliser sa richesse pour aider les plus pauvres. Killmonger veut employer le minerai à des fins guerrières, afin de venger les populations noires de l’esclavage et de l’impérialisme blanc et conquérir la planète ! Amusant dilemme politique entre soft power isolationniste (Wakanda first mais gentil hein !) et impérialisme revanchard à la Bush Jr (Killmonger a combattu et tué en Afghanistan). T’Challa ou le héros obamo-trumpien, comme quoi un Marvel peut produire du grand écart politique amusant.

Deux black panthers

Entre T’Challa et Killmonger, c’est le combat éternel et mythique entre frères ennemis : littéralement entre deux black panthers ! L’un super-héros africain fier de ses racines, l’autre héritier des black panthers, partisans de la lutte armée dans les années 60-70. Le film étant un blockbuster, c’est évidemment le héros « positif » qui l’emporte sur le héros trop radical. Mais comme le film cherche constamment son point d’équilibre entre bienveillance et revendication politique, Killmonger n’est pas décrit comme le super-méchant sadique qu’il aurait pu être. On assiste à un duel shakespearien bien mené, lutte fratricide entre les deux faces d’un même désir de libération. Le combat de ce film original est culturel : imposer le héros africain dans un panthéon essentiellement occidental. Ça n’a rien de stupide quand on a pris l’habitude de ne voir l’Afrique qu’à travers ses malheurs. Les africains : que des victimes ! Le cinéma américain a produit un nombre non négligeable de films compatissants et paternalistes, où le bon héros yankee vient les sauver de leurs malheurs. Citons le pas désagréable Blood diamond (Zwick – avec Di Caprio) ou le très embarrassant Les larmes du soleil (Fuqua – avec Bruce Willis).

Afrofuturisme et traditions

Black Panther est un divertissement à suspense qui ne manque pas de scènes d’actions, comme cette fracassante poursuite en voiture dans Busan. Les marvelophiles diront sans doute qu’il y a mieux ailleurs mais ce n’est pas l’essentiel. Outre sa pertinence politique, le film montre une profusion esthétique impressionnante. A de nombreuses références aux traditions africaines (rites royaux, culte des ancêtres, tribalisme), il associe une imagerie moderne, technologique, en un mélange dit « afrofuturisme ». Le concept est expliqué ici mais il suffit de voir quelques pochettes de disques de musique noire, comme ci-dessous, pour comprendre de quoi il s’agit.

afro1.jpg

Le Wakanda allie la modernité aux nombreuses cultures traditionnelles du continent africain. Les décors et les costumes englobent des aires culturelles très diverses. Dans ce micro-empire voisinent des peuples aux apparences kenyanes, sud-africaines, ghanéennes, maliennes etc. Une personne bien informée m’a dit que la bande-son composée par Ludwig Göransson incluait du haal pulaar (peul) chanté par le sénégalais Baaba Maal. Nourri d’un brassage esthétique aussi large et éclatant, ce film m’a fait apprécier, pour une fois, la 3D.

On pourra regretter un scénario un poil trop sage pour aller puiser dans l’esprit insolent et contestataire de la blaxploitation. Un cameo de Snoop Dogg par exemple aurait rendu le produit plus coquin. Mais on ne peut pas tout avoir ! Profusion esthétique, profusion d’acteurs et d'actrices qu’on a plaisir à voir (Forest Whitaker, Lupita Nyong’o ou Daniel Kaluuya de Get out !), le phénomène culturel Black panther a beaucoup à offrir.

Les commentaires sont fermés.