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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 44

  • Les huit salopards: quelque chose continue d'accrocher...

    Le chasseur de prime John Ruth (Kurt Russell) escorte Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh) jusqu’à Red Rock où elle doit se faire pendre. Sur le chemin, ils prennent dans leur diligence un autre chasseur de primes, Major Marquis Warren (Samuel Jackson) puis le futur de shérif de Red Rock, Chris Mannix (Walton Goggins). Le blizzard les obligent à faire escale dans une auberge, « la mercerie de Minnie » (Minnie's Haberdashery) où ils rencontrent quatre autres hommes aux intentions louches : Mobray (Tim Roth), le général Smithers (Bruce Dern), Bob (Demian Bichir) et Joe Gage (Michael Madsen). Ont-ils quelque chose à voir avec Daisy ? Pourquoi les tenanciers de la mercerie de Minnie sont-ils absents ?

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  • L'étreinte du serpent

    Un indien se dresse fièrement au bord d’un fleuve. Les miroitements de l’eau composent un tableau vibrant autour de cet homme au corps nu et musclé, que magnifie la photographie en noir et blanc. Nous sommes au début du vingtième siècle, dans la jungle colombienne, nature mystérieuse bruissant de mille rumeurs. A trente ans d’intervalles, le chaman Karamakate (Nilbio Torres / Antonio Bolivar), unique survivant d’une tribu massacrée, accepte de conduire deux scientifiques, l’allemand Theodor Koch-Grunberg (Jan Bijvoet) et l’américain Richard Evans Schultes (Brionne Davis), vers une plante sacrée, la yakruna.

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  • Le fils de Saul

    Lazlo Nemes, Le fils de Saul

    Le premier plan est flou. Des hommes creusent un trou. Il y a une rumeur qui s’amplifie et des gens courent. Saul entre précipitamment dans l’image et n’en sortira plus. Le film nous jette brutalement dans l’enfer d’Auschwitz-Birkenau en nous collant à la peau de Saul Auslander, un juif hongrois faisant partie des sonderkommandos, groupe d’hommes valides qui mènent les déportés aux chambres à gaz puis se débarrassent des cadavres. La première impression qui m’a saisi est la sensation de voir en Saul, avec sa démarche raide et mécanique, son teint terreux, un personnage de jeu vidéo, comme guidé par une manette (celle du réalisateur), allant à gauche, à droite, un peu partout. Impression très étrange de suivre un corps mais à peine un homme tant Saul balloté est réduit à peu de paroles, à peu d’affects, renforcé en cela par le jeu impénétrable de Gheza Rohrig.

    Flux de circulations chaotiques

    Le fils de Saul se distingue du tout-venant par sa mise en scène fluide, élaborée à coups de steadicam. Les corps qu’on devine ou aperçoit furtivement sont des « pièces », des « paquets » qui circulent, triés et entreposés comme des marchandises. S’il est une chose que Lazlo Nemes a réussi à nous faire voir par son travail, c’est la réification des humains dans l’univers concentrationnaire. Le film se joue comme un mouvement, un flux ininterrompu de circulations chaotiques. C’est un maelstrom – définition commune : un puissant tourbillon – qui emporte les corps hors champ et le corps de Saul qui est balloté d’une tache à l’autre. L’effet d’emportement est décuplé par le travail sur le son, fait de strates cauchemardesques empilant les cris des gardes nazis, ceux des kapos, les gémissements des victimes, les bruits de la machine de mort (grondements, pistons), les coups de feu. L’effet est saisissant car les cris des bourreaux sont permanents tout en jouant le rôle de décharges électriques qui font mouvoir les corps brusquement. Les procédés du réalisateur aboutissent à un effet voulu d’oppression et de chaos. En cela, le film semble assez juste sur ce qu’est un camp d’extermination : certainement pas un lieu ordonné où la mort est opérée glacialement et rationnellement mais un lieu chaotique où l’arbitraire est roi. Saul est vivant mais en plein d’occasions il pourrait mourir, sa survie ne tient qu’à une suite de chances.

    Un véhicule

    L’aspect immersif de la réalisation ne se suffit pas à lui-même et se retourne même contre le film. Celui qui nous guide, Saul, nous avons beau lui coller aux basques, nous ne le connaissons pas et le scénario ne nous donne pas de quoi nous rattacher émotionnellement à lui. Saul n’est pas un personnage mais un véhicule. Véhicule de la caméra dans l'enfer d’Auschwitz. Véhicule d’une idée : qu’on peut rester humain dans un univers inhumain. Dans la chambre à gaz, Saul pense reconnaître son fils. De là, il cherche à protéger le corps et à lui donner une sépulture comme le veut la tradition juive. Pourquoi s’entête-t-il à cela alors qu’à côté de lui les autres membres des kommandos cherchent à survivre et à résister par les armes ? De même, l’épisode où il rejoint Ella dans le camps réservé aux femmes ne dit rien de lui. Quelque chose ne fonctionne pas dans l’articulation entre la mise en scène du chaos d’Auschwitz et le personnage fantomatique de Saul : l’aspect fictionnel du film. J’avais été saisi de la même déception en lisant il y a quelques années Primo Levi (Si c’est un homme) et je comprends pourquoi : j’attendais un intérêt romanesque de son récit, alors que la description de l’univers concentrationnaire, sec et déshumanisé, se dérobe à cette attente. C’est une expérience indescriptible et le film de Nemes en est peut-être le constat. Il tente de raconter une histoire tout en se retenant constamment de le faire. Faire une fiction sur Auschwitz et y mettre des artifices émotionnels, c’est risquer le mensonge. Nemes n’a pas osé franchir le pas et creuser la veine fictionnelle. Son film est donc un intense exercice de mise en scène qui oppresse le spectateur mais ne peut pas le bouleverser.

    Cela donne raison à Claude Lanzmann qui a adoubé le film mais peut-être pas pour les raisons qu’on croit. Malgré sa mise en scène puissante et élaborée, Le fils de Saul démontre la difficulté voire l’impasse d’une fiction cinématographique sur Auschwitz. Il semble faire la preuve que seul le documentaire peut approcher la vérité sur l’expérience concentrationnaire. Le seul moyen honnête d’atteindre l’émotion et l'identification du spectateur est de faire témoigner les survivants et les lieux, comme dans Shoah. Le spectateur sera bouleversé par la mémoire qui surgit.

  • Ma vidéothèque idéale : La dernière séance (The last picture show)

    Je me souviens qu’avant de me plonger avec passion dans Le nouvel Hollywood de Peter Biskind, je ne connaissais pas Peter Bogdanovich et son cinéma. Ce livre paru en France en 2002 le place dans cette génération de cinéastes majeurs qui a pris le pouvoir à Hollywood à partir de la fin des années 60. La saga de cette génération est un rêve de cinéphile qui englobe Scorsese, Coppola, Spielberg, Lucas, De Palma mais aussi les (un peu et hélas) oubliés Hal Ashby ou Bob Rafelson, dont j’ai chroniqué le très beau Five easy pieces.

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  • L'homme irrationnel: ni bien ni mal

    L’homme irrationnel est-il le meilleur Woody Allen de ces dix dernières années ? de ces vingt dernières années ? Va savoir ! J’en ai vu beaucoup (pas tous) dont certains ont provoqué du scepticisme autour de moi (Vicky Christina Barcelona que j’aime bien), de l’enthousiasme (Match point) voire de la franche déception (To Rome with love). Chaque année sort un nouveau Woody Allen et de cette marque de fabrique, il y a autant de raisons de s’agacer que de s’enthousiasmer. Chaque année, les acteurs sont convaincants, la bande son et la photographie sont soignées et chaque année le new yorkais nous invite à adhérer à une narration fabriquée. Evidemment tous les scénarios sont des fabrications sauf qu’avec lui les coutures sont apparentes, les ficelles sont visibles, la recette est ultra lisible.

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  • Sicario (Denis Villeneuve)

    Sicario de Denis Villeneuve est un film qui ne ménage pas ses effets pour impressionner le spectateur pendant 2 heures. La musique de Jóhann Jóhannsson est grandiloquente. La réalisation privilégie les plans longs et les mouvements de caméra amples – ah cette montée sur un toit au coucher de soleil pour observer Ciudad Juarez ! La photographie de Roger Deakins est magnifique. Le film est un bel objet dont le scénario et le propos m’ont paru problématiques (attention spoilers !). Je suis sorti de ce film à la fois impressionné et frustré.

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