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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 43

  • Electric Boogaloo (2014): l'enfance du nanar

    En 1985, avec Yannick et Steve, copains de CM1, nous mettions en commun notre argent de poche pour louer au vidéoclub du quartier des films de ninjas. Des productions assez mauvaises dont les pochettes étaient plus excitantes que l’histoire, souvent poussive. Les mecs lançaient des shurikens (étoiles japonaises très tranchantes), et la star s’appelait (souvent) Michael Dudikoff. Nous n’étions pas exigeants ni cinéphiles, pas encore pour ma part. Nous ne savions pas que beaucoup de ces films sortaient de la Cannon, compagnie fondée par Menahem Golan et Yoram Globus. Parmi les chefs d’œuvre produits par ces deux israéliens passionnés de cinéma, il y eut aussi la série des Portés disparus avec Chuck Norris, Delta Force (avec Norris et Lee Marvin quand même) et puis le Justicier dans la ville, revenge movie facho ayant permis à Charles Bronson de payer ses factures. Ils ont même lancé JCVD avec Cyborg !

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  • Ma vidéothèque idéale: Boudu sauvé des eaux

    Une version restaurée en 2K existe en VOD et elle rend plus belle la vision de Boudu sauvé des eaux de Jean Renoir (1932).

    Boudu (Michel Simon) est un clochard qui a perdu son chien. Il erre dans un parc, demande de l’aide mais se fait refouler. De désespoir il se jette dans la Seine. M. Lestingois (Charles Granval), libraire sur les bords de Seine, le sauve de la noyade et le recueille chez lui. Lestingois a beau être un bourgeois jouisseur et libre-penseur, l’intrusion de Boudu, individu libre et sans frein, n’en est pas moins explosive pour son foyer. Il faut dire que le boutiquier aime bien rendre visite à la bonne pendant que son épouse dort. Boudu remarque tout et ne s’en cache pas. Se voyant dans une maison plutôt tolérante, il n’hésite pas à taquiner les deux femmes, Chloé Anne-Marie (Sévérine Lerczinska) et Madame (Marcelle Hainia), très drôle en épouse acariâtre moquée par Boudu pour ses « ho ! » à répétitions.

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  • Steve Jobs

    Je viens le plus souvent au biopic par affinité avec un univers esthétique. Amy, Love & mercy ou Get on up, la bio sympathique de James Brown, ça m’intéresse a priori, tout comme Mishima de Paul Schrader. Par goûts personnels donc, je me fous de la bio de Lady Di mais pas de celle d’Ian Curtis, l’excellent Control d’Anton Corbijn. Après il y a des films sur des personnages qui ne m’intéressent pas a priori mais qui dépassent complètement la vie d’une personne et sont d’abord la vision d’un auteur. The Aviator et son Howard Hugues névrosé, c’est du Scorsese pur jus, j’adore. Saint Laurent, c’est un univers esthétique magnifié par Bertrand Bonello. Et The Social Network ? Hé bien j’en parlerai plus bas.

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  • Les huit salopards: quelque chose continue d'accrocher...

    Le chasseur de prime John Ruth (Kurt Russell) escorte Daisy Domergue (Jennifer Jason Leigh) jusqu’à Red Rock où elle doit se faire pendre. Sur le chemin, ils prennent dans leur diligence un autre chasseur de primes, Major Marquis Warren (Samuel Jackson) puis le futur de shérif de Red Rock, Chris Mannix (Walton Goggins). Le blizzard les obligent à faire escale dans une auberge, « la mercerie de Minnie » (Minnie's Haberdashery) où ils rencontrent quatre autres hommes aux intentions louches : Mobray (Tim Roth), le général Smithers (Bruce Dern), Bob (Demian Bichir) et Joe Gage (Michael Madsen). Ont-ils quelque chose à voir avec Daisy ? Pourquoi les tenanciers de la mercerie de Minnie sont-ils absents ?

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  • L'étreinte du serpent

    Un indien se dresse fièrement au bord d’un fleuve. Les miroitements de l’eau composent un tableau vibrant autour de cet homme au corps nu et musclé, que magnifie la photographie en noir et blanc. Nous sommes au début du vingtième siècle, dans la jungle colombienne, nature mystérieuse bruissant de mille rumeurs. A trente ans d’intervalles, le chaman Karamakate (Nilbio Torres / Antonio Bolivar), unique survivant d’une tribu massacrée, accepte de conduire deux scientifiques, l’allemand Theodor Koch-Grunberg (Jan Bijvoet) et l’américain Richard Evans Schultes (Brionne Davis), vers une plante sacrée, la yakruna.

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  • Le fils de Saul

    Lazlo Nemes, Le fils de Saul

    Le premier plan est flou. Des hommes creusent un trou. Il y a une rumeur qui s’amplifie et des gens courent. Saul entre précipitamment dans l’image et n’en sortira plus. Le film nous jette brutalement dans l’enfer d’Auschwitz-Birkenau en nous collant à la peau de Saul Auslander, un juif hongrois faisant partie des sonderkommandos, groupe d’hommes valides qui mènent les déportés aux chambres à gaz puis se débarrassent des cadavres. La première impression qui m’a saisi est la sensation de voir en Saul, avec sa démarche raide et mécanique, son teint terreux, un personnage de jeu vidéo, comme guidé par une manette (celle du réalisateur), allant à gauche, à droite, un peu partout. Impression très étrange de suivre un corps mais à peine un homme tant Saul balloté est réduit à peu de paroles, à peu d’affects, renforcé en cela par le jeu impénétrable de Gheza Rohrig.

    Flux de circulations chaotiques

    Le fils de Saul se distingue du tout-venant par sa mise en scène fluide, élaborée à coups de steadicam. Les corps qu’on devine ou aperçoit furtivement sont des « pièces », des « paquets » qui circulent, triés et entreposés comme des marchandises. S’il est une chose que Lazlo Nemes a réussi à nous faire voir par son travail, c’est la réification des humains dans l’univers concentrationnaire. Le film se joue comme un mouvement, un flux ininterrompu de circulations chaotiques. C’est un maelstrom – définition commune : un puissant tourbillon – qui emporte les corps hors champ et le corps de Saul qui est balloté d’une tache à l’autre. L’effet d’emportement est décuplé par le travail sur le son, fait de strates cauchemardesques empilant les cris des gardes nazis, ceux des kapos, les gémissements des victimes, les bruits de la machine de mort (grondements, pistons), les coups de feu. L’effet est saisissant car les cris des bourreaux sont permanents tout en jouant le rôle de décharges électriques qui font mouvoir les corps brusquement. Les procédés du réalisateur aboutissent à un effet voulu d’oppression et de chaos. En cela, le film semble assez juste sur ce qu’est un camp d’extermination : certainement pas un lieu ordonné où la mort est opérée glacialement et rationnellement mais un lieu chaotique où l’arbitraire est roi. Saul est vivant mais en plein d’occasions il pourrait mourir, sa survie ne tient qu’à une suite de chances.

    Un véhicule

    L’aspect immersif de la réalisation ne se suffit pas à lui-même et se retourne même contre le film. Celui qui nous guide, Saul, nous avons beau lui coller aux basques, nous ne le connaissons pas et le scénario ne nous donne pas de quoi nous rattacher émotionnellement à lui. Saul n’est pas un personnage mais un véhicule. Véhicule de la caméra dans l'enfer d’Auschwitz. Véhicule d’une idée : qu’on peut rester humain dans un univers inhumain. Dans la chambre à gaz, Saul pense reconnaître son fils. De là, il cherche à protéger le corps et à lui donner une sépulture comme le veut la tradition juive. Pourquoi s’entête-t-il à cela alors qu’à côté de lui les autres membres des kommandos cherchent à survivre et à résister par les armes ? De même, l’épisode où il rejoint Ella dans le camps réservé aux femmes ne dit rien de lui. Quelque chose ne fonctionne pas dans l’articulation entre la mise en scène du chaos d’Auschwitz et le personnage fantomatique de Saul : l’aspect fictionnel du film. J’avais été saisi de la même déception en lisant il y a quelques années Primo Levi (Si c’est un homme) et je comprends pourquoi : j’attendais un intérêt romanesque de son récit, alors que la description de l’univers concentrationnaire, sec et déshumanisé, se dérobe à cette attente. C’est une expérience indescriptible et le film de Nemes en est peut-être le constat. Il tente de raconter une histoire tout en se retenant constamment de le faire. Faire une fiction sur Auschwitz et y mettre des artifices émotionnels, c’est risquer le mensonge. Nemes n’a pas osé franchir le pas et creuser la veine fictionnelle. Son film est donc un intense exercice de mise en scène qui oppresse le spectateur mais ne peut pas le bouleverser.

    Cela donne raison à Claude Lanzmann qui a adoubé le film mais peut-être pas pour les raisons qu’on croit. Malgré sa mise en scène puissante et élaborée, Le fils de Saul démontre la difficulté voire l’impasse d’une fiction cinématographique sur Auschwitz. Il semble faire la preuve que seul le documentaire peut approcher la vérité sur l’expérience concentrationnaire. Le seul moyen honnête d’atteindre l’émotion et l'identification du spectateur est de faire témoigner les survivants et les lieux, comme dans Shoah. Le spectateur sera bouleversé par la mémoire qui surgit.