Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mes meilleures amies

  • Chronique de fin d'été: The murderer, Mes meilleures amies

    Ce qu’il y a de bien avec les disputes conjugales, la seule chose de bien en ce qui me concerne, est qu’elles m’autorisent des sorties (des fuites ?) dans les salles obscures pour voir des films qu’en temps normal je ne verrais pas. Je ne vais pas dire que je les provoque ces disputes, par passion du cinéma, non, mais quand l’ambiance se fait pesante comme une atmosphère précédant l’orage, rien de tel qu’un film pour se sentir plus léger. Encore faut-il que ce soit un bon film ! L’été est la période idéale pour voir ces films un peu insolites, un peu « seconds couteaux », qui se glissent dans la programmation, tels des esquifs coque contre coque avec les gros yachts du cinéma ricain. L’été est même une période un peu bizarre où les sens des critiques cinémas semblent éblouis par trop de soleil et où, justement le moindre film original au point de ne pas ressembler à Green Lantern peut être compté comme un chef d’œuvre ou un film « formidable ». The murderer et Mes meilleures amies semblent avoir été de cette catégorie-là.

    the-murderer-7.jpg

     

    The murderer (The yellow sea) de Hong-jin Na est un film fascinant malgré son dénouement gore. Cette histoire d’un joseonjok, immigré sinocoréen envoyé clandestinement en Corée du Sud par un truand local pour exécuter un homme, est une réussite dans ses deux premiers tiers. Tout part d’une contrée inhospitalière, d’un confin entre Corée du Nord, Russie et Chine, la préfecture chinoise autonome de Yanbian. A un taxi endetté dont la femme immigrée en Corée du Sud ne donne plus de nouvelles, un caïd local propose de partir à Séoul pour exécuter un homme d’affaires. N’ayant rien à perdre sauf l’occasion de gagner un peu d’argent et de revoir son épouse, il accepte. Mais le contrat ne se passe pas comme prévu et le pauvre immigré doit pour survivre devenir plus violent encore que les barons mafieux qui le poursuivent. The murderer, c’est du pur film noir où s’entrelacent misère et criminalité. Les hommes y sont réduits à l’état de chiens affamés qui se mordent. Hong-jin Na, qui a réalisé le palpitant The chaser (2009), est un filmeur habile et percutant. Il sait créer une atmosphère grisâtre, il sait accélérer le tempo, il sait mettre un peu d’humanité là où il faut. La recherche désespérée de l’épouse immigrée à Séoul contrebalance la violence des réglements de compte. La violence elle-même, quand elle ne sombre pas dans le gore grand guignol agit comme pure métaphore de l’instinct de survie qui anime l’homme traqué. L’instinct de survie se fait ici course effreinée, électrisante pour le spectateur, et trouve son apogée dans une intense séquence de poursuite sur le port de Busan. Hélas, le réalisateur n’a pas été avare d’hémoglobine. C’est d’ailleurs la grosse limite du film, cette violence carnale qui fait rire au début mais finit par saturer le film, l’étouffer à force de surenchères. Le sang poisse le scénario de la dernière partie et le film patauge dans l’hémoglobine. Les grosses giclées de sang me paraissent une concession commerciale plutôt malvenue à un public censé vouloir de la tripaille et des combats à la hachette. Plus de sécheresse et d’ellipses pour conclure auraient probablement fait de The murderer un chef d’œuvre du genre. Cela semble un défaut consubstantiel au cinéma commercial coréen : toujours en rajouter, choquer au maximum, atteindre le grotesque. The murderer est néanmoins un très bon film. Produit par la Fox, il ressemble pour Hong-jin Na à un marchepied idéal vers Hollywood. Espérons que les américains ne castreront pas le fringant sud-coréen et ne transformeront pas ses impitoyables films noirs en action movies ramollis du cerveau.

    Autre film, Mes meilleures amies (bridesmaids) de Paul Feig est décrit par le Monde comme « une extraordinaire réussite ». N’allons pas jusques là. C’est une production Judd Apatow donc un film bordé et assez prévisible, alternant avec habileté le grotesque et une face plus sensible. Je n’ai rien contre Apatow dont Step brothers (2008) et Superbad (2009) ont ravi nombre de mes soirées DVD. Seulement ces histoires d’adulescents qui n’en finissent pas de vouloir rester jeunes avant de vieillir deviennent lassantes. Ici, c’est Annie (la talentueuse Kirsten Wiig), qui à l’occasion du mariage de sa meilleure amie Lillian (Maya Rudolph), pète les plombs car Lillian lui a préféré une amie de fraîche date, agaçante à force d’être parfaite, Helen (Rose Byrne), pour l’organisation de sa noce. Le scénario se plaît à enfoncer Annie jusqu’à ce qu’elle se rende compte combien sa vie est lamentable et qu’elle décide de se reprendre en main. Il y a des scènes très réussies, notamment celle où les deux rivales se disputent le micro pour lancer les cérémonies de mariage. Malheureusement, Paul Feig a du mal à mettre du rythme dans sa comédie et certaines séquences sont étirées, que ce soit l’essayage de la robe de mariée ou le vol vers Vegas. La scatologie, déclinée au cours du fameux essayage, a de mon point de vue beaucoup de mal à se marier à l’univers féminin, en tout cas sous cette forme comico-gastrique. A ce titre, le personnage de Megan (Melissa Mc Carthy), geek au féminin qui incarne cette inclination du film vers le mauvais goût, m’a paru particulièrement lourd. C’est un personnage artificiel, trop caricatural pour être attachant. Que dire enfin de la morale du film si ce n’est qu’elle est convenue, bien qu’elle participe de l'originalité des productions Apatow. Après avoir provoqué des catastrophes, Annie retrouve l’amour, accepte enfin que sa meilleure amie se marie. Elle le fait toutefois sans renoncer à elle-même puisqu’elle reprend la pâtisserie, sa vocation abandonnée. Les productions Apatow déclinent toujours cette rentrée dans le rang, cette renonciation à l’adolescence qu’on opère en préservant le petit grain d’originalité qu’on a en soi. Ce qui en fait son charme fragile, c’est bien cette capacité à vouloir concilier chez ses héros originalité et conformisme. C’est d’ailleurs à se demander si ce genre de schéma narratif ne mériterait pas un jour de sortir du registre la comédie régressive, de creuser davantage ses personnages aussi, pour aller vers un registre plus doux amer, plus adulte, à la Woody Allen. On peut toujours rêver !

    bridesmaids.jpg

     

    Si on peut se passer d’aller voir Mes meilleures amies, the Murderer mérite quant à lui une bonne séance de rattrapage, fâcherie ou pas avec sa moitié !