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toledano

  • Intouchables, le film pansement

     

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    Intouchables est un film pansement, qui veut faire du bien au spectateur, en lui parlant d’amitié, de générosité et en évitant tout ce qui pourrait fâcher. C’est la recette pour un film populaire : repeindre la réalité avec des bons sentiments, faire dans la réconciliation nationale. Gérard Oury ne faisait pas autre chose dans la grande vadrouille, nous faire croire que les Français avaient tous été résistants pendant la guerre. Le film de Nakache et Toledano a donc un succès énorme. C’est normal, il est divertissant et ne fâche personne.

    No stress

    Un lascar de banlieue, Driss (Omar Sy) se met au service d’un richissime handicapé, Philippe (François Cluzet). Il passe sans transition d’une cité HLM de banlieue à un luxueux hôtel particulier parisien. Il a beau être pauvre, il n’éprouve ni envie, ni ressentiment pour un homme qui doit peut-être sa fortune à sa naissance. L’autre lui fait comprendre que ce serait pas mal de quitter l’assistanat, de se bouger les fesses, Driss ne bronche pas. Au fond c’est un bon gars. En plus il aime sa maman et veut sortir son petit frère des embrouilles. Tout au long du film, l’amitié grandit entre les deux hommes sans qu’aucune tension n’affleure. Le personnel de maison n’a que peu de méfiance pour un type qui a un casier judiciaire. Driss n’a aucun mal à vivre dans un beau quartier. Il y a bien des amorces de situations dramatiques : le petit frère, le vol de l’œuf de Fabergé, la méfiance de l’entourage de Philippe, les flics, l’arme retrouvée dans le sac etc. Elles sont toutes neutralisées. No stress. Driss n’est pas un instant rattrapé par son milieu. Il y a une telle désinvolture à ne pas aborder ces questions de regard et de distance sociale, à ne pas les problématiser qu’on peut émettre deux hypothèses. Soit les scénaristes ont refusé la confrontation/tension par simple calcul commercial. Soit ils ont simplement postulé que la différence de classe ne pose pas de problème, seule compte la bonne attitude. Il suffit de faire des efforts, de s’ouvrir à l’autre et le tour est joué ! Les mecs de banlieue, ils sont comme tout le monde, ils aiment l’ordre, le fric et les riches, ils veulent en être. Intouchables désamorce toute tension afin de nous faire rire. Peut-on en même temps divertir et montrer ce qui va mal ? Oui, la comédie italienne (Scola, Germi, Risi) faisait ça très bien, cela n’a rien d’antinomique, c'est une question d'écriture. Il y a dans la comédie populaire française une volonté de rassemblement qui se fait toujours sur le dos de la vérité.

    One-man show

    Les réalisateurs ne font que nous dire : « Hé les gars, on est là pour vous émouvoir et pour vous faire rigoler. On n’est pas chez Ken Loach ! » Pour cela, ils disposent d’un atout, un drôle de comédien issu de Canal+, Omar Sy, qui prend le spectateur comme il se saisit du tétraplégique. Omar Sy est comme cette Maserati garée dans la cour de l’hôtel particulier, un vrai bolide. Il enchaîne les vannes et répliques cinglantes à toute vitesse, emportant le film dans son propre one man show. Le corps de Philippe étant paralysé, celui de Driss est partout, de tous les plans. Cela épuiserait si le comédien ne dégageait une sympathie et une aisance à laquelle il est difficile de résister. L’intérêt pour le film dépendra du rire qu’il génère. Comme beaucoup, j’ai franchement ri et sans honte. Par contraste, le handicap de Philippe est développé de manière superficielle, comme pour activer ponctuellement la machine à larmoyer. Il faut bien qu’on nous rappelle sa souffrance, ses envies de vivre, mais pas trop quand même.

    Nunuche

    La fin se recentre sur la vie de Driss, qui retrouve son milieu et le film prend un tour involontairement risible. Driss s’assagit sans effort, trouve du travail, recadre son petit frère, console sa maman. Pourquoi cette fin nunuche ? Avait-on besoin de cet assagissement pour aimer le personnage de Driss ? Ne peut-on avoir d’empathie pour un lascar de banlieue que s’il se transforme en garçon travailleur et bien cadré ? Dans un film de ce registre, avec ces recettes, une histoire vraie façon conte de fée, cela semblait la seule issue. Par indulgence, on dira que la drôlerie d’Intouchables masque sa niaiserie consensuelle.