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Four lions: nous sommes quatre crétins !

Que voilà un film bien insolite et actuel, qui est sorti sans trop de fracas en 2010. Les quatre lions du titre sont quatre apprentis djihadistes : Omar, Faisal, Waj, Barry rejoints par Hassan, qui ratent tout ce qu’ils entreprennent. Réalisé par l’anglais Christopher Morris, ce film est une comédie, oui une comédie sur des apprentis terroristes. A l’heure de l’EI et des meurtres sanglants diffusés sur l’internet, on a d’abord du mal à accepter ce postulat mais Four lions a suffisamment d’arguments pour convaincre le spectateur.

 

Confusion mentale

Peut-on rire du phénomène djihadiste ? Oui on le peut et on rit, jaune souvent, parce que le film joue sur plusieurs registres qui permettent de le faire intelligemment : grotesque, humour noir, absurde. Le grotesque des dialogues et des situations met en relief la bêtise et la confusion mentale des djihadistes – quel plus haut degré de connerie que celui de Barry quand il décrète que les bougies défectueuses de sa voiture sont juives ? L’humour noir permet au spectateur d’entrevoir l’horreur derrière les plans de nos antihéros.

En effet, la préparation de bombes n’est pas sans danger et donne lieu à des moments hilarants. L’absurde enfin renvoie aux logiques de raisonnement des terroristes. Le scénario de Four lions s’applique à démultiplier les scènes de dialogues ridicules. Autant de disputes qui se retournent contre les raisonnements des cinq compagnons. Comme la voiture de Barry percutant un mur, nos antihéros y vont à toute vitesse. Révélateur de leur confusion est ce  moment très drôle, en fin de film, quand Omar suggère à un Waj hésitant d’écouter son cœur avant d’agir, histoire de lui donner du courage. Problème : le cœur de Waj lui dicte de ne pas agir parce que c’est mal alors que son cerveau lui dit que tant pis, il faut suivre le mouvement et se faire sauter. Omar tente de rattraper le coup en lui démontrant qu’en fait son cœur et son cerveau se sont intervertis et le dialogue déraille totalement, il s’enfonce. Les djihadistes sont renvoyés à la bêtise de leurs raisonnements. On sent par moment qu’ils se disent « ça ne tient pas debout » mais entraînés les uns les autres comme une troupe de gamins influençables, ils sont incapables de sortir de leur logique sanguinaire.

Rétrospectivement, on se dit que ces apprentis terroristes, des demeurés finis, sont bien loin des terroristes qu’on voit à la télévision, personnages servant avec une logique implacable leur idéologie meurtrière. La faiblesse du film tient peut-être à ce que l’actualité nous démontre qu’un dessein meurtrier peut être servi par une intelligence, celle du Mal. Mais avec des personnages moins cons, le film aurait alors penché vers le réalisme documentaire et aurait perdu sa charge satirique contre la logorrhée islamiste, ni plus ni moins une logorrhée sectaire.

Appel au meurtre et Mortal Kombat

S’il manipule des personnages trop idiots pour être vrais, Four lions les place dans un cadre social et culturel tout à fait réaliste et crédible. On peut le voir comme un documentaire sur la forte imprégnation des idées radicales dans la jeunesse de confession musulmane au Royaume-Uni. On parle en famille et assez librement de djihad, de martyr tout en rappant et en surfant sur internet. Les dialogues renvoient au monde consumériste, technologique dans lequel baignent les personnages. Ils vomissent la société occidentale mais en sont les enfants. Ils nagent en pleine confusion entre appel au meurtre des kouffars (les mécréants) et Mortal Kombat. Ils sont de leur temps comme d’ailleurs tous les personnages du film dont Morris se plaît à souligner l’aliénation mentale. Plusieurs scènes, souvent drôles, dépeignent une humanité piégée par ses lubies, qu’elles soient religieuses, sportives ou culturelles. L’envoutement sectaire n’est pas l’apanage des musulmans nous dit Four lions.

 

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Ce film n’a pas convaincu tout le monde mais sa pertinence résonne dans le contexte actuel. Le plus embêtant pour ses contempteurs n’est pas tant que les cinq personnages soient trop bêtes pour être terroristes mais que nous autres « gens normaux » ne soyons pas si éloignés d’eux.

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