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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 4

  • Toute la beauté et le sang versé (Laura Poitras)

    D’où vient ce titre qu’on croirait extrait d’un poème ? Le spectateur attendra les derniers moments de ce documentaire pour en comprendre l’origine. Entretemps, le film de Laura Poitras aura brassé et embrassé plusieurs thématiques qui loin d’éparpiller son propos en décuplent sa force. La beauté et le sang versé se réfèrent à tant de choses dans la vie de la photographe Nan Goldin : la beauté de l’engagement collectif contre le fléau des opioïdes et le sang des 500000 américains morts d’overdose, la beauté de ce monde marginal, intime, gay, lesbien, sexuel, nocturne que sa photographie a révélé et le sang qu’ils ont payé dans les années SIDA, la beauté d’une sœur aînée et aimée et le malheur qu’elle a subi. Il n’est pas évident de faire cohabiter autant de lignes narratives dans un film d’1H57 et peut-être que certains spectateurs y verront un manque de cohérence mais j’ai été ému par cette autobiographie qui sans cesse part de l’intime pour se projeter dans le combat collectif.

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  • La femme de Tchaïkovski (Kirill Serebrennikov)

    On ne peut que reconnaître le sens esthétique et la sophistication visuelle du cinéma de Kirill Serebrennikov. Aidé de son directeur de la photographie Vladislav Opelyants, il sait créer des atmosphères oniriques, fiévreuses et anxiogènes. Qu’on pense à Leto et ses rockers, à la fièvre de Petrov et son dessinateur de BD ou à cette femme de Tchaïkovski, le mariage de l’Art et du social provoque de furieuses convulsions, des débordements esthétiques allant jusqu’à produire des effets clips qu’on peut trouver gratuits et maniérés. Jusqu’à présent, ce cinéma éblouit par sa virtuosité mais produit peu d’émotions et La femme de Tchaïkovski demeure dans cette lignée.

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  • Babylon (Damien Chazelle)

    1926. Hollywood était encore une périphérie couverte de vergers. Grâce aux terrains bon marché et au climat agréable, les studios de cinéma avaient commencé à s’installer dès les années 10. Babylon débute dans ce décor désert, quand Manny (Diego Calva) doit convoyer un éléphant vers une villa où se tient une fête géante. L’éléphant chie abondamment et quelques minutes plus tard c’est une actrice éméchée qui pisse sur son amant. Damien Chazelle nous décrit un cinéma hollywoodien entre stade anal et jouissance juvénile. La musique pulse et les gens baisent furieusement dans une ambiance monstrueuse. La caméra ne cesse de chavirer entre les corps qui se chevauchent. 5 ans avant, le comique Roscoe « Fatty » Arbuckle était accusé de viol sur une jeune femme et la presse se déchaînait contre la décadence du milieu du cinéma. Il y a dans ce début de film un hommage à cet Hollywood gonflé de libido d’avant le code Hays, ce code moral imposé au cinéma à partir des années 30. Chazelle tente de produire une atmosphère à la Fellini, alternance sans fin de jouissances et de gueules de bois. La photographie de son film n’a pas le grain ensoleillé mais plutôt des teintes poussiéreuses qui lui donne un air malsain. Avec ses défécations et sécrétions multiples, Babylon est une vision bestiale d’Hollywood qui avale et régurgite.

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  • Venez voir (Jonas Trueba)

    Chronique tardive d’une œuvre singulière et quelque peu frustrante. Venez voir dure à peine 1H05 et se termine de manière aussi brusque qu’inattendue. Le réalisateur du très beau Eva en août a réalisé un film minimaliste certes mais qui décante semaine après semaine. On a accolé l’étiquette de film « rohmérien » à cette histoire de deux couples d’intellectuels séparés par le covid. Il y a un peu de Rohmer dans cette association de contraires qui conversent et philosophent : Elena et Daniel (Itsatso Arana / Vito Sanz) sont restés en ville tandis que Susana et Guillermo (Irene Escolar / Francesco Carril) ont profité de la crise pour s’éloigner de Madrid et vivre à la campagne. Comme l’éloignement géographique et le covid ont séparé les amis de longue date, Venez voir est une forme de cri du cœur pour se retrouver.

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  • Armaggedon time (James Gray)

    L’ « Armaggedon time » biblique invoqué par le candidat Ronald Reagan désigne le moment décisif du combat entre Bien et Mal. En 1980, le futur président se voyait comme le chevalier victorieux du Bien contre la décadence de l’Amérique. Mais pour le jeune Paul Graff (Banks Repeta), incarnation de James Gray adolescent, se jouait une lutte sourde pour ne pas devenir le rejeton de ce pays-là. Un pays assez féroce et raciste pour que son copain Johnny (Jaylin Webb), seul afro-américain de sa classe, soit sans cesse ramené à sa couleur de peau et à un rôle trop facile de fauteur de trouble. James Gray invoque sa jeunesse mais ne se complait nullement dans la nostalgie. L’émotion affleure plusieurs fois mais l’intime est toujours rattrapé par le politique et par l’Histoire qui se fait. Ici c’est Graff au lieu de Gray et le cinéaste n’oublie pas de citer le nom de ses grands-parents Greyzerstein qui ont fui les pogroms tsaristes pour se réfugier en Amérique. Sachant qui on est et d’où on vient, on reste sur ses gardes.

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  • Les Amandiers (Valeria Bruni-Tedeschi)

    Je m’attendais à mieux. La bande-annonce, les très bonnes critiques de la presse, ont joué sur mes attentes. Mais « l’affaire Bennacer » a depuis terni l’image du film. On parle aujourd’hui des accusations de viols à l’encontre de l’acteur principal et de la possible omerta de l’équipe de production. Pas de commentaires, on verra comment cette affaire aboutira. Je m’attendais à mieux et j’ai été déçu. Il était question pour Valeria Bruni-Tedeschi de raconter de manière fictionnelle son expérience du Centre dramatique national à Nanterre, parmi douze jeunes comédiens, sous l’égide de Patrice Chéreau. Cela se passait dans les années 80 (1986 pour la réalisatrice), il y avait le sida certes mais une gigantesque envie de vivre. On le ressent dès la séquence des auditions, quand Stella (Nadia Tereszkiewicz) évoque sa jeunesse qui risque de filer si elle ne devient pas comédienne. Parler d’envie de vivre, de ressentir, d’aimer, de baiser quand on est jeune, c’est légitime mais le film s’appelle Les Amandiers et l’ignorant que je suis aurait aimé comprendre en quoi ce lieu était unique, en quoi la vision de Patrice Chéreau (Louis Garrel) et celle de son acolyte (Micha Lescot) étaient novatrices pour le théâtre.

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