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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie - Page 3

  • Priscilla (Sofia Coppola)

    Dire du bien de Priscilla, est-ce un combat perdu d’avance ? Les adjectifs pleuvent comme des flèches et les critiques sont acerbes : insipide, fade, lisse, ennuyeux… On a même renommé le film d’un assassin « Priscilla, molle du désert » et c’est plutôt bien trouvé même si ça me paraît injuste. Alors que dans son électrisant Elvis, Baz Luhrmann a choisi de célébrer le chanteur en ange de la musique foudroyé par la cupidité de son manager, Sofia Coppola brosse le portrait cotonneux d’un personnage des coulisses, secondaire pourrait-on dire, celui de l’épouse, de la « femme de ». Priscilla Beaulieu a 14 ans quand elle rencontre le chanteur pendant son service militaire en Allemagne en 1958, le couple divorce en 1973 alors que le King amorce son déclin physique et personnel. Quand elle lui annonce son départ, assommé de médicaments il a tout juste la force de dire son incompréhension : comment peut-elle quitter une situation dont toute femme rêverait ? C’est bien ça le sujet : quitter le conte de fée, le rêve illusoire pour pouvoir enfin vivre une vie à soi. Passer de jeune fille rêvant du prince charmant à femme débarrassée des illusions de l’enfance.

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  • Les colons (Felipe Galvez Haberle)

    On pourrait appeler ce premier film Naissance d’une nation si ce titre légendaire ne renvoyait à l’œuvre raciste de D.W. Griffith. Idéologiquement, ce premier film du chilien Felipe Galvez nous évoque plutôt Les veines ouvertes de l’Amérique latine d’Eduardo Galeano (essai de référence sur la prédation du continent) et ne glorifie aucunement les colons de son titre. On parle ici d’une nation coloniale, le Chili, dont la formation comme celle de l’Argentine voisine a été entachée de génocides contre les populations indiennes de Patagonie. On pourra lire sur Wikipedia par exemple les articles sur l’extermination des indiens Selk’nam ou Ona.

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  • Simple comme Sylvain (Monia Chokri)

    Si l’amour pouvait être aussi simple que ce Sylvain, beau gars fort avec qui baiser est sublime, la vie serait si belle ! Lorsqu’elle rencontre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), Sophia (Magalie Lépine Blondeau) a besoin de vivre plus intensément que dans son couple plan-plan avec Xavier (Francis William Rhéaume). Ils n’ont pourtant pas grand-chose en commun. Elle est universitaire, enseignant la philosophie à des adultes et elle fréquente un milieu bourgeois d’intellectuels et d’artistes. Il n’a pas fait d’études supérieures, il est artisan et d’origine populaire. En France on dirait que c’est un beauf. D’ailleurs, le spectateur français comprendra l’accent de Sophia, proche du sien, alors que la langue de Sylvain semble moins élaborée et nécessite des sous-titres. L’opposition est marquée et c’est ce type de schéma archétypal, assez cliché, qui fait souvent de bons films comiques.

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  • Bâtiment 5 (Ladj Ly)

    Jusqu’au titre du film, on perçoit une chute sensible de qualité entre Bâtiment 5, le dernier film de Ladj Ly, et les Misérables qui a tant fait parler. Vue dans une petite salle MK2 la semaine de sa sortie, on comprend que cette dernière production ne connaîtra pas le succès commercial alors qu’elle ne manque ni de moments forts, ni d’un véritable fond. Le point de vue sur la banlieue s’est déplacé du terrain sécuritaire vers celui de la politique. Alors que les Misérables décrivait la cité comme un terrain de jeu viril entre policiers, grands frères, dealers, jeunes, salafistes et gitans, Ladj Ly a peut-être entendu par-ci par-là le reproche de ne pas avoir donné la parole aux femmes. Il le fait au travers du personnage d’Habi (Anta Diaw, excellente), jeune femme qui milite pour l'autonomie des habitants des quartiers face à des politiciens qui les méprisent. Habi ambitionne d’être maire pour changer la vie de ses congénères.

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  • Killers of the flower moon (Martin Scorsese)

    Il n’y a plus d’adrénaline dans le cinéma de Martin Scorsese. Le dernier shoot date de 2013, de ce Loup de Wall Street gorgé de mauvais goût et férocement satirique. Après cette farce dont je ne me suis pas remis, j’ai dû capituler devant Silence (2016) puis The Irishman (2019) qui à ma grande honte m’ont tiré des bâillements d’ennui. Depuis 10 ans, il n’y a plus de bande-son rock’n’roll ni d’énergie morbide comme dans Casino (1995) mais la violence est toujours là et Scorsese a réussi à renouveler son cinéma, gardant le tragique mais troquant l’énergie animale pour quelque chose de funèbre. Les quasi 3H30 de ce Killers ont le rythme oppressant et l’ampleur d’une série documentaire effrayante, une sorte de Shoah dédié aux indiens d’Amérique. On parle ici de l’histoire véridique du peuple Osage, réfugié en Oklahoma, dont le malheur a été de découvrir du pétrole sur leurs terres. Tiré du livre enquête de David Grann, Killers raconte comment dans les années 20 ce peuple a été victime d’assassinats organisés qui ont conduit à une enquête du FBI.

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  • Le règne animal (Thomas Cailley)

    La chair qui mute, qui dégénère pour le pire, c’est un thème que j’ai découvert à travers le cinéma de Cronenberg. Dans Rage (1977), une greffe de peau échoue et crée sur le corps d’une femme accidentée un dard assoiffé de sang. Dans la Mouche (1986), le code génétique d’un scientifique fusionne avec celui d’une mouche, provoquant sa longue agonie. La science transforme les corps en un autre chose qui s’apparente au monstrueux. L’humanité pénétrée de technologie accélère la catastrophe de sa propre chute. Dans Le règne animal de Thomas Cailley, remarqué pour l’excellent les combattants (2014), le thème de la transformation est traité de manière plus terre-à-terre et moins tragique que le cinéma glacial de Cronenberg. Centré sur un noyau familial auquel on peut s’identifier facilement (un père et son fils voient leur mère se transformer en animal), il tire son succès (plus de 600,000 entrées en salle) de sa proximité avec le spectateur: nous raconter quelque chose d’inquiétant, tout en utilisant les codes du film de genre (teen-movie, fantastique), de manière positive.

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