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Ciné-club ambulant, voyage en cinéphilie

  • La Zone d’intérêt (Jonathan Glazer)

    C’est par la nausée que se conclue ce film assez sidérant du britannique Jonathan Glazer. Les dernières images montrent un Rudolf Höss (Christian Friedel), commandant du camp d’Auschwitz plié par des vomissements. Si le spectateur normal en partage la sensation, sonné par ce qu’il vient de voir, il ne s’identifie nullement à ce « manager » SS stressé par le fait de devoir exterminer rapidement des centaines de milliers de gens. Par son dispositif filmique fait de caméras fixes mais s’interdisant les gros plans et les travellings, le réalisateur instaure pour le spectateur un principe de distance inhibant à priori l’identification. Je dis à priori car les images de la famille Höss installée dans un pavillon confortable en bordure des infrastructures d’extermination seront particulièrement familières à tout spectateur vivant une vie matérielle occidentale. Il ne s’agit d’ailleurs pas que du confort d’une belle maison avec grand jardin. Le scénario multiplie les moments banals d’une vie de famille, terriblement familiers pour tous. Rudolf et Hedwig Höss (Sandra Huller) s’inquiètent pour la santé et l’éducation de leurs enfants. Ils se font évidemment du souci pour leur propre réussite sociale et leur bonheur alors que le mari est soumis à une forte pression de sa hiérarchie. Ils sont si loin et si proches de nous par leurs préoccupations que ça en est déstabilisant et c’est bien le but recherché dès l’entame. Ce sont des gens ordinaires proches de nous par le mode de vie.

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  • Past lives – nos vies d’avant (Céline Song)

    Comme son héroïne Nora, Céline Song est née en Corée du Sud de parents artistes et comme elle, a dû immigrer en famille en Amérique du Nord, à l’âge de 12 ans. Telle une romancière qui met tout d’elle dans son premier roman, Song a mis dans son premier film beaucoup d’éléments autobiographiques. A-t-elle eu comme Nora avec Hae-Sung un amour d’enfance à Séoul qu’elle a quitté et jamais oublié ? Qui sait ? La première scène en voix off pose l’hypothèse d’une histoire imaginaire, née peut-être d’un hasard et d’observations fugaces. Dans un bar, deux voix off commentent la présence à quelques mètres d’un homme et d’une femme asiatiques accoudés avec un homme blanc du même âge. C’est comme un jeu de deviner qui ils sont et c’est un moyen malin d’embarquer le spectateur. Sont-ils collègues de travail ? Un couple de touristes accompagnés de leur guide américain ? Un frère et une sœur, la sœur étant en couple avec l’américain ? Tout a débuté 24 ans avant, à Séoul, entre deux enfants attachés l’un à l’autre. Il était une fois…

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  • Making-of (Cédric Kahn)

    C’est la bande-annonce qui m’a donné envie de voir Making-of. Après le peu aimable (pour moi) Procès Goldman, que Cédric Khan puisse faire une comédie sur un tournage qui tourne à la catastrophe, l’idée m’enthousiasmait. Encore un film sur le cinéma et une nouvelle vision de ce métier. Des Ensorcelés de Minelli jusqu’au film de Truffaut, du Redoutable (Godard par Hazanavicius) jusqu’à Il était une fois à Hollywood de Tarantino, je suis rarement déçu et me déclare bon public du genre. Voir la critique récente du Livre des solutions de Gondry, souvent vilipendé mais qui m’a amusé malgré ses défauts. Attention toutefois, même s’il est assez drôle et que Jonathan Cohen en est un des premiers rôles, Making-of n’est pas complètement une comédie. C’est une œuvre critique, qui étale sans complaisance les contradictions du milieu du cinéma.

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  • Priscilla (Sofia Coppola)

    Dire du bien de Priscilla, est-ce un combat perdu d’avance ? Les adjectifs pleuvent comme des flèches et les critiques sont acerbes : insipide, fade, lisse, ennuyeux… On a même renommé le film d’un assassin « Priscilla, molle du désert » et c’est plutôt bien trouvé même si ça me paraît injuste. Alors que dans son électrisant Elvis, Baz Luhrmann a choisi de célébrer le chanteur en ange de la musique foudroyé par la cupidité de son manager, Sofia Coppola brosse le portrait cotonneux d’un personnage des coulisses, secondaire pourrait-on dire, celui de l’épouse, de la « femme de ». Priscilla Beaulieu a 14 ans quand elle rencontre le chanteur pendant son service militaire en Allemagne en 1958, le couple divorce en 1973 alors que le King amorce son déclin physique et personnel. Quand elle lui annonce son départ, assommé de médicaments il a tout juste la force de dire son incompréhension : comment peut-elle quitter une situation dont toute femme rêverait ? C’est bien ça le sujet : quitter le conte de fée, le rêve illusoire pour pouvoir enfin vivre une vie à soi. Passer de jeune fille rêvant du prince charmant à femme débarrassée des illusions de l’enfance.

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  • Les colons (Felipe Galvez Haberle)

    On pourrait appeler ce premier film Naissance d’une nation si ce titre légendaire ne renvoyait à l’œuvre raciste de D.W. Griffith. Idéologiquement, ce premier film du chilien Felipe Galvez nous évoque plutôt Les veines ouvertes de l’Amérique latine d’Eduardo Galeano (essai de référence sur la prédation du continent) et ne glorifie aucunement les colons de son titre. On parle ici d’une nation coloniale, le Chili, dont la formation comme celle de l’Argentine voisine a été entachée de génocides contre les populations indiennes de Patagonie. On pourra lire sur Wikipedia par exemple les articles sur l’extermination des indiens Selk’nam ou Ona.

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  • Simple comme Sylvain (Monia Chokri)

    Si l’amour pouvait être aussi simple que ce Sylvain, beau gars fort avec qui baiser est sublime, la vie serait si belle ! Lorsqu’elle rencontre Sylvain (Pierre-Yves Cardinal), Sophia (Magalie Lépine Blondeau) a besoin de vivre plus intensément que dans son couple plan-plan avec Xavier (Francis William Rhéaume). Ils n’ont pourtant pas grand-chose en commun. Elle est universitaire, enseignant la philosophie à des adultes et elle fréquente un milieu bourgeois d’intellectuels et d’artistes. Il n’a pas fait d’études supérieures, il est artisan et d’origine populaire. En France on dirait que c’est un beauf. D’ailleurs, le spectateur français comprendra l’accent de Sophia, proche du sien, alors que la langue de Sylvain semble moins élaborée et nécessite des sous-titres. L’opposition est marquée et c’est ce type de schéma archétypal, assez cliché, qui fait souvent de bons films comiques.

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