John Huston
En corps (Cédric Klapisch)
Elise Gautier (Marion Barbeau) est danseuse étoile et amoureuse. Un soir de ballet, son interprétation de la Bayadère est gâchée par une blessure. C’est une fragilité persistante qui a peut-être à voir avec une blessure de cœur. S’ouvre une période d’incertitude pour la jeune femme qui ne sait si elle pourra continuer la danse classique. Comment va-t-elle se reconstruire ? Son corps va-t-il lui permettre à nouveau de satisfaire sa passion ? En corps est une histoire de résilience physique et psychologique racontée sur un mode positif. Ça ne peut qu’aller mieux se dit-on en suivant une intrigue absolument dépourvue d’affects et de personnages négatifs.
Il paraît que Klapisch est un passionné de danse. Il a réalisé un documentaire sur la danseuse étoile Aurélie Dupont en 2010. Marion Barbeau son actrice est première danseuse à l’Opéra de Paris depuis 2018. Moi qui n’avais plus regardé un film de lui depuis Les Poupées russes (2004), j’ai voulu voir si les éloges sur la séquence d’ouverture et les scènes dansées étaient exacts. Il est vrai que les 15 premières minutes, en montrant un montage fiévreux et de belles contre-plongées, embarquent assez facilement le spectateur. Puis la blessure advient et le film prend un rythme étrange. Marion décide de suivre un couple d’amis dans une pension d’artistes en Bretagne. Le récit devrait tourner autour de son corps souffrant, comment elle arrive à le surmonter et à la guérir, comment la danse contemporaine lui fait prendre conscience d’autres possibilités. Cela est dit bien sûr mais le scénario écrit par le cinéaste et par Santiago Amigorena passe son temps à se décentrer pour aller chercher le rire et la sympathie du spectateur. Sachant qu’Élise ne pourra pas vraiment compter sur son père (Denis Podalydès), trop distant, les scénaristes ont créé des personnages médicaments qui sont là pour l’encourager et amuser le spectateur. François Civil joue le kiné nigaud. Pio Marmaï et Souheila Yacoub se chamaillent de temps en temps. Et puis il y a Muriel Robin en propriétaire des lieux diminuée dont le rôle n’a été écrit que pour balancer des poncifs et des encouragements. A part Élise, Il n’y a que des personnages qui sonnent creux.
En corps commence fiévreux mais très vite, malgré la danse, le film faiblit. L’accumulation de séquences comiques, plaisantes parfois, masque mal son côté poussif. Élise s’étonne un moment que la plupart des héroïnes de ballet classique aient un destin tragique, c’est le cas de la Bayadère. On se souvient des tragiques Chaussons rouges de Powell & Pressburger ou de Black Swann d’Aronofsky. On comprend que le film veut nous emmener vers autre chose, vers du feel good, de la légèreté bonne enfant. Pourquoi pas mais il aurait fallu une écriture plus resserrée et ne pas confondre sans cesse légèreté et superficialité. S’il est vrai que le film exclut du champ tout personnage négatif – rien sur le danseur qui a causé la blessure de cœur – il n’est pas dit grand-chose du jeune homme qu’elle rencontre. On pourra se contenter d’un beau soleil couchant sur la côte bretonne mais c’est un peu court quand même.
En corps est une mise en application de ce que dit Yann, le sympathique kiné joué par François Civil. Il suffit de ressentir des bonnes ondes, de « retrouver son centre » pour que le physique revienne. C’est sympa, c’est de la pensée positive mais ça ne fait pas un film inoubliable. Si on aime la danse et qu’on veut passer un moment détendu, on peut aller le voir, c’est tout.