John Huston
House of Gucci (Ridley Scott)
Des acteurs américains et anglais qui surjouent des Italiens ? Pourquoi pas. Il y a ceci d’amusant dans le dernier film de Ridley Scott qu’il n’y a pas un seul italien pour incarner les membres d’une des dynasties les plus connues de la péninsule. On peut ajouter que ce film retraçant le parcours tragique de l’héritier Maurizio Gucci (Adam Driver) assassiné par son épouse Patrizia Reggiani (Lady Gaga) donne carte blanche à ses acteurs pour cabotiner. Jeremy Irons, Al Pacino, Jared Leto, Camille Cottin et Salma Hayek n’hésitent pas à rouler les « r » et à grimacer quand il le faut.
Le véritable thème du film n'est-il pas la contrefaçon ? L’outrance des jeux d’acteur, sans cesse dans le faux, renvoie au caractère falsifiable du luxe et aux articles Gucci facilement copiés et revendus sur tous les marchés. On apprend que cette marque créée en 1921 à Florence et synonyme de noblesse et de prestige tient elle-même de la tromperie. Le grand-père Guccio Gucci qui était groom à Londres à l’hotel Savoy a inventé une histoire de selliers du Moyen-Âge et cela a contribué à la prospérité de cette famille qui n’est qu’une parodie d’aristocratie. Alors que Jeremy Irons joue très bien la noblesse et le mépris de classe de Rodolfo, patriarche distant, Al Pacino dans le rôle d’Aldo Gucci et un Jared Leto grimé en son fils Paulo accentuent leurs jeux jusqu’au ridicule. En voulant surjouer la noblesse, cette maison Gucci n’échappe pas au mélange de sophistication et de vulgarité qui caractérise ces « grandes » familles. S’il y a un point de vue saillant des scénaristes c’est que cette marque est l’emblème des gens qui veulent jouer à la noblesse, c’est-à-dire des nouveaux riches et des m’as-tu vu. Mais ce n’est pas grave, elle était ringarde, elle devient branchée dans les années 90 grâce à Tom Ford, cela tient à peu de choses, à l'air du temps. L’image fait tout.
C’est grâce à l’exubérance des acteurs et aux petites choses apprises sur la mode que les 2H35 du film pèsent un peu moins lourd pour le spectateur. L’histoire du mariage entre le jeune home guindé qui ne veut pas être héritier, sobrement joué par Driver, et la fille pas très distinguée n’est guère passionnante. L’intrigue porte le tampon « histoire vraie » mais elle prend son temps et on attend en regardant sa montre que les choses se détériorent, que l’idylle entre le beau prince et la jeune fille modeste prenne un virage cruel et surprenant. On apprécie l’élégance de la photographie, la beauté des décors et la bande-son agréable mais on déplore deux choses : le manque criant de rythme et le caractère convenu du personnage de Patrizia Reggiani. Il y avait les ingrédients pour faire un film électrisant mais tout est étiré et laborieux dans le récit, on aurait préféré montage plus percutant. Lady Gaga aurait eu le talent pour transformer son personnage en Lady McBeth trahie par un homme ingrat. Mais son rôle est assez superficiel et ne montre que peu de failles psychologiques. Elle passe d’amoureuse transie à épouse intéressée par la réussite de son mari pour terminer en femme délaissée qui se résout au meurtre, c’est assez frustrant. On aurait aimé que cette parvenue assassine montre des choses plus inquiétantes que ce qu’on voit à l’écran.
On retiendra donc de House of Gucci le savoir-faire habituel de son réalisateur pour les belles images et l’outrance parodique de ses acteurs, dont un Jared Leto qui ne craint pas l’accent italien, bien au contraire. Pour le reste, le film n’est pas convaincant et on lui préfère largement Le dernier duel sorti un mois avant en France, mieux construit et plus intense.
En Blu-Ray et DVD le 24 mars ainsi qu'en VOD, édité par Universal Pictures (site web, page Facebook et Twitter de l’éditeur)