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La la Land (Chazelle): belle carte de visite

La la Land de Damien Chazelle fait l’objet d’une campagne de marketing rarement vue depuis des mois. Par affiches interposées, nominations pléthoriques aux oscars, critiques presse élogieuses, ce film nous est vendu comme un événement majeur du septième art. Je vois dans ce déluge promotionnel le même phénomène que pour the Artist en 2011. Alors que le film de Michel Hazanavicius était un hommage appuyé à la grande époque du muet, celui-ci célèbre un autre passé prestigieux, celui du technicolor. Il cite Minelli (Un américain à Paris), Stanley Donen (Chantons sous la pluie) et Nicholas Ray (La fureur de vivre). Et quand un réalisateur, sans doute malin, rend hommage au passé glorieux d’Hollywood, Hollywood aime beaucoup !

La la Land pourra décevoir car il n’est qu’un beau film là où on nous vend un chef-d’œuvre immortel. Son agréable première moitié a essentiellement valeur d’exposition. Les numéros musicaux posent le décor. Damien Chazelle nous dit : je m’inscris dans une tradition, celle du cinéma de l’âge d’or / je vais vous parler de Los Angeles, ville des rêves et des illusions. Il nous entraîne donc dans un enchaînement de numéros musicaux, brillants pour certains (la séquence d’ouverture sur l’autoroute) ou moins réussis (la fête dans la villa). Et il fait se rencontrer deux personnages en quête de réussite, Mia, une apprentie actrice courant les castings, et Sebastian, un pianiste féru de jazz. Pour jouer cette histoire d’amour simple, le réalisateur capitalise plus sur le charisme d’Emma Stone et de Ryan Gosling, que sur l’épaisseur psychologique de leurs personnages. Elle exhibe son visage de petit renard malicieux, il joue très bien la nonchalance désabusée. Ils se croisent et se recroisent lors de séquences amusantes : dans une party où il joue I ran (Flock of seagulls !!!), dans un restaurant où il est viré par le gérant joué par JK « Whiplash » Simmons. Malgré leurs déboires, Chazelle garde une légèreté de ton, une forme de musicalité sautillante, loin de la geignardise littéraire d’un Woody Allen auquel on aurait pu le rapprocher, Emma Stone oblige.

Dans ses deux premiers chapitres, le film a pour principal enjeu de rendre hommage à un patrimoine et de montrer que ça compte toujours. « A Hollywood, on vénère tout mais on ne conserve rien » dit Sebastian, qui semble parler pour Damien Chazelle. On vit sur un passé prestigieux qu’on passe son temps à ignorer, déplore-t-il. Dans ces conditions, peut-on réaliser ses rêves en ne se compromettant pas, en gardant un lien avec l’Art ? C’est une question que Damien Chazelle se pose à lui-même, à laquelle il répond par La la Land : « Oui, je suis l’héritier d’une belle tradition. Voyez ce que je suis capable d’en faire ». Le film a tout d’une carte de visite prestigieuse pour une entrée réussie à Hollywood. La caméra vole et virevolte, les couleurs sont chatoyantes. L'ensemble, finalement assez sobre, ne croule pas sous ses propres moyens. Pas de pièce montée à la Baz Lhurmann.

Heureusement, le film ne se limite pas à la démonstration d’adresse de son réalisateur. A partir du chapitre « automne » vient s’ajouter une musique dissonante, celle de la déception et de l’amertume. Mia et Sebastian rêvent à deux mais ne réussissent pas ensemble. Si chacun encourage l’autre en se promettant de rester intègre, le premier signe de compromission est un coup de couteau aux sentiments. Les obligations, la carrière avant tout, finissent par tuer l’amour. C’est à partir de ce constat que le film prend un envol mélancolique assez puissant. La mélodie triste au piano jouée par Sebastian et qui a introduit leur rencontre, c’est celle d’un échec annoncé. Il peut toujours rejouer la partition, convoquer les décors somptueux d’Un américain à Paris, le Paris d’antan du Caveau de la Huchette, pour une dernière danse ensemble, les notes décrivent un amour rêvé qu’ils n’ont pas réussi à conserver.

Triste constat en forme de rêve: à Los Angeles, on peut réussir mais on ne peut pas s’aimer…

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