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Les Olympiades (Jacques Audiard)

C’est à dessein que Jacques Audiard a installé son film dans ce quartier parisien des Olympiades, 13ème arrondissement. Portant son regard loin du patrimoine haussmannien et des touristes, il s’intéresse à un Paris moderne, peuplé de jeunes actifs célibataires soucieux de profiter de la vie. Le noir et blanc de son directeur de la photographie Paul Guilhaume magnifie l’architecture verticale et la blancheur du quartier. Les pulsations électroniques du compositeur Rone visent à injecter de l’énergie aux images. L’ambition est de faire sentir une intensité qu’on a l’habitude d’associer à Londres, New York ou Hong Kong.

On sait qu’Audiard n’est pas un réalisateur réaliste, que son cinéma se nourrit de films de genre, de collisions de registres et que le résultat a souvent un goût très artificiel (Dheepan, De rouille et d’os). Lorsque les premières séquences s’enchaînent et que Paris nous apparait dans son écrin très esthétisé, on craint le film en toc qui n’a pas grand-chose à raconter. L’écriture des personnages et leur chassé-croisé ne rassure pas non plus. Dans ce scénario écrit par Audiard, Céline Sciamma et Léa Mysius, les clichés sont proéminents pour décrire ces trentenaires précaires dans leurs amours et leur vie professionnelle. Téléconseillère puis serveuse, Emilie (Lucie Zhang) a envie d’être libre et de s’amuser à rebours des obligations familiales liées à sa culture chinoise. Enseignant préparant l’agrégation, Camille (Makita Samba) dit qu’il « compense sa frustration professionnelle par une activité sexuelle intense ». Nora (Noémie Merlant), fraîchement arrivée de Bordeaux pour suivre des études de droit, se pose des questions vertigineuses sur son orientation affective. Un quatrième personnage s’ajoute, virtuel celui-ci : Amber Sweet (Jenny Beth), webcameuse porno. Les thèmes s’enchaînent comme des signes de l’air du temps qui pèse sur tous : solitude moderne, omniprésence des réseaux sociaux, addiction aux applications de rencontre, incapacité à nouer des relations durables. Ce tableau générationnel a tout pour ne pas être léger.

Ils se rencontrent et se lient dans l’intimité des Olympiades. Paradoxe du film : la plupart des séquences se déroulent en intérieur (appartement, chambre, agence immobilière, amphi, open-space...). L’espace social et politique de la rue est quasiment absent, signe de repli sur la sphère intime et personnelle. On se dit en les voyant qu’il ne reste que le sexe pour donner de la saveur à leur existence. Ils vivent en dehors des préoccupations politiques ou métaphysiques. Ils évoluent sans véritable boussole existentielle, dans la fuite de quelque chose. Emilie n’a pas grande envie d’aller visiter sa grand-mère malade. Camille semble désireux de prendre une pause dans une vie de prof qui n’a rien de palpitant. Nora a fui la province et une relation familiale toxique.

Paradoxalement, c’est le caractère simple et empathique de ces portraits et de ces situations fabriquées, orchestrées en chassé-croisé qui finit par susciter l’intérêt. On les regarde comme s’ils étaient acteurs d’une série sentimentalo-sexuelle sur les trentenaires. On se dit que les Olympiades aurait pu être un Plus belle la vie parisien (Plus moche la vie ?). Emilie est mue par un désir de vivre égoïste parfaitement rendu par Lucie Zhang. Servie par la belle fragilité de Noémie Merlant dont le sourire ne trompe personne, Nora nous fait attendre et espérer une forme de rédemption. Camille est sans doute le moins stimulant des trois personnages, parce qu’il est le moins dans le lâcher-prise et la remise en question, parce qu’il reste peut-être le plus masculin (le plus conformiste) dans son comportement ?

Ce qui n’était au départ qu’une somme de clichés très bien enrobés esthétiquement débouche sur une quête d’amour assez attachante construite autour de très bons acteurs. Mention spéciale à Lucie Zhang, révélation de ces Olympiades.

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