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L’insulte (Ziad Doueiri)

Ziad Doueiri a réalisé la série de politique-fiction Baron noir, diffusée depuis 2016 sur Canal+.  L’insulte, sorti au cinéma en 2017, disponible en DVD depuis le 3 juillet 2018, est le 4ème film du réalisateur libanais. Le rapprochement entre cette production franco-libanaise et Baron noir nous paraît important : L’insulte conjugue avec réussite les qualités d’écriture d’une série à suspense avec la pertinence politico-historique. Le spectateur est à la fois captivé et instruit d’un contexte qu’il ne connaît pas, celui du Liban contemporain.

Fait divers banal, drame national

Pour le spectateur ignorant des affaires libanaises, la force du film est de transformer un fait-divers d’apparence banale en drame national. Il se déroule dans un quartier chrétien de Beyrouth. A cause d’une gouttière défectueuse, le garagiste Toni Hanna (Adel Karam) se dispute avec le chef de chantier Yasser Salameh (Kamel El Basha), d’origine palestinienne. Ce qui devait se terminer par des excuses du Palestinien pour une simple insulte dégénère en coups puis en procès qui retentit dans le pays.

L’affaire est le révélateur des tensions de la société libanaise. Chrétiens contre musulmans. Libanais contre palestiniens. Parents contre enfants. Femmes contre maris. Arabes contre Israël. Le conflit déborde de partout, dans toutes les scènes. Que ce soit dans le foyer, au tribunal ou au dehors, Doueiri met en scène un écheveau de dialogues conflictuels qui prennent leur source dans le passé dramatique du pays. Les gens se vivent en guerre et le caractère dense et étouffant de Beyrouth, filmé en plans aériens accentue l’atmosphère de conflit latent. Au fur et à mesure de cette intrigue, on oublie le fait divers qui l’a fait naître.

Histoire douloureuse

Chacun des protagonistes a une histoire qui se confond avec l’Histoire. Jetons quelques mots dont la réminiscence fait mal aux libanais et à leurs voisins : Septembre noir, Damour, Sharon, Bachir Gemayel, OLP, milices chrétiennes… le film est rempli de rappels dramatiques à la mémoire du pays. Mais cette mémoire ne sort pas toute seule. Tel l’accouchement de la femme de Toni, Shirine (Rita Hayek), celui des souvenirs est douloureux. Les explications sortent avec peine des bouches. On attend que ce soit l’autre qui parle et on lui attribue de mauvaises intentions. On sent une forme de compétition des mémoires entre chrétiens libanais et palestiniens, comme s’il fallait tempérer le drame vécu par l’autre pour se faire valoir. L’insulte nous tient en haleine car il cherche jusqu’au bout les motivations de ses deux personnages principaux. A travers eux, le scénario nous révèle un passé trop lourd, trop chargé en haines, en conflits, en drames. Comme le dit Toni, il n’est pas possible de tendre l’autre joue comme le Christ ou de faire semblant de s’aimer les uns les autres. On peut éventuellement se réconcilier avec son propre passé mais il sera plus dur d’aller vers celui qui vous insulte.

On peut certes minorer ce type de cinéma très discursif, qui ne fait pas mine d’être artiste. Frontal, direct, premier degré, voire démonstratif, L’insulte vous embarque dans son tunnel narratif sans donner beaucoup de liberté. L’histoire est par moments trop gourmandes en détails même s’ils font sens. Les jeux ambigus de la classe politique libanaise par rapport aux palestiniens, le jeu populiste du parti chrétien, la corruption des secteurs économiques, tout cela décrit un pays proche de l’implosion et de la guerre civile.

Toutefois, on pourra difficilement reprocher au film son efficacité très travaillée. Non seulement il nous en apprend beaucoup mais il fait exister ses personnages. En 1h52, il déploie sans mollir une ambition de série politique, grâce aux scènes de procès, très denses en joutes rhétoriques. Ne boudons pas notre plaisir. Parmi les films récents sortant en DVD, ce film captivant, construit pour réfléchir mérite le bouche-à-oreille.

Pour information: film de Ziad Doueiri sorti en DVD le 3 juillet 2018. Distribué par Diaphana Distribution (page Facebook: https://www.facebook.com/diaphana/)

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