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Les Amandiers (Valeria Bruni-Tedeschi)

Je m’attendais à mieux. La bande-annonce, les très bonnes critiques de la presse, ont joué sur mes attentes. Mais « l’affaire Bennacer » a depuis terni l’image du film. On parle aujourd’hui des accusations de viols à l’encontre de l’acteur principal et de la possible omerta de l’équipe de production. Pas de commentaires, on verra comment cette affaire aboutira. Je m’attendais à mieux et j’ai été déçu. Il était question pour Valeria Bruni-Tedeschi de raconter de manière fictionnelle son expérience du Centre dramatique national à Nanterre, parmi douze jeunes comédiens, sous l’égide de Patrice Chéreau. Cela se passait dans les années 80 (1986 pour la réalisatrice), il y avait le sida certes mais une gigantesque envie de vivre. On le ressent dès la séquence des auditions, quand Stella (Nadia Tereszkiewicz) évoque sa jeunesse qui risque de filer si elle ne devient pas comédienne. Parler d’envie de vivre, de ressentir, d’aimer, de baiser quand on est jeune, c’est légitime mais le film s’appelle Les Amandiers et l’ignorant que je suis aurait aimé comprendre en quoi ce lieu était unique, en quoi la vision de Patrice Chéreau (Louis Garrel) et celle de son acolyte (Micha Lescot) étaient novatrices pour le théâtre.

Les Amandiers tient pour moi du catalogue nostalgique feuilleté par sa réalisatrice. C’est une enfilade de souvenirs au premier degré, qui souffre d’un manque de recul rétrospectif. Elle se souvient des histoires d’amour et les traduit par cette passion entre Stella et Étienne (Sophiane Bennacer). Elle raconte la liberté sexuelle et en contrepoint la peur du sida et les ravages qu’il pouvait faire sur les jeunes. Elle fait entendre la musique de l’époque, comme Andy des Rita Mitsouko ou Balavoine. Mais les souvenirs ne se suffisent pas à eux-mêmes. On a souvent quand on évoque sa jeunesse un peu d’amertume et on essaie de comprendre pourquoi on se comportait bêtement. Tout en effusions, le récit se dispense d’un regard lucide sur le passé. On ne saisit pas bien l’attirance que Stella éprouve pour Étienne. Le jeune homme est particulièrement lourd et pénible en écorché vif qui se shoote. Le rôle joué par Bennacer est stéréotypé et antipathique, ce qui atténue l’envie de s’identifier à cette histoire d’amour. Bruni-Tedeschi arrive par petites touches à créer un effet de troupe. Certaines séquences sont même assez amusantes mais j’ai été déçu par ces rôles (Victor, Franck, Claire, Stéphane…) qui manquent d’épaisseur.

Si on s’en tient au film, le théâtre selon Chéreau ce sont des jeunes gens qui jouent dans la transe et l’effusion permanente, le corps et le visage tordu. J’ai compris que Chéreau attendait d’eux intensité et expressivité mais je n’ai pas vu en quoi c’était « révolutionnaire » et si ça avait la prétention de l’être. La cinéaste ne le dit pas et donc on comprend que ce n’était pas dans son projet de film. Il est dommage qu’un créateur comme Chéreau, incarné par un acteur comme Garrel, ne soit pas décrit dans sa singularité artistique et intellectuelle. On apprend qu’il était homosexuel, qu’il sniffait de la cocaïne et qu’il pouvait se montrer tyrannique. Dur avec les élèves, il traitait son assistante comme de la merde. A ses côtés, Pierre Romans qui était directeur de l’école, demeure un personnage énigmatique et intéressant dans son côté « absent » et drogué, bien rendu par Micha Lescot. Dans une scène, Chéreau s’énerve contre Romans et lui reproche d’être velléitaire et c’est filmé comme un instant volé. C’est un peu court et la répétition du Platonov de Tchékhov ne nous apprend pas grand-chose de plus. En se renseignant un peu (merci Wikipedia), on apprend que Platonov, première pièce de son auteur, avait pour titre Sans père et traite d’un personnage double, ce qui fait penser à Étienne interprété par Bennacer. Ce dernier évoque plusieurs fois son malheur d’enfant abandonné. Inutile d’en remettre une couche sur ce personnage assez toxique.

Avant de se faire rattraper par la polémique et les accusations, Les Amandiers a bénéficié d’une belle exposition publique au Festival de Cannes et d’un excellent retour critique. Mais l’étalage de spontanéité juvénile et de pics émotionnels ne donne pas un grand film. Le résultat est superficiel quand il faut raconter avec recul personnages et situations. Il est frustrant également quand il s’agit de décrire un lieu et un « vent nouveau » de création théâtrale.

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