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Westworld (saison 1 & 2)

Je me souviens du film Westworld de Michael Crichton (1973) vu il y a quelques années : Mondwest en français. Dans un parc à thème futuriste, un cowboy humanoïde joué par Yul Brinner se met à massacrer des vacanciers. Un robot se dérègle et son « libre arbitre » de machine terrorise les humains. Malgré l’interprétation troublante et mécanique de Brinner, le film a un peu vieilli mais le concept est resté mémorable.

S’inspirant de l’idée originale, la série Westworld, produite par Lisa Joy et Jonathan Nolan depuis 2016 a de quoi exciter le spectateur tant elle s’en est donné les moyens. Elle bénéficie d’une production riche qui se voit à l’écran. Elle s’appuie sur des acteurs réputés comme Ed Harris, Anthony Hopkins, Thandie Newton, Evan Rachel Wood, Tessa Thompson et Jeffrey Wright. Disons qu’ils sont souvent remarquables et que la série permet de découvrir dans les seconds rôles des acteurs très intéressants comme Ben Barnes, Simon Quaterman ou Jimmi Simpson. Les décors mêlent laboratoires futuristes et paysages de western. La musique de Ramin Djawadi est marquante et s’accompagne d’adaptations instrumentales de Radiohead ou des Rolling Stones. Au bout de 2 saisons, on peut se dire que le contrat de divertissement est rempli même si toutes les attentes ne sont pas comblées. Le récit connaît quelques facilités mais la lecture politique qu’on peut en faire compense ses faiblesses.

Westworld est un parc à thèmes peuplé de parfaits humanoïdes (les « hôtes ») interprétant des narrations pour des visiteurs (les « invités ») en mal de sensations fortes. Les humains se déguisent et peuvent à loisir baiser, tuer ou vivre les aventures qui leur plaisent. Rien ne nous permet de dire que nous sommes très éloignés d’aujourd’hui mais l’histoire se situe à une époque suffisamment lointaine pour bénéficier des avancées de l’intelligence artificielle. Dolores (Evan Rachel Wood), Teddy (James Marsden) ou Maeve (Thandie Newton) sont configurés, améliorés et mis à jour comme des programmes informatiques. Leurs histoires se répètent tout en connaissant des variations scénarisées. Mais comme dans le film de Crichton mais sur un mode lent, quelque chose se dérègle en elles et en d’autres hôtes du parc. Des souvenirs traumatisants bousculent leurs programmes, dévient leurs réactions, les rendent imprévisibles.

La première saison se déroule sur un rythme lancinant, jouant de répétitions, d’échos entre plusieurs temporalités. On ne comprend pas bien ce qu’on regarde et où la série nous emmène (et quand ?). Un mystérieux homme en noir (Ed Harris) poursuit une quête solitaire dans un parc qu’il semble parfaitement connaître. Les narrations se chevauchent, se croisent ou non en jouant de notre désorientation. Cette première saison pose des questions philosophiques troublantes sur le libre arbitre au temps de la cybernétique. Dans ces corps d’humanoïdes imperceptiblement raides et naïfs, voyons-nous un libre arbitre qui surgit ou bien la main d’un créateur tout puissant. Ford (Hopkins) est-il le grand marionnettiste ou bien est-ce le cofondateur Arnold, suicidé il y a longtemps ? Les attractions d’un parc de loisirs ne sont ni plus ni moins que des narrations proposées aux visiteurs. Ils peuvent vivre l’aventure, l’horreur, le mélodrame. Certaines sont captivantes, d’autres poussives. Tout est artificiel et le spectateur ressent lui-même un sentiment de faux. Ce n’est pas tant les péripéties qui intéressent que le sentiment d’une vérité cachée derrière les apparences. C’est ce que cherche l’homme en noir : une signification à tout ça, symbolisée par un labyrinthe. Il y a un but caché, un truc derrière toutes ces images.

La seconde saison dévoile les vérités derrière le parc. Laissant libre cours à la violence, elle est à la fois captivante et décevante surtout dans sa première moitié. Il y a un dessein capitaliste derrière l’expérience Westworld que je ne dévoilerai pas. Il est dommage que les interrogations philosophiques sur l’intelligence artificielle soient mises de côté au profit d’enjeux plus simples. Les producteurs auraient pu prendre des voies plus déroutantes pour raconter ces créatures qui se révoltent et conquièrent leur liberté. La thématique très pessimiste et pas nouvelle de soulèvement des robots – cf. Terminator –produit à la fois beaucoup d’actions et des péripéties très artificielles. Il y a quelques aventures au temps des samouraïs qui sont là pour rallonger la sauce narrative. La richesse des personnages, les méandres temporels et spatiaux (superbes paysages) et surtout les interprétations bluffantes de Thandie Newton ou de Jeffrey Wright maintiennent l’intérêt.

Westworld, littéralement « Monde occidental », produit des images très signifiantes du monde d’aujourd’hui. Notamment des Etats-Unis dont il éreinte les mythes fondateurs. Les westerns rejoués par les visiteurs du parc dégorgent de violence et de cupidité. Le passé est sanglant mais il perdure dans le présent. De l’époque contemporaine, Westworld ne montre que deux choses : la sauvagerie du western qui se rejoue dans le parc entre hommes et humanoïdes, la sauvagerie d’un monde techno-capitaliste hors du parc, qui n’est peuplé que de cadres cyniques et d’ultra-riches. C’est une métaphore évidente des Etats-Unis (et du reste des pays riches), coupés entre classe possédant et exploitant les technologies et gens ordinaires livrés aux bas instincts. Ce n’est sans doute pas un hasard si cela se produit en cette ère de colère trumpienne ! Le personnage de Dolores, jeune femme douce et aimante, archétype très « maison dans la prairie » qui, flouée, se soulève contre les humains, représente ce petit peuple qui veut en finir avec une élite corrompue et manipulatrice. Si le récit déjà alambiqué s’alourdit parfois d’effets faciles, les images sont d’une puissance incontestable. La dystopie n’est pas parfaite mais elle fonctionne. J’ai hâte de découvrir la saison 3…

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