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Tenet (Christopher Nolan)

Jeu sur les différentes temporalités d’une même action (Dunkerque), distorsion du temps dans l’espace (Interstellar), temps du rêve enchâssé dans celui du réel (Inception), on mesure de film en film la dimension conceptuelle du cinéma de Christopher Nolan. C’est comme si chaque récit se présentait comme un puzzle mais avec des pièces de dimension particulière. On lui fera le reproche de complexifier des choses simples. C’est un réalisateur du système hollywoodien, pourquoi ne se contente-t-il pas de fabriquer de grosses machines efficaces et réfléchies comme le fait Denis Villeneuve par exemple ? Je l’ai dit autre part, le plaisir du concept sophistiqué allié aux standards du film d’action ne m’a pas toujours enthousiasmé chez ce cinéaste : oui à Interstellar, non à Inception. Quand le concept n’étouffe pas la dimension épique, je suis preneur.

Ce que fait Nolan avec Tenet, c’est revivifier les schémas rebattus d’un James Bond et ça me plaît. Tenet est un film d’action et d’espionnage vrillé par des concepts de science-fiction. The protagonist, incarné par John David Washington doit empêcher le milliardaire et trafiquant Andrei Sator (Kenneth Branagh) de détruire le monde. Sator dispose d’une technologie algorithmique permettant aux objets et aux êtres humains de revenir du futur. Dans notre temps « normal », une cause entraîne des conséquences (une balle est tirée et brise une vitre). Dans ce temps nouveau, la conséquence précède la cause (une vitre brisée renvoie la balle dans son arme). Si Sator récupère l’ensemble des éléments de cette technologie dispersés par une main du futur alors il pourra anéantir l’univers.

Comme Matrix avant lui Tenet brise les lignes du film d’action classique. Dans un James Bond ou un Mission : Impossible, il s’agit toujours de lutter contre un compte-à-rebours. Il faut agir sur le présent pour empêcher les conséquences futures d’une machination. Ici, la technologie inversée donne la possibilité de revenir dans le passé pour changer le futur. Mais la mécanique est paradoxale et insoluble. Si je tue mon grand-père dans le passé, comment pourrais-je naître et accomplir cette action ? Le spectateur est parfois embrouillé par l’intrigue et se demande ce qu’il se passe. Le montage est nerveux et dans les dialogues débités comme des balles de mitrailleuse, filmés en champ-contrechamp, Nolan crée sans cesse l’impression que les acteurs en savent déjà plus que ce qu’il y a dans le présent. Quand the protagonist discute avec Neil, le jeu et le regard de Robert Pattinson donnent l’impression qu’il a connaissance du dialogue avant qu’il se dise. Tenet est à ce point dans l’accélération qu’il finit par rattraper ce qui va arriver. Toute la séquence de recherche du plutonium à Talinn est une poursuite du futur dont les conséquences vont pousser le héros à revenir faire un tour dans le passé.

Le tourniquet temporel permet de repartir dans le passé pour changer le cours des choses, ce qui est en soi vertigineux. Faire se croiser deux trajectoires est audacieux : dans le présent j’affronte le futur / dans le passé je répare le présent. Dans ce jeu de possibles, je peux tomber sur moi-même et finir par m’affronter ! Inutile de se munir de doliprane pour assister au film, Christopher Nolan enchaîne les séquences spectaculaires avec virtuosité. On apprécie le brillant montage alterné, parfaitement maîtrisé entre la séquence d’attaque en Sibérie et le retour de Kat (Elizabeth Debicki) au Vietnam. On se laisse embarquer dans ce mouvement de flux / reflux de l’action sans tout maîtriser. On se promet de le revoir pour saisir tous ces indices qui nous ont échappé : Arepo ? La ficelle rouge ? Le carré SATOR de Pompéi ? Dans sa vivacité constamment entretenue, Tenet m’a donné le plaisir d’être une boule de flipper, projeté vers une bobine qui va me renvoyer vers mon point de départ.

Nolan est-il un truqueur ayant trouvé une recette à base d’action et d’embrouille spatio-temporelle ? Jouer avec le temps n’est pas stupide, se justifie-t-il un moment, décrivant dans le dialogue notre présent numérique comme une anticipation permanente du futur. Envoyer un mail ou chatter c’est initier un dialogue avec le futur. D’ailleurs notre époque est obsédée par le futur et ses possibles conclusions apocalyptiques. On nous parle d’un compte-à-rebours inéluctable vers 2030 si nous ne faisons rien concernant le réchauffement climatique. On anticipe les catastrophes que produiront la génétique, la 5G ou les robots.

Pour faire écho à quelques polémiques passées, on peut dire qu’après Daniel Craig, James Bond est de nouveau incarné et il est noir (John David Washington) ! L’espion qui sauve le monde a en tout cas ici une dimension bien plus intéressante que 007. Maîtrisant aussi bien l’action que le concept, Nolan en a inventé une forme du futur, tordue et trépidante.

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