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Netflix : Athena (Romain Gavras)

C’est la première production Netflix que je chronique dans ce blog. Je ne le fais hélas pas par enthousiasme, bien au contraire. La plateforme VOD a un savoir-faire incontestable, c’est son habileté publicitaire. Dès qu’elle sort une nouveauté, on le sait et on a envie de voir. N’étant pas un fan de séries, davantage un cinéphile, je suis peu sensible à son ergonomie colorée et à sa séduction algorithmique. Je suis vieux jeu, de tendance à me précipiter sur la liste des « classiques ». Mais interpelé par une bande-annonce de style « guerre civile », j’ai opté pour Athena, réalisation de Romain Gavras, « fils de » dont Le monde est à toi m’avait bien plu.

Athéna est ici le nom d’un quartier de banlieue (une cité) et fait évidemment référence à la déesse grecque de la sagesse et de la stratégie militaire. L’endroit vient de perdre un de ses enfants, Idir, 13 ans, abattu par des policiers, c’est ce que semble révéler une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Le film démarre au moment où Abdel (Dali Bensallah) en appelle au calme pour son petit frère, prélude d’une énième marche blanche. Mais son cadet Karim (Sami Slimane) décide de soulever les jeunes. Cocktails molotov, pillage du commissariat et vol d’armes : la paix fait place à la guerre. Le film démarre par un plan séquence virevoltant. Karim dirige ses troupes furieuses comme un chef militaire aguerri. Gavras prend plaisir à entrecroiser les plans séquences, à multiplier les ralentis et à faire voler sa caméra comme un oiseau survolant une bataille antique. C’est assez impressionnant au début mais ça laisse une impression mitigée. Le style pompier envahit tout et le cinéaste se prend pour un Eisenstein version banlieue. Les jeunes retournent dans leur cité avec leurs prises de guerre. Sur des chœurs d’opéra, le fourgon de police volé, escorté par des motocross et arborant fièrement un drapeau français, fait char soviétique entrant dans Berlin !

La cité se vide de ses habitants. Les CRS arrivent. Il ne reste plus que les révoltés qui cassent tout, les trafiquants de drogue qui protègent leurs avoirs et un type louche nommé Sébastien (Alexis Manenti) qui est revenu de la Syrie et dont on se demande à quoi il va servir. Maintenant que les CRS attaquent, la pyrotechnie s’amplifie et on comprend que le cinéaste s’est surtout enivré de sa féérie guerrière au détriment de l’écriture du film. Ça n’est pas parce que chaque personnage représente un archétype qu’il fallait le dépouiller de toute épaisseur. Les trois frères banlieusards qu’on nous dépeint sont des caricatures. Abdel est le frère discipliné, le personnage de devoir. Karim le plus jeune incarne la colère et la révolte jusqu’au sacrifice. Quant à Mokhtar (Ouassini Embarek), il est le fils dévoyé, corrompu par la délinquance, qui ne pense qu’à sa gueule. On serait donc dans la grande tragédie grecque ? Pour ajouter une louche de clichés, on nous a gratifié de la maman « qui a beaucoup souffert » et qui s’inquiète pour ses fils. Ajoutons qu’il y a au casting Anthony Bajon en CRS perdu, sympathique acteur mais qui n’aura pas une ligne de dialogue intéressante pour lui.

Ce qui frappe dans Athena, c’est le manque total d’intelligence et de subtilité sur son sujet. Il part du fantasme assez répandu que les banlieues sont des zones de guerre en puissance. Fantasme qui justifie pour certains qu’on y envoie l’armée. A voir les jeunes de la cité Athena piller et se préparer au combat sans être capable de débiter une parole intelligible, on se dit qu’on a affaire à des barbares et qu’il faut y envoyer la Légion. On en oublie qu’ils réclament justice pour la mort d’Idir. Gavras n’essaie jamais d’infléchir cette vision grossière, trop occupé qu’il est à faire joujou avec sa caméra. Ses personnages ne disent rien, ne réfléchissent pas et n’émeuvent jamais. Ballotés par les événements, complètement abrutis, ils ne sont jamais inspirés par Athena. La sagesse et la politique les ont abandonnés et le spectateur voit les promesses du film s’étioler. Il n’y a rien d’intéressant dans ce film, pas une parole qui choque ou interpelle. Tout est dans le battage et la gonflette esthétique, ça en est triste.

Le cinéaste a paraît-il voulu « sublimer le réel dans la mythologie ». A la place, il a produit du vide. Meilleure ligne de dialogue, quand le fameux Sébastien de Daesh ouvre enfin la bouche pour dire : « Eh ma sœur, va me chercher un Tropico ». Voilà, merci Netflix, je retourne à mes « classiques » !

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