Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Elvis (Baz Luhrmann)

Tout simplement Elvis, sans le nom de famille dans le titre, comme pour dire son affection. Pour le réalisateur Baz Luhrmann, le chanteur mythique de la culture populaire a tellement aimé la scène et le public qu’il était légitime de lui rendre cet amour. En 2H39 donc le cinéaste australien livre un portrait positif et généreux de l’idole, de son éclosion jusqu’à sa mort. Elvis est dépeint comme un être bon et innocent, détruit par la cupidité de son agent le Colonel Parker. Derrière l’artiste solaire sur scène, joliment incarné par un Austin Butler à la face angélique, magouille une grosse limace doucereuse, habilement jouée par Tom Hanks. Le film est donc marqué par la dualité entre deux corps qui se complètent plus qu’ils ne s’affrontent : le corps juvénile et débordant d’énergie du performer, le corps lent et boursouflé du businessman.

Terrassé par le montage épileptique de Gatsby (vite abandonné), n’ayant aucun souvenir de Moulin Rouge, un peu de son kitsch Roméo + Juliette, je ne suis pas du tout client du cinéma clinquant et boursouflé de Luhrmann. Mais s’il y a bien un sujet qui se prête au clinquant et aux excès, c’est celui d’Elvis Presley. Elvis est un film musical et frénétique, foisonnant visuellement, plein d’une énergie fervente qui donne envie de danser. Sa première partie est mue par la joie communicative du corps qui se libère. Elvis enfant apprend la transe aux côtés des paroissiens noirs et cette énergie qu’il découvre il la transmet ensuite par ses déhanchements. Sans faire de discours mais en utilisant le montage, Luhrmann montre ce qu’un corps déchaîné et sexualisé par la musique peut avoir de subversif dans une société puritaine et raciste. Très vite, le chanteur est considéré comme un danger public et un criminel. Non seulement il n’a rien contre les noirs et leur musique mais en plus il contribue au rapprochement entre les « races » !

Cette première phase ascendante est la plus enthousiasmante du film. Elle ne lésine pas sur les effets de montage électrisants, les split-screens et inserts graphiques. Mais comme dans tout biopic, il y a la face obscure du succès et puis la chute qui finit par se voir physiquement. Alors que nous connaissons tous la déchéance physique du King, sa métamorphose progressive en pantin enflé et hagard, Luhrmann retarde au maximum la vision d’un Elvis corrompu physiquement. Malgré les pilules et piqûres qui l’assomment ou le remettent d’aplomb, il en garde une image immaculée. Son film peut se voir comme la lutte entre un ange éternel et une figure démoniaque qui finira par l’emporter. Cela peut paraître naïf mais on a compris que Luhrmann travaille son portrait comme une enluminure christique. Son Elvis est un type gentil, généreux et qui fait confiance spontanément. C’est un enfant perdu qui ne peut se passer de l’amour de sa maman. Pour survivre à un monde aussi pervers et destructeur, ce saint avait besoin d’un mentor filou en la personne de Parker mais il a fini par en mourir.

Ce scénario manichéen est totalement assumé et sur la fin il crée quelques longueurs. Le film insiste un peu lourdement sur les manœuvres de Parker pour bloquer son poulain à Las Vegas. 20 minutes en moins auraient été utiles ou il aurait fallu explorer quelques failles du personnage. Découragé par son mentor, Elvis ne faisait pas de politique. Il est décrit comme libéral et plutôt pro-démocrate, toutefois réticent à s’exprimer publiquement. Mais on sait par de nombreuses lectures, qu’il était anti-hippie, réactionnaire et faisait beaucoup joujou avec les armes à feu. N’a-t-il pas rencontré le président Nixon en 1970 pour lui proposer d’être agent fédéral, engagé dans la lutte contre la drogue ? Cf. le film Elvis & Nixon sorti en 2016. Quelques éléments auraient pu introduire un soupçon de discordant dans cette histoire édifiante.

Si le spectateur ne s’ennuie pas alors que Parker complote pour garder sa poule aux œufs d’or, c’est par la grâce de numéros musicaux, comme son extraordinaire Comeback de 1968 ou bien son premier gala à l’hôtel International de Las Vegas, bourré d’énergie. La musique est superbe et on aurait adoré y être. Pour tout dire, on passe un très bon moment devant ce film plein d’éclats qui contribuera à faire connaître le King à de nouvelles générations.

Les commentaires sont fermés.