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Jean-Paul Belmondo (1933-2021)

Avec Jean-Paul Belmondo parti aujourd’hui, c’est une partie de mon enfance qui s’efface. Ayant grandi dans les années 80, j’en ai consommé du Bebel ! Pas le plus raffiné ni toujours le meilleur : à l’époque on se rassemblait en famille devant l’une des trois chaînes pour regarder pour la énième fois Le guignolo, L’As des as, Flic ou voyou, L’animal (avec Raquel Welsh !), Le Professionnel (musique d’Ennio Morricone) ou Les morfalous. Parmi ces films à grosses ficelles, bâtis pour lui, souvent drôles, il y en avait de plus beaux et de plus culte que je peux revoir sans hausser les épaules : Cartouche de Philippe de Broca où il joue ce voleur insaisissable qui fait tourner en bourrique les puissants, Les mariés de l’an deux de Jean-Paul Rappeneau où son personnage esquive les dangers de la Révolution Française et de la Terreur, Le magnifique de De Broca dans lequel en Bob Sinclar il parodie et ridiculise les clichés des SAS et autres espions de pacotille. Je pourrais citer aussi L’homme de Rio ou Les tribulations d’un chinois en Chine mais j’avoue ne pas avoir beaucoup vu ces deux films qui ont tant fait pour son aura.

J’ai un amour pour son personnage insolent et bravache mais je trouve qu’il est devenu caricatural à l’écran à partir des années 70. A un certain point, la caméra ne semblait tourner que pour le mettre grossièrement en valeur. Il pouvait exhiber ses biscottos et son bronzage, montrer ses dents blanches et lâcher quelques répliques concoctées par Audiard, il était moins intéressant en star virile du box-office français rivalisant avec Delon. Il y a un passage dans Peur sur la ville de Henri Verneuil (1975) dans lequel le Commissaire Letellier joué par lui s’écrie qu’il n’est pas là pour faire dans la psychologie et qu’il préfère employer ses muscles pour attraper Minos. Soudain, la star Belmondo clame qu’elle n’a que faire des trucs intellectuels et qu’elle n’est plus là que pour les cascades. Peur sur la ville marque justement le spectateur pour son personnage de serial killer psychopathe et pour ses séquences à haut risque sur les toits de Paris. L’acteur se met réellement en danger. Il tournait Stavisky un an avant. On dit qu’il a été irrité par l’accueil tiède pour le film de Resnais et qu’il se serait juré de ne plus s’acoquiner avec le cinéma d’auteur. Il s’est peu à peu transformé en star hyper macho, ce qui était déjà le cas avec Borsalino (Deray) ou Le Casse (Verneuil) et a abouti à ses rôles de commissaire « le magnum sur les balloches » dans Le Marginal (Deray, 1983) ou Le Solitaire (Deray, 1987), assez médiocres.

Bien après les années d’enfance, j’ai découvert Le Doulos (Melville), Classe tous risques (Sautet), A bout de souffle et Pierrot le fou (Godard) que j’aime particulièrement mais étrangement je ne l’ai jamais envisagé comme objet de culture cinéphile. Belmondo a joué dans quantité de très bons films mais pour moi il appartient plus à la culture populaire qu’à celle des élites. Belmondo c’est le héros français de mon enfance, c’était plus qu’une star de cinéma, c’était un modèle d’homme auquel je voulais ressembler étant petit. Si puérile que cela puisse paraître, pour moi un vrai homme c’était ce genre de mec bravache, casse-cou mais toujours charmant et spirituel. Pouvant s’accrocher à une gouttière au-dessus du vide ou à un hélicoptère, il retomberait sur ses pieds et ne manquerait pas de lancer un clin d’œil complice à une jolie femme. Je conviens du côté machiste de ces rôles et en même temps de la force d’attraction de cette figure sensationnelle pour un garçon timide comme je l’étais, pas casse-cou ni à l’aise avec les filles. Sans le vouloir donc, Belmondo a contribué à ma formation virile et à sa propre crise. J’ai mesuré douloureusement l’écart entre ma personnalité et ce modèle d’homme à l’aise en toute circonstance que j’aurais bien aimé être et que je ne serai jamais (pas grave !).

Les hommages évoquent aujourd’hui cet homme qui aimait la vie, un cliché mais qui m’a toujours semblé vrai le concernant. On ne peut imaginer Belmondo sans un sourire optimiste, sans une impression de joie et de santé qui éclatait à l’écran. Alors comme j’aime bien les contrepieds et que tout le monde se jettera sur les diffusions hommages comme Le Magnifique ou Un singe en hiver, un petit conseil pour voir un Belmondo rare et différent (triste !) : le tragique La Viaccia (1961) de Mauro Bolognini où il joue un jeune homme taiseux et lunaire face à Claudia Cardinale.

Belmondo est mort, hélas, et je lui rends grâce pour tout le plaisir qu’il m’a procuré.

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