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Official secrets (Gavin Hood)

On n’en finit plus de payer les conséquences de la seconde Guerre du Golfe et des erreurs américaines au Moyen-Orient. Si quelques films ont pu témoigner, avec plus ou moins de force, du malaise des militaires en opération (Démineurs de Kathryn Bigelow, Jarhead de Sam Mendes, Green zone de Paul Greengrass, American sniper de Clint Eastwood), ceux traitant des coulisses politiques de cette guerre sont rares. Le cinéma récent a peu traité de la légitimité de cette guerre et des conditions douteuses de son déclenchement. En début d’année, Vice d’Adam McKay a dénoncé en la personne de Dick Cheney le cerveau malhonnête de cet immense gâchis. Le vice-président de Bush junior était le plus grand promoteur du mensonge en politique. Alors que dans Vice le sujet de la manipulation se plaçait sous le registre de la farce féroce, Official secrets de Gavin Hood est un film beaucoup moins fracassant qui met en lumière le rôle des lanceurs d’alerte.

2003. Katharine Gun (Keira Knightley) travaille comme traductrice aux services de renseignement du gouvernement britannique. Les accusations américaines et les pressions contre Saddam Hussein s’amplifient, la guerre est proche. Elle reçoit un jour un mémo des services américains informant leur allié qu’ils vont espionner les membres du Conseil de sécurité. Ils obtiendront ainsi des moyens de pression pour pousser à une résolution en faveur de la guerre. Katharine Gun ne supporte pas le mensonge ni la manipulation auquel se prête le gouvernement de Tony Blair. Encourant l’accusation de haute trahison, elle décide de laisser fuiter le mémo afin de freiner son gouvernement. Official secrets raconte à la fois le cheminement de l’information jusqu’à l’Observer, journal pro-Blair et l’instruction judiciaire à laquelle l'héroïne doit se soumettre. En agissant contre son gouvernement, Gun est-elle coupable de trahison ou a-t-elle agi dans l’intérêt de son pays pour freiner une guerre illégale ? Le film, « basé sur une histoire vraie », a des allures de thriller mais c’est d’abord un plaidoyer en faveur de deux piliers de la démocratie moderne : le droit à l’information et la stricte défense de la légalité.

La première heure s’apparente donc à un thriller de bureau comme on en a vu plein. Le rythme est tendu, les décors et la lumière sont sombres, la musique est oppressante. Pour clarifier les rôles, on présente les principaux acteurs de l’engrenage en surimpression. Katharine Gun est soumise comme ses collègues à des interrogatoires. Pour l’incarner sans la rendre glamour, une Keira Knightley sans maquillage campe un personnage à la fois modeste et intransigeant. Pâle, crispée, nerveuse, elle interprète d’excellente manière une citoyenne ordinaire sous pression. Le scénario démontre sans cesse sa probité : chaque fois qu’elle doit prendre une décision capitale (se dénoncer ? plaider coupable ?), elle opte pour ce qui va vers le bien commun et elle se semble se moquer de son propre sort.Très beau personnage mais qui ne suffit pas à rendre le film mémorable.

Official secrets est hélas beaucoup trop modeste pour nous emporter. Dès lors que le thriller d’espionnage laisse la place au thriller juridique, il s’essouffle de lui-même en plaidoyer plan-plan et linéaire, malgré la présence de Ralph Fiennes, avocat de Katharine. Ce qui est dit vient quinze ans trop tard : le gouvernement Blair a menti, cette guerre était illégale, le mensonge en politique c’est très mal ! On pourrait me rétorquer que dans cette ère de fake news et de fourberies politiques éhontés, il est bon de rappeler les rôles essentiels de la presse et des tribunaux. Il est bon aussi de faire incarner le bien par une femme modeste et sans prétention. Mais Vice avait pour lui le sens de la démesure et du grotesque alors qu’Official secrets manque trop d’envergure et de moments forts pour sortir le spectateur de l’apathie.

Trop peu trop tard pourrait-on en conclure. Katharine Gun a fait preuve d’une honnêteté admirable mais ce film sonne comme une petite voix coupable et tardive pour les britanniques, la voix de la mauvaise conscience pour avoir soutenu une guerre catastrophique. Ce n’est pas grand-chose, pas suffisant pour faire un film célèbre ou compter parmi les meilleurs thrillers récents mais si on aime Keira Knightley, on pourra regarder ce film en e-cinéma à partir du 2 janvier 2020.

En e-Cinema / VOD depuis le 2 janvier 2020, édité par Wild Bunch (site et page Facebook)

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