Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Skin (Guy Nattiv)

Pourquoi les distributeurs de Skin, production américaine réalisée par l’israélien Guy Nattiv n’ont pas pris le risque de le faire sortir en salle en France ? Ils ont peut-être estimé que cette histoire véridique de rédemption d’un néo-nazi avait peu de chance d’intéresser le public français. Passer pratiquement 2 heures dans l’Amérique glauque des petites villes abandonnées avec un pauvre connard tatoué et son chien, c’est vrai que ça ne fait pas rêver. On peut toutefois se montrer curieux du destin de Bryon Widner, « skinhead le plus célèbre des Etats-Unis » (lu dans un article en ligne) et de l’interprétation qu’en fait Jamie Bell, l’acteur de Billy Elliot. Les films les plus réussis peuvent reposer sur ce type d’incarnation sidérante, on l’a vu cette année avec Joaquin Phoenix dans Joker.

Le cinéma américain chérit les histoires de rédemption, Bryon Widner lui en a fourni une exceptionnelle. Cet homme issu d’une famille déstructurée, récupéré à l’adolescence par un couple de fascistes aux obsessions vikings, Fred Krager (Bill Camp) et Shareen (Vera Farmiga), est passé en quelques années de criminel raciste à adepte de la tolérance raciale. De marginal à père de famille "normal". Comme son titre l’indique, Bryon porte sur lui, sur sa peau, la marque de sa marginalité de skinhead. Le récit linéaire de sa transformation est entrecoupé d’images d’opérations médicales dont on ne comprend pas tout de suite la signification. Pour devenir un homme au sens noble, Bryon doit se débarrasser de cette peau tatouée (skin) qui enlaidit sa tête (head). C’est par la rencontre d’une mère célibataire de trois filles, Julie (Danielle McDonald) que le skinhead commence à changer. L’évolution chaotique de ce couple n’échappera pas à un certain pathos. Il faut à la fois s’arracher à la condition de brute fasciste, se détacher de la meute tout en gagnant la confiance d’une femme marquée par des épreuves personnelles. Notons que cette femme n’est pas incarnée par une jolie star qui se serait enlaidie mais par une actrice ronde tout à fait crédible pour un rôle de personne « normale ». Skin peut s’apprécier comme un mélodrame solide et classique mais sans grande surprise sur la rédemption d’un type a priori irrécupérable.

Désespérance de petites gens

L’intérêt de Skin réside dans sa forme soignée et dans de nombreux détails de fond qui donnent de l’épaisseur explicative à son sujet. C’est l’Amérique mais pas celle de la réussite individuelle et du big business. Les plans aériens montrent des  villes anonymes, des terrains vagues et des abords de routes encadrées de forêts grises. Sous un pont on croise des adolescents qui cassent des bouteilles pour tromper l’ennui. Ces jeunes issus de familles brisées sont des proies faciles pour Fred et Shareen. Il suffit de leur donner à manger et quelques bouteilles de bière puis de les embrigader dans un groupe viril, en parfumant le tout de mythologie nordique assez débile. Le choix du film a été de présenter ces groupes de suprématistes blancs comme des sectes prospérant sur la désespérance de petites gens et de jeunes hommes marginalisés. La question de la famille est centrale ici. Quelques dialogues évoquent des liens parentaux brisés. En rencontrant Julie et ses filles, Bryon se confronte à un univers féminin sans biture, violence ni virilité toxique. Il rencontre une vraie famille et réalise que Fred et Shareen, appelée Ma, en constituent une fausse. Il est dommage que le personnage de Shareen, subtile et intriguant grâce à Vera Farmiga, n’ait pas été plus fouillé. Comment cette femme prédatrice a pu se construire une communauté fidèle de nazillons paumés ?

Guy Nattiv a bâti son film sur une histoire vraie, exceptionnelle en soi mais qui limite le propos à une question individuelle. Si la mue de Bryon a débuté avec Julie, elle s'est concrétisée grâce au militant afro-américain Daryle Jenkins (joué par Mike Colter), fondateur de One People's Project. Cette association débusque les groupes fascistes pour faire condamner leurs membres ou les déradicaliser. Évacuant cet activisme en quelques rapides minutes, assimilant les groupes suprématistes à des sectes, Skin se montre frileux et peine à parler franchement du contexte politique et racial aux États-Unis. Le film est davantage focalisé sur la masculinité dégénérée de Bryon, appelée à se normaliser (il finira père de famille) que sur son racisme et celui des skinheads. Cela n’enlève rien au travail réussi des acteurs, tous crédibles dans des rôles peu gratifiants, Jamie Bell en tête.

En DVD, Blu-Ray et VOD depuis le 3 décembre. Editeur : Lonesome Bear (site de l'éditeur).

Autre lien (sans rapport avec le film) : les films d'horreur les plus appréciés

Les commentaires sont fermés.