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Au revoir là-haut (Dupontel)

Le dernier film d’Albert Dupontel soulève les foules enthousiastes. Cela faisait longtemps qu’un film français « commercial » n’avait réconcilié public et critique. Il faut dire que cette adaptation du prix Goncourt 2013 de Pierre Lemaitre est d’une grande ambition formelle. Le travail de la caméra, la photographie, la musique, les décors et costumes ont fait l’objet d’un grand soin. Sa sophistication formelle place le film à plusieurs coudées au-dessus de la production française. Au moins, le spectateur en quête de réel cinéma ne se paie pas un énième téléfilm à la photo moche, reposant seulement sur la performance de ses acteurs.

A la veille de l’armistice qui va mettre fin à la guerre 14-18, Edouard (Nahuel Perez Biscayart) et Albert (Albert Dupontel) échappent de peu à la mort, au cours d’une bataille inutile initiée par l’affreux Capitaine Pradelle (Laurent Lafitte). Hélas pour lui, après avoir sauvé Albert, Edouard se retrouve invalide de guerre, salement amoché. Albert et Edouard doivent survivre dans la France de l’après-guerre. Albert est un brave type, français modeste acceptant des petits boulots pour s’en sortir. Edouard, fils de Péricourt (Niels Arestrup), homme richissime, refuse de retrouver ce père qui lui a toujours dénié sa vocation d’artiste. Albert étant le dernier à avoir connu Edouard, passé pour mort, il est introduit chez les Péricourt. Il accepte de travailler pour le vieil homme qui a pris Pradelle comme gendre. Dans un pays aux mains d’affairistes et de patriotards, les deux rescapés montent une arnaque aux monuments aux morts, façon de régler leurs comptes avec cette France qui les envoyés à la mort.

Richesse en sujets et en guimauve

Condamnation de la boucherie guerrière, tendresse pour les petits contre les puissants, célébration de l’Art contre l’Argent, réquisitoire contre la cupidité. Je n’ai pas lu le roman de Pierre Lemaitre. A la vue de son adaptation, on devine qu’il a fallu élaguer l’histoire de ses nombreux sujets. Du point de vue formel, le film reflète cette richesse thématique en se voulant un hommage multiforme aux grands du cinéma. On voit donc le Kubrick des Sentiers de la Gloire dans les tranchées, un hommage à Chaplin et à Buster Keaton transplanté dans le Paris d’après-guerre, une esthétique visuelle renvoyant aussi au cinéma fétichiste de Jean-Pierre Jeunet. Il y a ce goût de la photographie sépia, des masques très élaborés et souvent magnifiques, créant le contrepoint poétique d’une époque sordide.

Hélas, cette attention forcenée à la joliesse et aux mouvements de caméra sophistiqués  se fait au détriment de l’intrigue et de l’épaisseur des personnages. Quand même, ce n’est pas rien de monter une arnaque aux monuments aux morts dans la France des anciens combattants de 1918 ! Dupontel en fait juste une mauvaise farce alors qu’il y avait de quoi produire un brûlot anarchiste bien saignant. Il a voulu associer profusion poétique et récit plus réaliste mais le côté mignon l’emporte sur l’arnaque grinçante. Tout cela est trop chargé en guimauve. Comme par hasard, Au revoir là-haut est excellent jusqu’à ce que ses personnages quittent la vie militaire. Difficile de faire dans le gnangnan dans les tranchées !

Personnages réduits à des marionnettes

Parlons des personnages. Pradelle est un sale type qui se fait de l’argent sur la récupération des dépouilles de soldat. Le rôle écrit pour Laurent lafitte est mince, c’est un juste un salaud, rien de plus à comprendre. Les rôles féminins, tenus par Mélanie Thiery et Emilie Dequenne sont à peine plus intéressants. On dira qu’ils sont décoratifs. Quant à Niels Arestrup, il reproduit son éternel numéro de paternel écrasant, sans surprise. Dans un film où la plupart des personnages sont réduits à des marionnettes, on ne s’étonnera pas que le meilleur rôle soit celui d’Edouard, pantin masqué et sans voix, incarné avec grâce par Perez Biscayart. Ce manque d’épaisseur fait que les séquences intimes, sans visée spectaculaire, sont ratées et prévisibles. Que se passe-t-il quand Albert est invité pour la première fois chez Péricourt ? Rien qui ne soit surprenant : il est gauche, un point c’est tout. Simple, me direz-vous ? Non, simpliste.

Mais voyons, je n’ai rien compris ! C’est une fable poétique ! Bien sûr et même un beau spectacle mais la volonté de Dupontel de faire fabuleux, gentil, onirique à chacun de ses plans inhibe le film. Trop d’effets...

Commentaires

  • Bonjour Français,

    Je ne qualifierai par Au revoir là-haut de film poétique mais plutôt de film baroque (les masques contribuent à cet aspect). Albert Dupontel en privilégiant sciemment la comédie (voie le burlesque) au drame visait à faire un film populaire. Une volonté renforcée par le fait que les photogrammes du film ont fait l'objet d'une colorisation en post-production durant deux mois. Il est dès lors difficile de juger la photographie du film.
    Tes griefs sont recevables et j'en partage certains : https://incineveritasblog.wordpress.com/2017/10/26/au-revoir-la-haut-populaire-et-ambitieux/ . Mais je pense que tu places face à ce film des ambitions qui n'étaient pas celles du réalisateur.

  • Ton analyse des masques est très intéressante, c'est un aspect que je n'avais pas pris en compte. Je suis moins positif que toi sur les acteurs (Lafitte, Dupontel, même Vuillermoz) qui ne m'ont pas vraiment ému car Dupontel utilise beaucoup le registre de la caricature et du burlesque. Je n'aime pas tellement ces registres quand c'est dessiné à gros traits rapides. Comme il y a beaucoup de personnages aussi, le film a du mal à ménager du temps pour chacun. Mes goûts me portent vers des films plus concis et réalistes mais évidemment il y a toujours des exceptions...

  • Oui, il y a un déséquilibre dans le traitement des personnages. Comme je l'indique chez moi, les protagonistes féminins sont délaissés. J'ai titré mon article "Populaire et ambitieux" car je trouve ce film ambitieux sur la forme (du vrai cinéma) et en partie sur la narration également malgré le déséquilibre constaté entre les personnages. Je privilégie aussi le qualificatif "populaire" car, malgré le sujet du film, Dupontel a réalisé un film tout public.
    Félicitation pour ton blog. Mettre "Les choses de la vie" et "Les mystères de Lisbonne" en avant dénote de goûts cinématographiques qui ne sont pas pour me déplaire.
    Si je peux me permettre, il manque deux choses :
    - un système d'abonnement (tu publies un articles et tes abonnés reçoivent dans leur messagerie un avis à venir lire ta publication)
    - un page listant les films que tu as chroniqué. J'en maintiens deux sur mon blog : 1 par titre de film et 1 autre par réalisateur
    Pour le système d'abonnement, chez Wordpress où je suis, ça se gère très facilement. J'imagine qu'il y un équivalent chez haut et fort.

  • J'ai déjà eu la question pour informer de la publication des nouveaux articles. Dans hautetfort, il faut payer un abo pour avoir une fonction "newsletter" donc ce n'est pas tranché pour moi. Une page liste des titres chroniqués: je vais regarder comment tu fais sur ton blog et voir si moyen de faire qqchose ici

  • Pour ton information, je suis chez Wordpress et je dispose de cette fonction d'abonnement et de pas mal d'autres options alors que j'utilise la version gratuite. J'ai ouvert mon blog il y a près de deux ans et je n'ai jamais constaté le moindre problème de fonctionnement.

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