Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

The square (Ruben Östlund)

The square est un carré aux bords lumineux placé devant un musée d’art contemporain de Stockholm. C’est une œuvre conceptuelle se présentant comme espace de générosité et d’altruisme. A l’intérieur, les êtres humains se retrouvent égaux. Christian (Claes Bang), conservateur du musée, se réjouit de questionner la capacité de l’individu occidental à faire preuve de bonté. Mais le film est une critique sociale qui se veut corrosive. Notre bourgeois suédois « éclairé » se retrouve donc face à ses contradictions. Dans la rue, il croit aider une jeune femme agressée mais se fait voler son portefeuille et son téléphone. Il parvient à géo-localiser son téléphone dans un immeuble d’un quartier pauvre de la capitale. Au lieu d’interpeller ses voleurs, il dépose dans toutes les boîtes de l’immeuble une accusation de vol. Cette démarche présentée comme lâche va lui revenir comme un boomerang et le plonger dans le désarroi. Pendant 2H30, Ruben Östlund nous aura dit tout le mal qu’il pense du bobo suédois et de cette société social-démocrate faussement généreuse.

Misanthrope et déplaisant

La palme d’or 2017 a récompensé un film misanthrope et déplaisant. Je ne comprends pas pourquoi le jury de Cannes s’est enthousiasmé pour cette mise en scène rigide et distante, dans laquelle le réalisateur pointe du doigt, toujours de très loin, le ridicule de ses personnages. Il isole à dessein chacun de ses acteurs. Rares sont les plans où ils partagent le cadre. Ruben Östlund ne s’intéresse d’ailleurs pas à eux, il ne fait que montrer des situations sociales produisant du ricanement. Tout semble calculé et étiré pour notre plus grand agacement. La séquence où Christian pénètre avec son assistant dans le quartier de ses voleurs est interminable et appuyée. Le bourgeois conducteur de Tesla a les boules de croiser des pauvres et cela ne changera pas. Le scénario est tellement enfermé dans ce schéma critique qu’on ne peut éprouver que du mépris ou de l’indifférence pour Christian.

Quant à l’étrangeté, souvent liée au caractère factice de l’art contemporain, elle semble plaquée sur le récit et ne le contamine jamais. Il n’y a rien qui déraille et qui déstabilise comme chez Buñuel ou Ferreri, grands contempteurs de la bourgeoisie. Quand Östlund met en scène de façon plutôt réussie le banquet avec le performer ou la scène de sexe entre Christian et la journaliste américaine (Elisabeth Moss), il ne conclut rien, il interrompt les séquences. En contrepoint des discours prétentieux de l’art contemporain, il se sert de plans de SDF pour nous faire comprendre que c’est de la mascarade, que les questionnements soi-disant humanistes rattachés aux œuvres sont grotesques. La critique et la caricature de l’art contemporain sont des poncifs faciles. Östlund, qui baigne dans cet univers, donne au public ce qu’il a envie d’entendre. Rien de plus facile que la scène de la conférence interrompue sans cesse par un type qui a le syndrome Gilles de la Tourette.

Métaphore de la Suède

Il est étonnant aussi que le film ne joue pas des potentialités ludiques de l’œuvre The square, de son caractère ambivalent. Une fois que Christian s’est fait voler, que les bonnes intentions ont été ridiculisées, il n’est plus jamais question d’altruisme. Östlund restreint son film à une critique acide de son pays : l’œuvre peut se lire comme une métaphore de la Suède. Le terme « square » en anglais a plusieurs sens. Un sens positif qui renvoie à l’ordre, l’équité, l’honnêteté. Un sens argotique qui évoque ce qui est ringard. C’est une figure géométrique qui entoure et qui enferme. C’est aussi le carré du cadre cinématographique qui sépare les personnes et empêche toute véritable empathie. La Suède est décrite comme ce carré protecteur en apparence, qui se révèle excluant. Le film est déplaisant parce qu’il dénonce sans aucune nuance une bourgeoisie raciste, intolérante qui ne se montre ouverte et généreuse que pour dissimuler sa mauvaise conscience.

The square est donc la palme du film donneur de leçon, démonstratif, calculateur. Aucun vertige ne se ressent de ces 2H30, aux nombreux passages inutiles (pourquoi nous montrer cette conférence de presse ?). Dans ses excès de bizarrerie, il m’a fait penser à Sorrentino ou à Lanthimos, cinéastes aux effets boursouflés, tantôt amusants, tantôt lourdingues. Ça, une palme d'or ???

Commentaires

  • Bonjour, je partage assez votre avis car j'ai moi aussi trouvé déplaisant et moralisateur le regard du réalisateur sur ses personnages . Et le côté retors de l'histoire m'a gêné (Christian est prisonnier d'un cercle vicieux plus que d'un carré).

Les commentaires sont fermés.