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United red army (2007)

Koji Wakamatsu, décédé en 2012, était réputé pour ses films érotiques et ses brûlots politiques. Ayant débuté sa carrière en 1959, il fut proche de l’extrême gauche japonaise, très active dans les années 60 et il en connut de nombreux acteurs. United red army, sorti en 2007, évoque l’épisode particulièrement tragique de la formation et de la destruction de l’Armée rouge unifiée, groupuscule qui prit les armes contre l’état japonais avant de tomber lors de la prise d’otage du chalet d’Asama en 1972.

Défense / confrontation / offensive

United red army est une épopée tragique de 3H10 formée d’un triptyque qui traduit en images le processus de radicalisation révolutionnaire du prolétariat, c'est la voix off du narrateur qui le dit: défense / confrontation / offensive. Première partie : la radicalisation des mouvements protestataires étudiants. Deuxième partie : la clandestinité et la purge de l’Armée rouge unifiée. Troisième partie : le combat contre l’Etat lors de la prise d’otage d’Asama. Le film décrit des événements et des personnages ayant existé, les saupoudrant de fiction. Wakamatsu parvient à rendre intenses ces épisodes tout en disposant de peu de moyens. Son film, passionnant, est épique avec l’économie d’un huis-clos et quand il a besoin de sortir du cadre groupusculaire, il utilise les outils du documentaire et les images d’archives. Dans son premier tiers, ne disposant pas des moyens (filmage à la grue, figurants, effets spéciaux) pour mettre en scène une violence digne de Mai 1968, il alterne les images de manifestations violentes et les courts épisodes de formation / scission des mouvements radicaux. De multiples personnages apparaissent, présentés par leurs noms. La jeunesse, la fougue révolutionnaire, la beauté, inscrites sur les visages, frappent le spectateur. Wakamatsu filme les regards tout en préservant leur caractère énigmatique. Il évite de psychologiser ou de motiver les actions par l’histoire personnelle, incitant le spectateur à se concentrer sur les dialogues. Le filmage numérique un peu flou donne un caractère d’urgence et d’incertitude à l’ensemble qui baigne dans la musique électrique lancinante de Jim O’Rourke (Sonic Youth).

Guerre d’extermination

Dans le triptyque, la partie centrale est la plus remarquable, quand la Faction Armée Rouge (FAR) et la Fraction Révolutionnaire de Gauche (FRG) se regroupent dans des chalets pour préparer la « guerre d’extermination ». Ils sont 26, 18 vont mourir, non pas sous les coups de l’ennemi mais du fait de la purge interne du mouvement. Par le passé, ils ont subi les trahisons ou les désertions auxquelles ils ont répondu par la violence. La préparation en vase clos de l’homme révolutionnaire, un être théorique projeté tout entier dans la guerre au capitalisme accélère le processus de purge du mouvement. Dans le huis-clos du chalet, Wakamatsu se concentre sur les visages de ses acteurs. Celui de Go Jibiki, interprétant Tsuneo Mori, traduit la dureté du leader du mouvement. Et que dire de celui d’Akie Namiki jouant Hiroko Nagata si ce n'est qu'il scrute tel un chat chassant des souris? Dès qu’elle parle, elle accule aux aveux les membres les moins sûrs. L’atmosphère devient oppressante et sanguinaire à mesure que le mot d’autocritique emplit les échanges. Il devient le leitmotiv du mouvement qui entre dans une spirale suicidaire. Que signifie « l’autocritique » ? Que faut-il confesser exactement ? Ils finissent eux-mêmes par ne plus savoir. Cela devient un rituel religieux, tendant à repérer le « péché » contre-révolutionnaire (ou petit-bourgeois) et à entraîner la sanction mortelle. On se demande un moment s’ils ne vont pas tous mourir et ce qui les pousse, alors qu’aucun ennemi n’est visible, à se détruire avec autant de conviction. Wakamatsu ne franchit jamais le cap de l’explication psychologique, nous laissant nous interroger sur ce qui pousse une Nagata par exemple à traquer ses camarades féminines et à punir avec virulence les relations sexuelles.

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La dernière phase décrit la fin désespérée du groupe. C’est la partie « film d’action ». Les faibles moyens sont visibles et l’aspect artisanal menace de rendre cette partie moins convaincante. Étonnamment pourtant c’est là que nos révolutionnaires apparaissent les plus humains et intéressants individuellement. On retrouve dans les plus sanguinaires comme Sakaguchi (Arata) non pas du regret mais une forme de remise en cause. La façon respectueuse dont ils traitent l’aubergiste nous les montre comme des êtres humains exaltés et idéalistes. Peut-on conclure que Wakamatsu éprouve de la sympathie ou de la compassion pour eux ? Tout en condamnant la férocité et l’absurdité de la purge, il ne voue pas complètement aux gémonies ce passé et cette jeunesse radicale. Il semble aussi se souvenir du beau visage de Shigenobu (interprétée par la radieuse Anri Ban), personnage qui ne prend pas part aux épisodes tragiques du film. Partie au Liban et s’étant dévouée à la cause palestinienne, peut-être cette figure historique de l’extrême gauche japonaise incarne-t-elle pour lui le meilleur de cette cause révolutionnaire dévoyée.

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