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Tout simplement noir (Jean-Pascal Zadi, John Wax)

Jean-Pascal Zadi est passé par le rap, il a suivi le cours Florent, il court les castings mais son talent ne saute pas du tout aux yeux. On ignore à quel point, pour les besoins de son propre film en forme d’auto-fiction, il se rabaisse en tant qu’acteur. Ajoutons qu’étant noir, il est très souvent cantonné à des rôles stéréotypés et ridicules, ce qui n’arrange rien. Mais il veut percer, fait tout pour créer le buzz sur Internet et décide de dénoncer sa condition d’homme noir en organisant une grande marche à partir de la Place de la République à Paris. Dès l’entame de cette comédie bien d’actualité, on saisit une forme d’ambivalence qui restera pendant tout le récit: veut-il marcher pour convertir son buzz en célébrité ou bien cherche-t-il réellement à dénoncer la condition générale des noirs en France ? Ce sont ces tiraillements du personnage entre deux intentions antagonistes qui font l’intérêt de ce film divertissant, qui ressemble certes une enfilade de sketchs mais se révèle beaucoup plus profond qu’il n’en a l’air.

Jean-Pascal Zadi n’a certes pas de grands atouts pour devenir célèbre mais il a fait suffisamment de bruit sur les réseaux sociaux pour se faire remarquer. Il souhaite embarquer un maximum de stars dans sa marche et le film sera constitué de ses tentatives souvent malheureuses pour les fédérer. On voit défiler Fary, Claudia Tagbo, Joey Starr, Ramzy Bedia, Eric Judor, Fabrice Eboué, Soprano ou Lucien Jean-Baptiste. A chaque séquence se répète la même mécanique, parfois comique parfois un peu ratée. Jean-Pascal expose son projet, obtient l’adhésion puis se retrouve piégé par sa maladresse et la séquence se termine en eau de boudin. Il est vrai que l’acteur n’a pas lésiné sur son autoportrait en parfait crétin, capable de dire des vérités bien senties mais aussi un paquet d’idioties susceptibles de faire sortir les gens de leurs gonds. Zadi a eu l’intelligence de créer un personnage révélateur des contradictions des noirs français, notamment des stars ayant réussi en France en tant que comiques, acteurs ou artistes. Les séquences visent plus à révéler des failles qu’à faire rire. Alors que les conditions sont réunies pour qu’une solidarité raciale s’exprime dans une marche commune, le grain de la division empêche un véritable mouvement de fond.

C’est justement dans le monde du spectacle que l’adhésion est la plus difficile à obtenir. Pourquoi ne peut-on pas devenir frères et marcher ensemble pour faire avancer les choses ? Les séquences qui se suivent le montrent bien : chacun est enfermé dans sa logique carriériste, individuelle et souvent cynique. Je connaissais le comique Fary de nom mais sans avoir vu son travail. Il est aussi un atout du film tant il livre un autoportrait très cruel. Alors que Zadi se décrit comme un candide, Fary montre un visage cynique et très opportuniste. Pourquoi les noirs sont-ils incapables d’une mobilisation massive comme aux Etats-Unis ? La réponse du film semble tenir dans la maladresse de Jean-Pascal couplée au cynisme de Fary.

Si on examine l’ensemble des séquences, on se dit que le chemin collectif est encore bien long. Chacun est enfermé dans une identité particulière, qui peut être noire certes mais antillaise, métisse ou africaine. On peut aussi se sentir membre d’une minorité, solidaire des noirs en tant que maghrébin ou juif mais ne pas échapper à certains désaccords violents. Dès lors qu’on sort du divertissement pour rejoindre le militantisme, on peut porter un discours intransigeant et nager soit dans les contradictions soit dans une forme d’enfermement idéologique (le sens de la séquence de la brigade anti-négrophobie). Bref, Tout simplement noir rêve d’une solidarité communautaire très difficile (impossible ?) à obtenir. Le film n’est pas du tout une condamnation du « communautarisme » mais plutôt la recherche de quelque chose de collectif qui peine à se créer.

On dit souvent que les artistes sont des gens progressistes, en avance sur le reste de la société. Les deux séquences de casting montrent qu’il n’en est rien. Soit on se vautre dans les pires clichés sur les noirs (toujours de banlieue, le plus souvent dealers), soit on se fait le chantre mégalo de la libération des opprimés. Matthieu Kassovitz n’hésite pas ici à déboulonner sa propre statue de réalisateur de la Haine, dans une des meilleures séquences du film. Le salut est à chercher plutôt dans la vraie vie, là où les noirs ne sont pas des VIP, des comiques célèbres ou la personnalité préférée des français mais des gens normaux comme le père de Jean-Pascal.

Certes le film de Zadi n’est pas d’un grand apport au patrimoine cinématographique mondial. Il porte les marques d’une culture bien d’aujourd’hui, faite de buzz, de standup, de saynètes, plus proche du rythme d’une mini-série que d’un Spike Lee. Il est amusant à regarder tout en se concluant par une parole plus sérieuse et politique digne d’un documentaire. Pas mal pour un rapper et un acteur raté !

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