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Swallow (Carlo Mirabella-Davis)

Hunter (Haley Bennett) a tout pour être heureuse. Elle est mariée à Richie (Austin Stowell), un entrepreneur fortuné dont elle attend un enfant. Femme au foyer soucieuse de son intérieur, elle s’occupe d’une maison spacieuse donnant sur l’Hudson River. Les plans larges et les scènes d’intérieur décrivent une villa cossue et aseptisée, comme une maison témoin pour classe sociale supérieure. Alors quel est le problème ? Envahie par l’angoisse, Hunter avale compulsivement des petits objets. Swallow décrit de manière clinique une névrose qui devient incontrôlable.

To swallow: avaler en anglais. Il n’est pas besoin de la première scène d’ingestion au propre pour s’apercevoir que la douce Hunter avale beaucoup au figuré. Elle est « femme de ». Son mari et sa belle-famille lui font comprendre la chance qu’elle a d’avoir épousé une belle situation. Aux yeux de ces américains riches, sûrs d’eux-mêmes, elle a décroché le jackpot. Le scénario décrit méticuleusement les humiliations qu’elle subit. Hunter a beaucoup d’amour à donner mais elle se retrouve dépossédée, réifiée en bonne petite épouse. La description peut sembler désuète, comme sortie des années 50, elle revêt un caractère politique évident alors que la majorité au pouvoir aux Etats-Unis rêve d’un retour à des années idéalisées, quand chacun était à sa place : le mari gagnant l’argent du foyer, la femme s’occupant gentiment de son intérieur et des enfants. Le modèle d’épouse endossé par cette femme peut paraître anachronique, il demeure et ne semble pas si exagéré que cela. En nous faisant comprendre d’où vient Hunter, sa famille, son passé, le scénario donne les clés de compréhension de sa docilité.

Malgré sa bonne volonté, Hunter peine à avaler ce modèle d’épouse traditionnelle qu'on cherche cyniquement à lui imposer. Le film de Carlo Mirabella-Davis est une charge violente contre la classe riche américaine. Il n’y a rien à sauver de ces gens méprisants, incapables d’empathie pour la détresse d’autrui. Plusieurs séquences nous font comprendre qu’être riche, c’est payer pour ne pas avoir à s’occuper du « facteur humain ». Quand on a de l’argent à amasser, on ne perd pas de temps à s’occuper de plus faible que soi. Richie et sa famille ne provoquent que dégoût chez le spectateur. Le rôle d’Austin Stowell en fils à papa macho et égoïste est particulièrement ingrat. C’est cet aspect de critique social et de manifeste féministe qui rend le film plus terre à terre qu’attendu. Les séquences de malaise et d’ingestion, souvent malsaines, parfois drôles, évoquent Répulsion de Polanski ou le cinéma de Cronenberg mais le scénario ne prend pas le chemin d’une plongée irrémédiable dans la folie. En nous révélant ce qui hante Hunter, Mirabella-Davis cherche de toute évidence à sauver son héroïne.

Certains diront que les explications du trauma affadissent le propos, qu’en privilégiant la lisibilité psychologique, Swallow passe à côté de quelque chose de beaucoup plus radical et dérangeant. Mais les dernières minutes éclairent l’intention même du film et sa puissance symbolique. Il s’agit de libérer une femme tourmentée de ce que la société lui a fait avaler. Il s’agit qu’une femme au prénom virile, Hunter (littéralement « chasseur »), passe du seul contrôle qu’elle a sur les objets de son intérieur, au point de les avaler, au contrôle sur son propre corps et sur sa vie. Haley Bennett est formidable dans ce rôle et à mesure que son trouble se révèle et qu’elle prend conscience d’elle-même révèle une force qu’on ne lui soupçonnait pas. Pour toutes ces raisons, on conseille sans réticence ce film stylisé et maîtrisé de bout-en-bout.

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