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Jours de France (sortie le 15 mars 2017)

Une fois Jours de France visionné, on fourmille de questions pour son réalisateur, Jérôme Reybaud. Jours de France comme la revue sur les grands de ce monde qu’on distribuait pour les salles d’attente des dentistes ou des médecins jusqu’à la fin des années 80 ? Cela a comme un air de passé et de province. Pourquoi Jours de France et pas Tour de France ? Le film aurait pu s’appeler comme cela puisqu’on y voit Pierre (Pascal Cervo) quitter Paul (Arthur Igual) pour un voyage en voiture sans but dans notre pays. Il parcourt cet espace si peu caractérisé par le cinéma français : le centre. C’est un polygone aux multiples zones désertes, dont les villes ont pour nom Bourges, Vierzon, Issoudun, etc. Paul part à la recherche de Pierre en utilisant les possibilités GPS de Grindr, application de rencontres gays permettant de repérer des plans drague dans un rayon de quelques kilomètres.

Exploration d’une certaine France

Jours de France est une exploration d’une certaine France et de ses habitants. Pierre voyage seul et rencontre d’autres solitudes avec qui il échange du sexe et/ou de la conversation. Chaque nouveau personnage rencontré par Pierre est une interrogation pour le spectateur. Pourquoi lui ou elle ? Que veut-il nous dire? Se refusant à approfondir les motivations psychologiques, Jérôme Reybaud suscite beaucoup de mystère. Chaque être rencontré porte une part d’étrangeté qui demande à être questionnée. A commencer par Pierre dont on apprendra peu de choses. Chaque être semble le propriétaire solitaire du territoire qu’il habite. C’est d’abord une musicienne qui enchante les maisons de retraite, un jeune homme gay puis une ancienne prof devenue bouquiniste, une voleuse, un VRP, un barman savoyard, un boucher antipathique avec son garçon mutique… Reybaud nous présente une étonnante galerie d’êtres attachés aux lieux. Même si c’est plus ou moins réussi selon les séquences, certaines touchent à l’onirisme comme lorsque le VRP décrit son territoire comme un seigneur son domaine. Le scénario rattache souvent ses personnages à un patrimoine. Sur une table de chevet la Chartreuse de Parme de Stendhal, dans les mains du barman savoyard la Nouvelle Héloïse et puis cette ville d’Issoudun décrite avec acuité par Balzac dans la Rabouilleuse. Les mots de la bouquiniste font écho à ceux de Balzac : « si par hasard on y case des ambitieux étrangers au pays, ils sont gagnés par la force d’inertie et se mettent au diapason de cette atroce vie de province. »  Des livres, une borne romaine, des fanions de l’équipe de Saint-Etienne…  Par les traces d’œuvres anciennes survivent des territoires. La province, ce sont des paysages et un patrimoine qui habitent les provinciaux.

Poétique des lieux et des habitants

L’une des grandes qualités du film réside dans le montage et la mise en écho des situations ou des personnages. Bien qu’on fasse beaucoup de route avec Pierre, la mise en résonnance des détails (objets, musique) empêche toute monotonie. Un air de vieille chanson française par exemple et la chanteuse des maisons de retraire réapparaît. Ce sont de courtes scènes s’insinuant dans le récit. Des liens se sont créés et perdurent. Sur la trame très simple d’un voyage en voiture, Jours de France travaille une poétique des lieux et de leurs habitants. A la géographie des cartes routières se superpose une géographie plus secrète, celle des lieux de rencontre gays. Des aires d’autoroute, des bois, des parkings sont connus des seuls initiés. Les rapports qui s’y créent, même fugaces, peuvent être tendres. Des solidarités sont possibles ; Reybaud filme lieux et rencontres imprégnés de solitude sans jamais se laisser aller au glauque ou au déprimant. Sous la forme de Grindr, la technologie, si souvent critiquée pour éloigner les gens, rapproche des hommes séparés par les distances. On comprend aussi que l’opposition Paris / province si évidente de premier abord, n’est pas si simple. A Paris on vit une forme d’indifférence rassurante mais on manque des rencontres et des solidarités qui n’existent qu’en province.

C’est le premier long-métrage de fiction de Jérôme Reybaud, passé par le court et par un documentaire sur Paul Vecchiali. Il y montre une personnalité et des choix affirmés. Cette province qu’il décrit sans la décrier recèle d’étonnantes rencontres. Il serait dommage de les manquer : Jours de France, distribué par KMBO, sort dans les salles le 15 mars.

Commentaires

  • Bonsoir, je viens de lire avec beaucoup d' intérêt votre article sur Jours de France. Permettez-moi de vous signaler une erreur sur le prénom du réalisateur. Son prénom est Jérôme et non Sébastien. Sincères salutations. D. Dahon

  • Merci, c'est corrigé !

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