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Step brothers (2008), hommage à Will Ferrell

Je prends le prétexte de la revue récente et toujours aussi drôle de Step brothers d’Adam McKay (2008) pour rendre un hommage à Will Ferrell, acteur comique star aux Etats-Unis mais relativement méconnu en France. Les sorties françaises de ses films ne soulèvent pas les foules. Peu de promotion, titres mauvais, cela n’aide pas beaucoup. Step brothers ou Frangins malgré eux : 25000 entrées en France lors de sa sortie. Surtout, ne pas s’y fier.

Grand comique

A la source des grands comiques du cinéma, on retrouve un corps qui ne se comporte pas selon la norme. Il accroche, dérape, rebondit, se cogne. Son visage se déforme, grimace, se fait ahuri, lunaire ou pathétique. Le corps suscite le rire en créant l'accident au moment juste. Suivant cette règle, le grand comique est celui qui se transforme en obstacle qui fait dérailler la mécanique de la société exactement quand il faut. Sa maladresse et son incapacité à se synchroniser avec le monde révèlent ce qui peut être absurde, arbitraire, stupide et ridicule en lui. Will Ferrell fait partie de ces grands comiques.

Balourdise adolescente et agressivité borderline

Personne ne dira qu’il est du même acabit que ces génies que sont Buster Keaton, Charlie Chaplin, Jacques Tati, Jerry Lewis ou Peter Sellers : aucun de ses films n’a révolutionné le cinéma. Pas un Meccano de la générale, la Party ou Playtime à son actif. Comme beaucoup (de Funès, Toto), il compte nombre de films « alimentaires » qu’il a réussi à sauver de justesse – Semi-pro, Very bad cops ou Get hard. A côté d’un Jim Carrey qui a plus de bons films à son actif (Me myself and Irene, Dumb et dumber, Man on the moon ou the Truman show), voire de Ben Stiller, il est un des rares acteurs capables de faire rire aux éclats grâce à son corps.

Grand dadais rouquin et frisé pas très beau, costaud mais ventru, de grands bras et de grands pieds, il a une carcasse à l’opposé de la sveltesse des jeunes premiers hollywoodiens, d’ancien adolescent gros et complexé. Il a un corps qui a du mal à se mouvoir naturellement, pas à l’aise en société et avec la gente féminine. Un corps lourd d’autant plus comique qu’il est utilisé à contre-emploi, comme dans l’hilarant Les rois du patin (2007) où il interprète un champion de patinage artistique sex-addict. Mais il ne joue pas que de ça : il excelle dans les rôles d’adulte déphasé et immature. A la fin du très drôle Wedding crashers (2005), le personnage joué par Owen Wilson rend visite à Chazz Reinhold, un séducteur en série légendaire pour lui et son meilleur pote. En la personne de Chazz, il tombe sur un adolescent attardé qui vit chez sa mère et emballe les filles pendant les enterrements (!!!). Il faut voir Ferrell, en peignoir dans le salon de sa mère, les yeux fous, dire que le deuil est un aphrodisiaque incomparable et qu’aux enterrements, les filles sont « crazy horny » (hyper chaudes). L’extrait est sur youtube et révèle la puissance comique du bonhomme, en seulement quatre minutes. Assez subtilement, il est capable de mélanger la balourdise adolescente et une forme d’agressivité borderline, pouvant sortir des rails à tout moment.

Des petits cons de douze ans dans des corps de quarante ans

Le génie de Ferrell est à son pic dans Step brothers où il joue le rôle de Brennan Huff, un homme de quarante ans qui vit encore chez sa mère. Sa mère se remarie avec un homme qui a un fils du même âge, Dale, joué par l’excellent John C. Reilly. La cohabitation entre les deux nouveaux demi-frères provoque une telle série de catastrophes qu’elle met à mal le remariage de leurs parents. Là où un film français comme Tanguy tire sa relative drôlerie d’une situation atypique (un fils adulte ne veut pas quitter ses parents et leur fait un procès), le film américain part de cette situation pour la rendre folle. Oui, Dale et Brennan vivent toujours chez leurs parents à quarante ans mais ces deux types n’ont pas grandi dans leurs têtes et SONT des gamins. Reilly et Ferrell, en apparence des grands, sont en fait des petits cons de douze ans.

Toutes les situations comiques du film proviennent du décalage entre le corps adulte, voué à la normalité sociale (avoir un boulot, une famille, comme Derek, le frère insupportable de Brennan) et le comportement infantile des deux zozos qui ne veulent pas se plier aux standards de réussite de la société américaine. Le film accumule les situations comiques : le conflit autour de la batterie de Dale, la recherche d’emploi des deux frères, leur agression par de vrais enfants, leur clip gangsta, leurs crises de somnambulisme etc. Dans ce tableau réjouissant, Will Ferrell est une tête au-dessus de John C. Reilly. Tantôt boudeur, tantôt criard et enthousiaste comme le sont les enfants, Il a quelque chose de plus varié et imprévisible dans son jeu que son partenaire.

Step brothers est une production de Judd Apatow, un label synonyme de comique bavard, sous la ceinture et porté sur la fumette. En cloque mode d’emploi ou Quarante ans toujours puceau en sont les rejetons les plus cultes, des films inégaux mais assez drôles. Ils ont ceci d’attachant qu’ils mettent invariablement en scène des personnages peu à l’aise à l’idée de grandir mais le côté logorrhéique, porté par un acteur comme Seth Rogen est souvent lassant. A ce titre, le film d’Adam McKay, plus premier degré, plus physique et déjanté que la moyenne, est une belle anomalie. Parmi les œuvres ferrelliennes, d’autres critiques vous conseilleraient sans doute Anchorman : The Legend of Ron Burgundy. A découvrir aussi mais quand même, Step brothers, quelle drôlerie !

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