John Huston
A most violent year: a most tepid film
New York, 1981. L’atmosphère de la ville est viciée par le crime. Abel Morales (Oscar Isaac) est un entrepreneur en fuel qui essaie de s’imposer dans un secteur aux pratiques mafieuses. Ses camions sont braqués, ses chauffeurs agressés mais Abel tient bon. Il ne se salira pas les mains, il ne fera rien qui pourrait compromettre son affaire et son projet d’expansion. Il restera propre malgré les pressions de son épouse (Jessica Chastain) et de son avocat (Albert Brooks). L’ancien immigré latino parti de rien a en plus un procureur aux fesses (David Oyelowo). Mais il fera tout pour rester honnête et démasquer ceux lui veulent du mal.
Al Pacino constipé
Sur l’affiche, il est dit « Magistral » (Télérama) et la majorité de la critique française chante les louanges de A most violent year de JC Chandor. Il est frustrant de sortir d’une salle de cinéma et de se dire « c’est ça, le chef d’œuvre de l’année ? » Rien de trépidant dans ce film que j’avais envie d’aimer parce qu’il invoque Sidney Lumet (Prince of the city, Serpico), un peu le Parrain, James Gray, Al Pacino - auquel Oscar Isaac fait penser. Mais rien ne m’a vraiment captivé dans ce film, succession linéaire de scènes dialoguées dans lesquelles Abel, mécaniquement, s’en tient à son éthique et à sa panoplie de self-made-man respectable. Il n’y a rien de mal à décrire un personnage honnête mais encore faut-il nous faire comprendre pourquoi il s’en tient à ses principes contre vents et marées. Quel est son moteur ? Qu’est-ce qui l’incline à rejeter la violence et les magouilles alors que ce sont les règles du jeu ? Emprisonné dans son rôle, Gregory Isaac en est réduit à serrer les dents et à jouer comme un Pacino constipé. Il en devient ennuyeux, exagérément raidi dans son costume d’homme intègre. Face à lui, Chandor avait un personnage en or, celui d’Anna, l’épouse d’Abel, dont le père est un mafieux. C’est un élément sous-exploité alors qu’on la devine clé dans le parcours d’Abel et dans l’intrigue. Mais Anna reste en pointillé, toujours au second plan. Elle aurait dû être le grain de sable, l’étincelle qui fasse péter le couple mais le scénario désamorce toute explosion. D’ailleurs, il n’y a dans le film aucune scène qui prenne aux tripes.
Retenu, étouffé,...
Je retiens la beauté de nombreux plans et mouvements de caméra, comme celui embrassant d’abord les buildings de New York puis les rives de l’Hudson. L’aspect artistique du film est soigné mais ça ne suffit pas. D’un film qui évoque une année parmi les plus violentes, j’attendais à minima de la tension, de l’énergie, du fuel ! Or rien n’est intense dans la mise en scène de JC Chandor, tout m’a paru retenu, étouffé, constipé comme s’il ne fallait surtout pas imiter les anciens, les Scorsese, Friedkin, chroniqueurs percutants et déjantés de la violence new-yorkaise. On me rétorquera que c'était l'intention. A most violent year évoque une transition douce, un passage symbolisé par Abel, entre le New York de French connection, violent, sale et cafardeux et la mégapole du capitalisme reaganien, en apparence plus propre, plus respectable. Abel symbolise une nouvelle génération d’immigrés intégrés car convertis aux affaires et à la légalité. JC Chandor est un type capable (Margin call, vraiment bien) qui dit des choses intelligentes mais avait-il besoin de faire un film aussi mou pour nous les faire comprendre ?