John Huston
Films d'enfance, si embarrassants
Gérard Oury a été un des pourvoyeurs de films de ma jeunesse (de mon enfance devrais-je dire). A ce titre, j’avais un certain respect pour ce réalisateur de comédies populaires (La folie des grandeurs, le Corniaud, Les aventures de Rabbi Jacob, l’As des as) et j’avais mal supporté que Michel Ciment, critique à Positif et au Masque et la Plume, dont je respecte beaucoup les avis, fasse étalage de mépris à l’égard d’un cinéaste dont le grand défaut semblait d’avoir du succès. Maintenant que j’ai revu en DVD la Grande vadrouille, sorti en 1966, j’ai presque envie de jeter moi aussi une bonne poignée de terre sur le cercueil d'Oury !
Pour mémoire, la Grande vadrouille commence pendant la Deuxième Guerre Mondiale, par le parachutage sur Paris de pilotes anglais dont l’avion a été abattu. Engagés dans une course poursuite avec les Allemands qui va les mener jusqu’en Bourgogne, ils seront aidés par un chef d’orchestre irascible (Louis de Funès bien sûr) et un peintre de bâtiment gentillet (Bourvil). Un artiste et un ouvrier français, au secours des anglais, contre les allemands. Rien de choquant a priori dans cette association d’improbables résistants. On aurait pu dire, en interprétant un peu : un bourgeois de droite et un communiste. L’opposition des caractères, recette comique gagnante du cinéma français, qui sera resservie maintes fois par des émules d’Oury comme Francis Veber.
Vingt ans après l’avoir vu à la TV, je suis tombé de haut. Je sais, Oury n’est pas Lubitsch ni Wilder, mais quand même, on parle d’un « monument » de la comédie française ! Ce film, qui renvoie de la France occupée l’image d’un pays peuplée de résistants, dégouline de démagogie. Pétain, les collabos, les rafles ? Pas vu. Il n’y avait en France que des résistants face à ces bourrins d’allemands claqueurs de bottes. Il n’y avait que des braves gens prêts à rendre service aux pilotes anglais. Pendant tout le film se dégage le sentiment d’un réalisateur servilement attaché à flatter son public. L’accusation de révisionnisme porterait si on n’avait le sentiment que Gérard Oury, plein de bons sentiments, a voulu éviter à son public les mauvais souvenirs de la guerre. Comme si on ne pouvait rire qu’en cachant la vérité. Enorme contresens d’un réalisateur qui avait bien dû voir To be or not to be de Lubitsch (1942) auquel la Grande vadrouille renvoie explicitement.
Il aurait peut-être fallu que la Grande vadrouille me fasse simplement rire pour que je mette de côté mes critiques. Hélas, ce film, qui est la matrice de la grande comédie à la française (rythmée, pourvue d’acteurs cabotins et de bons mots) a mal vieilli. Vieilli dans sa représentation du pays (tendance béret-baguette et religieuse en cornette), dans son gros comique anti-boche et dans le cabotinage ininterrompu des acteurs.
Finalement, Oury restera pour moi un cinéaste d’enfance dont l’œuvre me rattache à l’époque où mes goûts n’étaient pas formés. Le génie grimaçant de Louis de Funès suffisait. Avant Veber, Oury a créé une sorte de cinéma sans cinéma, transposition de mécaniques comiques efficaces et dans l’air du temps mais sans rien qui ressemble à un style. Un très mauvais cinéaste, donc.
On ne devrait jamais revoir les films de son enfance !!!