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  • Marie-Octobre, de la bonne qualité française

    De Julien Duvivier, j’avais été intrigué par Un carnet de bal, film d’avant-guerre (1937) dans lequel une femme qui avait fait un mauvais mariage reprenait contact avec les hommes qui l’avaient courtisée. De rencontre en rencontre, le film traçait le portrait peu flatteur de la génération d’avant-guerre. Empreint d’un ton pessimiste, il semblait prémonitoire des événements à venir. Pourvu d’excellents acteurs, dont Louis Jouvet, Fernandel ou Raimu, il témoignait des talents de Duvivier à utiliser de grandes figures du cinéma français et à leur faire jouer des rôles ambigus, ce qu’il reproduit dans le prenant Marie-Octobre, sorti en 1959.

    Huis-clos efficace

    Plus de vingt ans après, il met donc en scène dans un huis-clos efficace la star Danièle Darrieux et dix grands acteurs que sont Paul Meurisse, Lino Ventura, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Paul Frankeur, Bernard Blier, Robert Dalban, Paul Guers, Daniel Ivernel et Jeanne Fusier-Gir. La belle Marie-Hélène dite Marie-Octobre (Darrieux) invite dans son château les anciens membres du réseau de résistance Vaillance à se souvenir de leur chef Castille, assassiné par la gestapo. Ils sont tous venus, tranquilles, prospères, pour s’entendre dire par leur hôtesse que l’un d’eux a donné Castille aux allemands quinze ans auparavant. La soirée aboutira à découvrir le coupable.

    darrieux, duvivier, ventura, blier, dalban, iverbel, meurisse, frankeurDe Julien Duvivier, j’avais été intrigué par Un carnet de bal, film d’avant-guerre (1937) dans lequel une femme qui avait fait un mauvais mariage reprenait contact avec les hommes qui l’avaient courtisée. De rencontre en rencontre, le film traçait le portrait d’une génération d’hommes d’avant-guerre peu flatteuse. Empreint d’un ton assez pessimiste, il semblait prémonitoire des événements à venir. Pourvu d’excellents acteurs, dont Louis Jouvet, Fernandel ou Raimu, il témoignait des talents de Duvivier à utiliser de grandes figures du cinéma français et à leur faire jouer des rôles ambigus, ce qu’il reproduit dans le prenant Marie-Octobre, sorti en 1959. Huis-clos efficace Plus de vingt ans après, il met donc en scène dans un huis-clos efficace la star Danièle Darrieux et dix grands acteurs que sont Paul Meurisse, Lino Ventura, Serge Reggiani, Noël Roquevert, Paul Frankeur, Bernard Blier, Robert Dalban, Paul Guers, Daniel Ivernel et Jeanne Fusier-Gir. La belle Marie-Hélène dite Marie-Octobre (Darrieux) invite dans son château les anciens membres du réseau de résistance Vaillance à se souvenir de leur chef Castille, assassiné par la gestapo. Ils sont tous venus, tranquilles, prospères, pour s’entendre dire par leur hôtesse que l’un d’eux a donné Castille aux allemands quinze ans auparavant. La soirée aboutira à découvrir le coupable. Tout se passe dans le salon du château de Marie-Octobre et cet espace vaste comme une scène de théâtre permet à Duvivier d’utiliser toutes les perspectives possibles pour mettre en scène ses nombreux personnages. A l’instar du filmage d’un match de catch, que l’on voit sur le téléviseur du salon allumé par Marinval (Frankeur), la caméra joue avec les corps de ses acteurs, captant les face à face, les uns contre tous, les visages soudain chargés de culpabilité. Pour cela, il alterne les gros plans sur les visages, plans rapprochés ou plans d’ensemble, dans un montage dynamisé par la multiplicité des acteurs. Le film est un dialogue à une dizaine de personnages qui ne lasse pas. L’espace clos et conflictuel se suffit à lui-même, le scénario de Henri Jeanson, grand scénariste qui avait écrit Un carnet de bal, s’interdit tout flash-back ou échappée. Ses dialogues sont brillants tout en restant sobres. La violence symbolisée par le match de catch reste contenue dans le téléviseur, sauf dans les dernières séquences du film. Chacun est contraint de dire sa vérité sous l’œil de tous. Marinval essaie bien d’échapper à la contrainte pesante du tribunal en augmentant le volume de la TV mais il en est à chaque fois empêché. La vérité doit sortir des paroles de chacun, mises au tamis du jugement collectif.  Joué avec conviction et sans roublardise Pour déployer un film avec autant de personnages sans dispersion ni déséquilibre, il fallait réunir des acteurs d’expérience et leur donner des rôles consistants, Duvivier et Jeanson se partagent ce mérite.  Aucun de ces hommes n’est sympathique mais chacun est joué avec conviction et sans roublardise. A l’exemple de Lino Ventura, ex-truand passé en résistance qui après-guerre tient une boîte de striptease ou de Bernard Blier, avocat passé par l’extrême-droite avant de rejoindre Vaillance. Chacun a sa part d’ombre et aucun de peut revendiquer l’exemplarité. Derrière la bonhommie des retrouvailles, Jeanson fait sentir les imperfections de ces hommes devenus notables, qui ont rejoint la Résistance sans en être particulièrement digne. Le véritable héros est Castille, qui n’est plus là, ainsi que leurs compagnons disparus. Se dégage du scénario un sentiment diffus de malaise, d’ambigüité. On se dit que tous ces personnages représentatifs de la population (médecin, avocat, imprimeur, ex-truand, bonne etc.) auraient pu trahir ou être collabos. Si le sujet est exhumé quinze ans après la guerre, c’est que la société française est encore peu à l’aise avec la question « que faisiez-vous pendant la guerre ? » et que rien n’a été tout à fait noir ou blanc pendant cette époque. Marie-Octobre est une production habile et solide mais certainement pas un film innovant. Comme le persiflait la génération de la Nouvelle Vague,  c’est de la qualité française : très bons acteurs, dialogues soignés, réalisation efficace et conventionnelle. C’est donc le témoignage d’un grand savoir-faire, au service d’un sujet historique qui reste pertinent aujourd’hui.

    Tout se passe dans le salon du château de Marie-Octobre et cet espace vaste comme une scène de théâtre permet à Duvivier d’utiliser toutes les perspectives possibles pour mettre en scène ses nombreux personnages. A l’instar du filmage d’un match de catch, que l’on voit sur le téléviseur du salon allumé par Marinval (Frankeur), la caméra joue avec les corps de ses acteurs, captant les face à face, les uns contre tous, les visages soudain chargés de culpabilité. Pour cela, il alterne les gros plans, plans rapprochés ou plans d’ensemble, dans un montage dynamisé par la multiplicité des acteurs. Le film est un dialogue à une dizaine de personnages qui ne lasse pas. L’espace clos et conflictuel se suffit à lui-même, le scénario de Henri Jeanson, grand scénariste qui avait écrit Un carnet de bal, s’interdit tout flash-back ou échappée. Ses dialogues sont brillants tout en restant sobres. La violence symbolisée par le match de catch reste contenue dans le téléviseur, sauf dans les dernières séquences du film. Chacun est contraint de dire sa vérité sous l’œil de tous. Marinval essaie bien d’échapper à la contrainte pesante du tribunal en augmentant le volume de la TV mais il en est à chaque fois empêché. La vérité doit sortir des paroles de chacun, mises au tamis du jugement collectif.

    Joué avec conviction

    Pour déployer un film avec autant de personnages sans dispersion ni déséquilibre, il fallait réunir des acteurs d’expérience et leur donner des rôles consistants, Duvivier et Jeanson se partagent ce mérite.  Aucun de ces hommes n’est sympathique mais chacun est joué avec conviction et sans roublardise. A l’exemple de Lino Ventura, ex-truand passé en résistance qui après-guerre tient une boîte de striptease ou de Bernard Blier, avocat passé par l’extrême-droite avant de rejoindre Vaillance. Chacun a sa part d’ombre et aucun ne peut revendiquer l’exemplarité. Derrière la bonhommie des retrouvailles, Jeanson fait sentir les imperfections de ces hommes devenus notables, qui ont rejoint la Résistance sans en être particulièrement digne. Le véritable héros est Castille, qui n’est plus là, ainsi que leurs compagnons disparus. Se dégage du scénario un sentiment diffus de malaise, d’ambigüité. On se dit que tous ces personnages représentatifs de la population (médecin, avocat, imprimeur, ex-truand, bonne etc.) auraient pu trahir ou être collabos. Si le sujet est exhumé quinze ans après la guerre, c’est que la société française est encore peu à l’aise avec la question « que faisiez-vous pendant la guerre ? » et que rien n’a été tout à fait noir ou blanc pendant cette époque.

    Marie-Octobre est une production habile et solide mais certainement pas un film innovant. Comme le persiflait la génération de la Nouvelle Vague, c’est de la qualité française : très bons acteurs, dialogues soignés, réalisation efficace et conventionnelle. C’est donc le témoignage d’un grand savoir-faire, au service d’un sujet historique très sensible, qui reste pertinent aujourd’hui.